1980. C’est la date de la première fête du livre de Toulon. Il s’en est passé du temps et des auteurs et l’on aime chaque année découvrir de nouveaux auteurs, retrouver certains d’entre eux et suivre leur cheminement, avec la curiosité gourmande de voir ce qu’ils nous offrent. Tantôt journaliste, tantôt auteur, j’ai fait, non pas toutes les guerres comme l’écrit Cabrel mais toutes les fêtes du livre, avec toujours le même plaisir. Mais cette année, c’est en tant qu’auteur que j’y étais, pour présenter mon dernier livre « Le Var D’antan » paru chez HC éditions. On y reviendra. Etre auteur, c’est se retrouver à côté d’un autre auteur. Parfois ça se passe bien, parfois moins, selon que l’auteur soit aimable ou pas, aime parler ou pas. On s’y fait des relations… ou pas et je dois dire que cette année, j’ai eu de la chance : mon voisin de gauche n’est pas venu, celle de droite…
Valérie ALAMO, de mots et de chansons Celle de droite donc, avait déjà une qualité : avoir un accent proche du mien puisque, si elle vit aujourd’hui en Bourgogne, elle est d’Avignon avec l’accent que l’on prend en naissant de ce côté-là, comme le chante Mireille Mathieu. Déjà, ça rapproche mais si en plus elle est journaliste, que ses livres parlent de chanteurs, ça ne pouvait que nous rapprocher, moi qui suis devenu journaliste dans les années 60. Sans compter qu’elle a, comme moi, la volubilité et l’humour, ce qui est pour moi essentiel. Et en plus, le nom d’Alamo résonne en moi, l’amitié que j’avais avec Franck, le chanteur (dont le nom était Jean-François Grandin !) c’est le petit plus qui a fait que j’ai aussitôt accroché sur cette belle journalistes avec qui je me suis trouvé beaucoup de points communs. Pagny, Garou, Cabrel, Balavoine, Souchon, Berger n’ont plus de secrets pour elle. Elle nous a offert de superbes albums de Cabrel et Berger et nous propose cette fois deux livres, l’un sur Souchon, l’autre sur Pagny. Alors qu’elle nous avait offert « Pagny, l’homme qui marche » là, elle nous propose « Une vie en chansons » (Ed Hugo Doc) où elle décortique l’œuvre du chanteur et nous révèle les secrets de leur création. Et elle fait de même avec Alain Souchon. Les fans vont donc découvrir ce qui se cache derrière les mots et les chansons qui ont fait leurs succès. C’est un magnifique travail de recherches.
Benjamin CARTERET… En apesanteur ! Si, cette année, vissé à mon stand, je n’ai pu faire d’interviewes, j’ai quand même eu quelques jolis moments de rencontre. Ce qui s’est fait, là encore dans l’humour avec Benjamin Carteret, un adorable jeune garçon au physique de premier de la classe au sourire avenant, diplômé d’Histoire de l’Art. A l’arrivée à l’hôtel le premier jour, nous prenons ensemble l’ascenseur. Sourires, bonjour. Un moment après, nous nous retrouvons ensemble pour descendre. Re-sourire[b1] . Le lendemain matin, nous descendons au petit déjeuner… dans le même ascenseur, ce qui nous fait rire et du coup, nous déjeunons ensemble et nous présentons « officiellement » ! Et comme par hasard, nous sommes montés et descendus ensemble une dizaine de fois ! Peut-être que, sans cet ascenseur, je n’aurais jamais rencontré ce garçon brillant, fou d’Antiquité et de mythologie, qui a déjà écrit deux très gros livres aux éditions Charleston : « Perséphone » et « Moi, Orphée », deux romans historiques. Dans le premier, nous naviguons entre dieux et déesses, nous rencontrons Zeus et Korê et nous entrons dans l’intimité de Déméter et Perséphone. Nous croisons aussi Narcisse, Artémis, Ganymède et, comme s’il en avait été le témoin il nous offre, avec une belle plume, un roman original et passionnant. Tout comme le second où l’on découvre ce couple… mythique qu’est Orphée et Eurydice que Cocteau avait si bien filmé. Un mythe ? Une histoire vraie ? Qu’importe, Benjamin nous entraîne dans cette fantastique histoire d’amour. Et comme toutes les histoires d’amour… elle finit mal ! Là encore, énorme travail de recherche pour remonter le et aligner la mythologie et l’histoire qu’il en a créé.
Vincent FERNANDEL… Il a grandi le petit ! Vincent, je l’ai connu « minot » car son père, Franck, fils de l’illustre acteur, était un ami fidèle avec qui on a passé de magnifiques moments dans sa maison des Trois-Lucs, où l’on passait des journées et des nuits à jouer aux boules, boire et manger et l’écouter jouer au piano avec ses potes car il était un remarquable musicien de jazz. Franck disparu, je n’ai pas vu grandir « le petit » que j’ai retrouvé grâce une attachée de presse amie qui m’a proposé… son premier livre en hommage à son grand-père. Il a autrement rendu hommage à son père et nous offrant ses chansons (Tempesti) Du coup, nous avons repris contact au téléphone, il m’avait envoyé des photos où je découvrais sa frappante ressemblance avec Franck ! Et voilà qu’il est à la fête du livre pour signer ses livres-disques comme les fables de la Fontaine et celui consacré à Marcel Pagnol… Car bien sûr, il a vécu dans ce triangle Fernandel-Pagnol-Raimu et même s’il vit à Paris, il n’a jamais oublié « son pays » et en a un peu gardé l’accent. Il nous propose des extraits de « La gloire de mon père », « Le château de ma mère » et « Le temps des secrets ». Lui aussi a gardé son accent marseillais et il en a même la voix de son père. Le lien est enfin renoué. On s’est vu, on s’est plus. On ne se quitte plus… Promis.
Enfin… Et moi, et moi, et moi… Ça va peut-être être prétentieux mais… Je vais vous parler de moi… Enfin de mon livre ! Le sixième, et le second chez HC Editions après « Toulon d’Antan ». Voici donc « Le Var d’Antan ». Surpris qu’un jour cette maison d’édition me propose d’écrire un livre sur Toulon à travers la carte postale, alors que mes autres livres parlent théâtre, cinéma, musique mais piqué par la curiosité, j’ai accepté. Ce qui, né à Toulon sans la connaître vraiment, m’a permis de découvrir ma ville … Et j’ai aimé ça. Du coup, HC (Hervé Chopin) revenant à la charge pour parler du « Var d’Antan », j’ai dit oui. Mais ce fut une autre histoire. A Toulon, j’étais sur place, je connaissais beaucoup de monde et ce fut assez facile. S’attaquer au Var était plus ardu, plus long, d’autant qu’hormis les livres déjà sortis (E il y en a !) et les réseaux sociaux, les mairies et les offices de tourisme ne m’ont pas beaucoup aidé. Mais avec beaucoup de volonté et de ténacité, j’ai vu le bout du chemin et je suis heureux du résultat… Avec un peu la trouille du retour de vrais historiens, moi qui ne suis qu’un journaliste qui écrit. A eux et à vous de me le dire !
Merci Juste avant de conclure, merci donc, à HC Edition, en espérant qu’ils auront encore besoin de moi pour d’autres aventures et merci à l’équipe de la librairie « Lo Païs » qui m’a si bien reçu durant trois jours à la fête du livre Ce fut un plaisir que de collaborer avec eux. Merci de leur gentillesse. Jacques Brachet
Petite, elle avait des ambitions originales. Hormis collectionner les cailloux, elle voulait être sculptrice de… petits beurre ou encore interprète pour oiseaux voyageurs ! C’est dire qu’elle était déjà dans un monde de poésie et du coup, ayant des velléités de dessin, elle s’est lancée dans la peinture, l’aquarelle après avoir fait des études d’art plastique à Nantes. Elle s’est donc retrouvée à illustrer « les contes de la chouette » d’Éric-Emmanuel Schmitt, « Le fantôme de Canterville » d’Oscar Wilde et de beaucoup d’autres livres. Il y a quelques mois, est sorti « Les loups des quatre saisons » (Flammarion jeunesse) et voici que sort « Le livre de la nature » (Ed Michel Lafond), les poèmes de jeunesse d’un certain Marcel Pagnol. Des poèmes qu’il écrivait déjà enfant et que Flammarion a décidé de lui confier les illustrations, avec l’assentiment de Nicolas, petit-fils de l’écrivain. Des illustrations magnifiques de poésie, de légèreté et qui s’imbriquent parfaitement aux poèmes naïfs, véritables odes à la nature.
« Barbara, comment êtes-vous venue sur ce projet ? Je ne l’ai pas fait exprès ! C’est tout à fait par hasard que les éditions Michel Lafond m’en ont parlé et j’ai tout-à-fait aimé cette ligne poétique. D’autant que ça me parlait dans la mesure où je suis de la région, où j’ai de la famille disséminée en Provence. Adulte je suis revenue en Provence, à Valréas et je vis à Grignan. Il y avait plein d’éléments qui faisaient que j’ai très vite aimé ce projet, avec évidemment l’assentiment de Nicolas Pagnol… que je n’ai pas rencontré mais qui m’a donné carte blanche. Comment avez-vous abordé ce beau projet ? Je me suis lancé dans la relecture de l’œuvre de Pagnol, entre autres ses souvenirs d’enfance, enfance durant laquelle il a écrit ses poèmes. Qui sont vrais, touchants, tellement ancrés dans sa Provence. J’ai fait aussi quelques recherches sur son enfance, rassemblé un maximum d’infos sur celle-ci, son état d’esprit d’alors, car tout est lié et je voulais être fidèle à l’auteur. Et je me suis lancée !
Comment avez-vous travaillé entre votre éditeur et Nicolas Pagnol ? J’avais carte blanche mais, déjà, j’ai essayé de faire un classement des poèmes par rapport aux écrits, aux rythmes, certains se font écho et voulais qu’il y ait une logique dans le déroulement de ces dix-sept poèmes. Un peu comme un calendrier de l’Avent ! Après ça, à chaque fois que j’illustrais un poème, je l’envoyais à l’éditeur, qui le montrait à Nicolas Pagnol. Et qui, à chaque fois, s’est montré enthousiaste. Jamais une fois ne n’ai eu à refaire une illustration. Vous ne travaillez que sur coups de cœur ? Oui, très souvent et la plupart du temps grâce à des propositions qui m’arrivent, d’éditeurs ou d’auteurs. J’ai ainsi collaboré avec des auteurs. Mais c’est aléatoire. Il se peut que je n’aie pas de projets qui viennent. Et alors ? Alors, on attend ou on fait autre chose. On change de métier. C’est ainsi qu’à une époque j’ai ouvert un salon de tatouages en instaurant un style plus fin et je peux vous dire que le travail à la plume m’a fait évoluer sur mon travail d’illustration. Ca a changé ma façon de travailler, l’esthétique, j’ai appris de nouvelles techniques, ça a été une période très formatrice. Et vous continuez ? En ce moment non car depuis quelques années je travaille pas mal et je n’ai plus guère de temps mais je sais que j’y reviendrai car c’est devenu aussi une passion. En dehors de ce « Pagnol » que faites-vous ou qu’avez-vous fait ? J’ai sorti au printemps « Les loups des quatre saisons » chez Flammarion et début 2025, sortira un livre chez Rober Laffont. Un livre que nous avons fait avec Céline, une auteure. J’aime bien travailler en binôme.
Que faites-vous de ces illustrations ? Je les garde ! Du moins un certain temps car je fais des expositions. Souvent aux salons du livre, je suis invitée dans une classe pour parler de mon travail et je montre ce que j’ai fait. Je suis aussi demandée dans des expositions comme celle qui aura lieu à la mairie de Valréas et qui débute le 5 décembre. Peut-on dire que vous avez un style ? Je ne sais pas car mes illustrations s’adaptent à l’écrit ou à l’auteur. Donc je ne sais pas si l’on peut dire ça. D’ailleurs, plusieurs fois, des gens qui voient mon travail me posent la question de savoir si « tout » est de moi ! Je m’adapte à ce que l’on attend de moi et je ne peux pas garder le même style pour une œuvre d’Éric-Emmanuel Schmitt, des poèmes de Pagnol ou l’univers fantastique d’Oscar Wilde ».
Belle, talentueuse, Barbara entre donc dans le monde de Pagnol. Normal, non, lorsque l’ami de César s’appelle Monsieur Brun et que la fille de Raimu s’appelait Paulette Brun ! Elle ne dépare pas dans le monde de cet illustre écrivain !
Tout jeune, Joël Carpier aimait, comme des milliers d’ados, Claude François. Passé son CAP de serrurier, il trouve un emploi dans ce métier. Nous sommes en mai 68 et bien évidemment, il participera à cette révolution, il découvre le syndicat CGT auquel il adhère. Puis il y a l’armée, et à son retour, il entre dans les ateliers où travaille son père. Cégétiste convaincu, il découvre aussi le journal « L’Humanité » qu’il va vendre le dimanche matin à la criée. Là, il entend chanter « Ma France » par un certain Jean Ferrat dont il connaissait à peine un refrain : « La mer sans arrêt, roulait ses galets… ». Lors d’une action de son syndicat avec ses camarades, il va entendre la voix, les musiques, les mots de Ferrat qui, plus jamais, ne sortiront de sa tête et de son cœur. Et feront désormais parti de son quotidien, d’autant que nombre de ses chansons résonnent en lui, sont attachées à son propre vécu. II avoue d’ailleurs que, grâce à lui et muni d’un dictionnaire, il a appris nombre de mots de la langue française !
Entrant à la RATP, en 1986, il rejoint l’équipe organisatrice de leur fête annuelle et prendra contact avec Gérard Meys, producteur de Jean Ferrat. On est en 1987 et Ferrat a déjà quitté, sinon le métier, du moins la scène. Ce n’est qu’en 1995 qu’il rencontre Gérard et son assistante, Valérie Gérard afin de faire venir Isabelle Aubret pour la commémoration des cent ans du syndicat de retraités de la RATP. Lorsqu’on approche les 2 Gérard (Valérie et Meys !), on n’est pas loin de Ferrat à qui il a écrit plusieur fois avec toujours une réponse. Car l’artiste a toujours répondu à ceux qui lui écrivaient, j’en sais quelque chose ! C’est en 2003, sur l’émission « Vivement Dimanche » où il est invité par eux qu’il rencontre enfin l’artiste qui lui recommande de recevoir au mieux Isabelle. « Sa messagère ». Ce sera le début d’une longue amitié jusqu’à la disparition de Jean Ferrat, sept ans plus tard. Entretemps Joël entrera dans l’association du Secours Populaire.
C’est alors que nait dans la tête de François Derquenne l’idée d’une exo-hommage intitulée « Jean des encres, Jean des sources » à travers treize panneaux racontant, sa vie, son œuvre, chacun illustré d’une chanson, montrant les aspects artistiques et surtout politiques, sociaux, humains. C’est l’ami de Jean Ernest Pignon-Ernest qui créera cette affiche qui a fait le tour de France, accompagnant cette exposition itinérante aujourd’hui installée dans la Maison Ferrat d’Antraigues. Devenu, à la demande de Jean Ferrat, le responsable de l’exposition, Joël nous raconte, avec son talent de conteur, la genèse de l’expo qu’il a suivie de ville en ville, d’événements en festivals, avec tout ce que cela comporte de soucis, de bonheurs que lui a apporté cette lourde tâche d’être le responsable de celle-ci et en quelque sorte d’être le porte-parole de Ferrat dont il adjoint à chaque étape une conférence. Et c’est ainsi que peu à peu, Joël a fait partie du « Clan Ferrat » : sa femme, Colette, Isabelle Gérard, Valérie, Véronique, Ernest, Francesca Solleville, Edmonde Charles-Roux, le musiciens de Jean Alain Goraguer, l’équipe de l’Humanité, le chanteur Allain Leprest et tous les organisateurs qui, de près ou de loin, ont contribué au succès de cette belle exposition. Sans oublier Jean Saussac, Michel Baissade et Michel Pesenti, amis et maires d’Antraigues. Afin de ne pas oublier ces années vécues autour de Jean et son expo, Joël Carpier nous offre, de sa Normandie, un livre très émouvant « De vallons en collines avec Jean Ferrat (Ed Geai Bleu)* qui nous raconte son aventure originale et exceptionnelle aux côtés d’un homme et d’un artiste hors du commun qui a laissé une œuvre universelle.
Jacques Brachet *Livre vendu au profit du Secours Populaire
Un grand poète, Marcel Migozzi, vient de nous quitter à l’âge de 88 ans. Né à Toulon en 1936 dans une famille corse de 6 enfants, il effectua sa scolarité secondaire au collège Rouvière puis au lycée de garçons de Toulon où il obtint le baccalauréat. Il entra en 1954 en quatrième année d’École normale d’instituteurs à Draguignan (Var). Il se maria en août 1956 à Saint-Raphaël (Var) avec une institutrice, Renée Carle, l’amour de sa vie. Il effectua son service militaire de 1960 à 1962 dans la Marine nationale. On le retrouve avec son épouse, sur un poste double au Cannet des Maures (Var) en 1956 où il enseigna jusqu’en 1964, puis au CEG, futur CES du Luc où il termina sa carrière en 1996. Il fut un poète engagé, au sens sartrien du terme. Militant au SNI, puis au SNUIPP-FSU, tout en s’investissant dans plusieurs associations laïques. En 1962 il rejoint le Parti Communiste jusqu’en 1970. Il est élu au conseil municipal du Cannet des Maures, puis adjoint au Maire. Marcel Migozzi est le poète du quotidien, des choses de la vie, de l’amour, avec une simplicité qui donne une émouvante tension aux mots. Son écriture a la concision des haïku, des petites notes parfois, tellement chargées. Chaque mot compte. Le mot juste, pas un de trop. Dans leur simplicité les images ont une force qui touche en plein cœur. Avec aussi cette nostalgie légère, sans regrets, sans pathos. Ce qui n’exclut pas les émotions, les douleurs, mais toujours sans plaintes. Voici ce qu’il m’avait confié il y a quelques mois après la sortie de son recueil « Écaillures des jours » : Ce sont des notules prélevées dans la matière vivante de mes jours (sorte d’archéologie poétique). Elles ont pris la place de mes poèmes d’autrefois. Il faut dire que je n’écris presque plus, de peur de répéter sans cesse ce que j’ai (peut-être) déjà dit jadis. J’avance maintenant vers le bienheureux Silence…
« Le grand miroir, d’où venait-il / Redoublant les photos des morts » Il a publié environ 90 recueils de poèmes chez différents éditeurs, a participé à 18 livres d’artiste, quelques poèmes ont été traduits en plusieurs langues. Il est aussi l’auteur de poèmes pour enfants… Sans compter des entretiens, des lectures publiques, des anthologies et des ouvrages collectifs. Ses débuts de poète se concrétisèrent au sein des revues de poésie « La Cave » et « Chemin » de 65 à 68 avec Michel Flayeux, André Portal et Pierre Tilman; Action Poétique de 65 à 68 ; et Sud de 94 à 98. Il fit partie de l’aventure des éditions et librairie Telo Marius. Lauréat du prix Jean Malrieu en 1985, du prix Antonin Artaud en 1995, du prix Des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau en 2007. Pour un denier adieu (extrait de « On aura vécu » – (Telo Martius éd) : « Ou alors écrire mais c’est pour qui. Tenir / Les mots à portée est-ce humain avec // Toutes ces petites croix à bruits sous quoi / Il n’y a rien à voir. Mais qui effraient jusqu’aux // Chairs. C’est mieux de se tenir serrés ensemble en / Silence jouir quand on peut en revenir // Vivants, la salive muette sur le sexe / De l’autre. Voilà. On aura vécu. C’est dit. » Nos condoléances à sa femme Renée, à ses fils, et à toute la famille.
Serge Baudot Une biographie complète, avec de nombreuses participations : Collection Traversée Marcel Migozzi – Association Alfredo Gangotena
Deux femmes pour un homme : Delphine Quin, adjointe au Patrimoine et Linda Schell, adjointe aux festivités, qui recevaient, dans les jardins de la Maison du Patrimoine, face à la mer, au soleil… et au vent, l’un des plus beaux auteurs de notre région : René Frégni. Ami de longue date, il m’a déjà parlé de sa jeunesse chaotique entre la Corse et le continent. Et il m’avait déjà parlé de son dernier livre « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard) qu’il signait ce vendredi après une rencontre avec un public, certes peu nombreux mais passionné par son éloquence, son talent de conteur et sa volubilité. Car il est difficile de l’arrêter lorsqu’on démarre un entretien ! Mais c’est à chaque fois un plaisir renouvelé, plaisir égal à la lecture de ses livres. Ce soir-là, invité par le CLAB donc, il était le premier invité de la saison pour ces rencontres littéraires qui se poursuivront durant l’été et se cloront par Nicolas Sarkozi. L’animatrice en a profité pour lui souhaiter un bon anniversaire, qu’il a fêté voici quelques jours, le 8 juillet. René a démarré sa carrière d’auteur… à 40 ans avec « Les chemins noirs » qui a aussitôt obtenu un prix. La nuit, le noir… lui vont si bien !
« Je lis depuis toujours des romans noirs, des polars, je travaille depuis longtemps dans les prisons où je fus interné six mois pour désertion dans un fort militaire et c’est dans cette prison que j’ai découvert la littérature. J’avais 19 ans. J’ai toujours eu l’école en horreur car j’avais des lunettes, un léger strabisme et l’on s’est toujours moqué de moi. Du coup, je les ai jetées mais… Je n’y voyais plus ! On ne se moquait plus de moi mais on ne peut pas lire et écrire lorsqu’on y voit mal. J’ai ainsi raté toutes mes études, je n’allais plus à l’école à l’insu de ma mère. C’est ce qui a déterminé une enfance chaotique et j’ai ainsi appris à être un bon menteur. Et pour un écrivain, être un bon menteur est une qualité ! » Bien entendu, à ce moment-là, il était loin de penser qu’il deviendrait écrivain. Sans lunettes, il lisait mal, écrivait mal. Il fut un enfant turbulent, un peu menteur, un peu voleur, il traînait dans les rues. « C’est cet enfant qui m’a créé puis les milliers de livres que j’ai lu. Je n’ai jamais lâché la main de cet enfant, avec cette espèce d’esprit rebelle, de révolte que j’avais en moi. J’ai besoin de ça pour écrire, c’est ce qui fait le fond de ma personnalité. Je ressemblais d’ailleurs beaucoup à de petits marseillais, comme ceux avec qui j’ai fait les quatre cents coups à l’époque. Mais c’est dans l’enfance qu’on a les premières émotions de notre vie. C’est l’enfant qui construit l’homme que nous sommes. Ce qu’on a vécu. » Durant cette rencontre, il nous parle d’une chanteuse qui l’a beaucoup marqué durant son adolescence et dont la disparition l’a beaucoup marqué : Françoise Hardy. Mais pour une raison, disons… spécifique !
« Lorsqu’on était minot et qu’on commençait à aller dans les boîtes de nuit, l’on flirtait énormément, c’était notre passion. Durant les boums on écoutait les chanteurs de l’époque dont Françoise Hardy et je n’ai jamais été si souvent amoureux qu’en écoutant Françoise Hardy. Sur ses chansons, on invitait une fille et si elle acceptait, au bout de trois notes on était amoureux. Et je l’ai été souvent sur ses chansons. On sortait de ces boîtes de nuit ou de ses boums en feu et l’on allait dans les quartiers chauds de Marseille. On regardait ces femmes et un jour… Avec un copain on est monté… C’est grâce à Françoise Hardy et j’avoue que j’ai pleuré lorsque j’ai appris sa disparition ». Mais ce n’est pas ça qui lui a donné le goût de la lecture et plus tard de l’écriture : « Ma mère se rendant compte que je souffrais de mal voir, m’a un jour pris sur ses genoux et elle m’a lu une version raccourcie des « Misérables ». Puis « Le comte de Monte-Cristo » J’ai pleuré grâce aux yeux, à la voix de ma mère. Je ne savais pas que c’était ça, les livres, j’avais l’impression que ma mère me racontait une histoire vraie. Cette injustice de Monte-Cristo m’a rappelé des souvenirs de mon père mis en prison pour marché noir, ce qui était faux. Cette injustice a fait de moi un rebelle et ça m’a poursuivi toute ma vie ». Beaucoup d’anecdotes encore ont été évoquées par René, devant un public subjugué. Des anecdotes qui font l’histoire de sa vie, l’histoire de son livre autobiographique qu’il a dédicacé en continuant son bavardage car il est un conteur magnifique et à chaque fois il me fait penser à José Giovanni, que j’ai aussi connu, rebelle lui aussi, pour des raisons plus graves mais qui, comme lui s’en est sorti grâce à la lecture et à l’écriture. Un beau moment ensoleillé grâce à l’ami René Frégni.
Line RENAUD : Merci la vie (Ed Robert Laffont) – Avec l’aide David Lelait-Helo. Elle approche des cent ans, quatre-vingts ans de carrière et si aujourd’hui je ne peux plus dire « Bon pied, bon œil » comme je le lui disais il y a encore à peine 10 ans, (Entretemps elle a eu un AVC) mon amie Line a toujours une énergie, une pêche, un optimisme incroyables. Mais bon, l’âge est là, elle le sait, elle sait aussi qu’elle n’est pas éternelle, même si elle le reste et restera dans nos cœurs. Nous nous connaissons depuis des décennies comme avec David Lelait-Helo qui est un ami commun et qui l’a aidée à écrire ce livre. Une bio ? Que non pas mais une lettre, une très longue lettre à tous ses fans qui, dit-elle, sera la dernière. Et elle l’écrit sans nostalgie, sans regrets, sa vie a été belle et chaque jour pour elle est un nouveau jour. « Chaque anniversaire – écrit-elle – n’est pas du temps en moins mais du bonheur en plus ». Line est une femme pleine d’amour, de tendresse, de fidélité. Chaque début d’année je reçois ses vœux, écrits de sa main, accompagnée souvent de la photo d’un de ses chiens. Pas de mail mais un mot et ça c’est tout Line. Bien entendu, dans ce livre, elle évoque des souvenirs, comme dirait Aznavour « Mes amis, mes amours, mes emmerdes » car, comme tout le monde, elle en a eu. Mais elle nous parle aussi du sida dont elle est une militante acharnée, de cette fondation Line Renaud, de cet institut pour la recherche dédiée à la science qui, à sa disparition, disposera de sa maison. Elle nous parle de ses deux filles de cœur, Claude Chirac et Muriel Robin. Elle nous offre une lettre à Barbara, avec qui elle a combattu e sida, lettre bouleversante qu’elle n’a pas eu le temps de lui envoyer car elle a disparu avant que cette lettre ne parte. La grosse tête ? Elle ne sait pas ce que c’est et si sa carrière est ce qu’elle est, c’est, dit-elle encore grâce au talent mais aussi à la chance, la capacité, la santé, le doute aussi. Elle a toujours été une femme libre, celle de toutes les libertés et cette lettre est un livre plein d’optimisme cat aujourd’hui, elle se lève tous les matins avec un projet dans la tête, quelque chose qu’elle envie de faire avant de partir. Elle parle aussi du droit de mourir dans la dignité qu’elle défend de toutes ses forces. Ce livre est un hymne à la vie, qu’on lui souhaite encore belle et longue. Jacques Brachet
Nicolas MATHIEU : Le ciel ouvert (Ed Actes Sud – 123 pages) Après le succès bien mérité de « Leurs enfants après eux » couronné par le prix Goncourt 2021, et « Connemara », Nicolas Mathieu offre au lecteur un livre très intime ponctué par les peintures tellement joyeuses et colorées d’Aline Zolco. Un livre sur l’amour, l’amour intense, celui qui dure, celui qui laisse de profondes traces derrière lui, celui qui a été plein d’heureuses surprises et de douceur. Mais c’est aussi l’amour des parents, des hommes et des femmes qui ont fortement imprimé la vie et l’esprit de leurs enfants. L’amour s’exprime si différemment selon les êtres, il lui faut parfois toute une vie pour se déclarer, alors « vivons doucement en attendant le prochain anniversaire ». Et l’amour, c’est aussi les enfants « Le trot d’un enfant à quatre pattes qui se préparent à vivre quand nous ne serons plus là » Oui, ce livre rayonne du bonheur de vivre, la vie est un cadeau immense, ne nous précipitons pas, goûtons la, profitons de l’instant, des murmures, de la beauté du ciel qui s’il s’assombrit ne pourra que retrouver sa pureté. Peter SWANSON : Neuf vies (Ed Gallmeister – 400 pages) Traduit de l’américain par Christophe Cuq Avis aux amateurs des romans d’Agatha Christie, ce livre est pour vous. Sans copier l’ouvrage de la célèbre romancière « Dix petits nègres » devenu « Ils étaient dix », l’auteur utilise le même type de suspense. Neuf personnes habitant dans divers états de Etats-Unis reçoivent dans une enveloppe anonyme une liste imprimée de neuf noms dans laquelle figure le leur. Que veut bien dire un tel envoi à des personnes d’âge et de résidence différents et sans lien apparent ? Erreur, hasard, blague ? Certainement pas puisque ces personnes vont être tuées les unes après les autres. Par une progression originale, dans un style agréable, l’auteur nous amène à l’explication que l’on peut subodorer dans les derniers chapitres mais avec un dénouement inattendu en fin de livre. Un bon roman policier classique qui se lit d’une traite.
Russel BANKS : Le royaume enchanté (Ed Actes Sud – 589 pages) ,L’auteur qui dans ses livres, a si souvent adapté le point de vue des « laissés-pour-compte » en Amérique, s’attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers du récit nostalgique de confessions enregistrées sous forme de bandes magnétiques qu’il reçoit par hasard. Cet homme c’est Harley Mann. Il a connu la misère avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Ce n’est ni plus ni moins que le fondateur du site d’Orlando, l’actuel « Disneyland ». Il va nous faire entendre la confession de ce personnage évoquant son parcours au début du XXème siècle. Son parcours c’est celui d’une famille dont le père vient de mourir, qui rejoint une secte religieuse, les Quakers, puritains, chastes, travailleurs acharnés, vivant de façon très frustre. Au crépuscule de sa vie où il connaitra les pires situations, il nous fera vibrer au travers de ses errances et des grands drames qu’il a traversés, en devenant un personnage extraordinaire. Ce Roman touffu, plein d’Histoire, de grandes histoires réalistes et de sentiments est une belle fin pour ce conteur prolixe. Michael COHEN : Attraction du désordre (Ed Anne Carrière – 154 pages) Tout va très vite dans ce roman de Michael Cohen, surtout les séparations ! Un roman qui pourrait être le scenario d’un film : trois personnages, Clara, Simon et Paul. Tous les trois se seront aimés passionnément et quittés brutalement, une porte qui se ferme mais très vite une autre s’ouvrira. C’est le monde d’aujourd’hui, surtout celui de la nuit dans les boîtes où l’alcool accompagne celui qui vient d’être quitté et cherche son rival. Clara a été abandonnée par Simon, elle refait sa vie avec Paul qui veut savoir pourquoi Clara a quitté Simon, chassé-croisé entre ces trois personnages, des êtres qui se rencontrent mais ne s’expliquent jamais. Le silence, l’absence d’explication, sont la cause de malentendus qui entraînent les séparations. Quel dommage ! L’auteur qui est également acteur et réalisateur n’a plus qu’à trouver les acteurs et son film est déjà sur les écrans. Souhaitons-lui bonne chance !
Michel BUSSI : Mon cœur a déménagé (Ed Presses de la Cité 416 pages) Ophélie, fillette de sept ans, Folette, a assisté au meurtre de sa mère poursuivie par son père alcoolique et drogué et qui a chu du haut de la passerelle alors qu’elle s’enfuyait du domicile familial. Drame de la misère et de l’addiction dans une famille suivie par un assistant social qui n’a pas su entourer les protagonistes… Le père est en prison, Folette est placée en foyer mais, refuse de voir son père et va s’acharner à faire surgir la vérité. Sa vérité. Collégienne rebelle, adulte à la double personnalité, elle mènera enquête sur enquête afin de trouver le vrai coupable et assouvir sa vengeance. Car c’est l’obsession de la vengeance qui animera le cœur de la jeune femme qui va rebondir de fausses pistes en fausses pistes, qui tiendront lecteur en haleine grâce au suspense effarant mais crédible créé par le talent de l’auteur. Toujours accessible, surprenant, clair dans ses propos, écrit en chapitres courts et enlevés le lecteur est tenu sous le charme et la surprise du dénouement. Hemley BOUM : Le rêve du pêcheur (Ed Gallimard – 349 pages ) Le nouveau livre de cette romancière camerounaise vivant à Paris, mène en parallèle la vie d’un pécheur et celle de son petit-fils. Le pécheur c’est Zacharias qui, tous les jours, part sur sa pirogue pécher dans les eaux du golfe de Guinée au Cameroun, les poissons qui nourriront sa femme et ses deux filles et qui assureront leur bien-être. Mais l’arrivée d’une société forestière et l’industrialisation de la pêche avec les chalutiers vont bouleverser l’équilibre de cet homme simple. Le petit fils, c’est Zach qu,i à 18 ans, décide de quitter Douala où il vit avec sa mère, prostituée et alcoolique, pour vivre à Paris en coupant les ponts avec son pays d’origine. Mais un jour, alors qu’il est devenu psychologue, qu’il est marié et père de deux filles, il aura le besoin impérieux de revenir et de se confronter au passé et à ceux qu’il a laissés. On est touché par cette saga familiale présentée dans un récit qui décrit en miroir la vie de ces deux personnages, relatée dans une belle écriture. On s’interroge sur l’exil et sur le besoin vital de racines.
Loretta DENARO-DOMINICI : Sans lui (Ed Michel Lafon – 202 pages) Loretta, née en 1979, était la compagne de l’ancien rugbyman Christophe Dominici. Ce livre est un témoignage : « En écrivant ces lignes, j’ai voulu raconter notre amour et rendre son honneur à l’homme droi,t dont l’honnêteté et la bienveillance ont été bafouées ». Loretta raconte sa rencontre en 2007 et sa vie de famille auprès de Christophe Dominici, homme au tempérament blagueur, spontané, amoureux, fidèle en amitié mais à l’affut de faire du business après sa grande victoire de rugby qui lui a valu une notoriété sans égale. Elle décrit l’emprise du couple qui a abusé de son mari lors de son projet de racheter le club de rugby de Béziers. Désenchantement, mal-être, voire dépression s’en suivent pour Dominici puis son décès brutal et incompris le 24 novembre 2020 (suicide ou accident ?). Son épouse s’exprime aussi sur les conséquences de ce départ prématuré et inexpliqué, sur leurs filles Mya et Kiara et sur sa propre difficulté à faire son deuil : « J’attends, brisée, le moment où je retrouverai ma joie qui s’est envolée le jour où… » Claire DEYA : Un monde à refaire (Ed de l’Observatoire – 414 pages) Claire Deya signe son premier roman et c’est une réussite, et quand vous réalisez que l’auteure y a glissé de nombreux souvenirs personnels, une vérité historique trop méconnue, j’espère que vous serez incité à lire ce très beau roman. Les allemands ont truffé de mines le littoral méditerranéen, surtout autour de Saint Tropez et d’Hyères, avant de quitter et libérer définitivement le sud de la France en 1945. Mais qui dit mine, dit danger et déminage. La France va utiliser des prisonniers allemands volontaires qui, ainsic réduiront leur peine. Cette entreprise est un monde d’hommes qui ont vécu la guerre des deux côtés, soit envahisseurs soit envahis. Claire Deyat fait vivre ces hommes qui ont tous leurs secrets, ils ont appris à se taire et la confiance n’existe plus spontanément. Plusieurs personnages tissent des liens très forts entre eux, soit à travers leur expérience dans les réseaux de résistance, soit des secrets bien gardés, soit des histoires d’amour. Il y a surtout ce travail extrêmement dangereux devant ces monstres d’acier qui doivent être balayés doucement « avec des plumes au bout des doigts ». « Tes yeux, ce sont tes mains et la pulpe de tes doigts » sera la première leçon ! Puis, ne jamais oublier que la mine peut aussi être piégée ! Ce travail d’une patience infinie réunit français et allemands, et au contact « »des mines, des risques, du sacrifice, de l’abnégation, de la mort, la fraternité se frayait un étroit chemin, l’idée d’un avenir commun aux pays de l’Europe ». L’auteure s’est inspirée de son histoire familiale, un grand-père médecin prisonnier dans un oflag à Cassel, un grand-oncle cinq fois évadé et repris, de l’histoire de Saskia qui révèlera un soir la vérité sur sa famille décimée dans les camps et son retour dans une France qui ne l’attendait pas vraiment. Un livre passionnant, émouvant qui serait un excellent scenario de film.
Laure Manel : Cinq cœurs en sursis (Ed Michel Lafon – 475 pages) Tout d’abord, le tableau d’une famille ordinaire plutôt unie, aimante : Catherine est une mère et une épouse modèle en apparence, jusqu’au moment où la police fait irruption au domicile et la met en garde à vue pour meurtre d’une femme : Beatrice Lancier. Débutent alors, l’attente, les doutes, les questionnements pour ses proches : Josette la mère, Nathalie la sœur, Anais treize ans et Florian six ans, les deux enfants, et enfin, Marc le mari. Ce sont ces cinq personnages que nous suivons tout au long du roman. Le livre est composé de chapitres courts concernant chaque membre de la famille, de 2001 à 2023 et notamment le journal d’Anais. L’auteur livre les sentiments engendrés par cette incarcération. Laure Manel montre la souffrance et l’évolution des sentiments au fil de l’affaire et centre son œuvre, plus particulièrement, sur les conséquences de l’incarcération, sur l’entourage plutôt que sur la détenue. ,Ce roman nous amène, sur fond d’enquête au cœur d’un drame familial sur une longue période. Il ne laisse pas indifférent et nous captive au fil des pages. Laure Manel nous fait partager ainsi la vie quotidienne, les répercussions, les réactions, les ressentis des cinq personnages aux cheminements émotionnels et affectifs différents. L’analyse des liens entretenus avec la détenue et des étapes psychologiques après le choc de la révélation, est décrite avec précision, délicatesse et finesse et nous suscite des réflexions : Comment réagirions nous si quelqu’un de proche était accusé d’un fait aussi grave ? Quelles seraient nos réactions ? Connaissons nous vraiment l’autre ? Quels liens tissés après un tel drame ? Peut-on surmonter l’impardonnable. Le pardon est- il possible ? SYLVAIN PATTIEU : Une vie qui se cabre (Ed Flammarion – 344 pages) Ce roman relate des évènements fictifs à partir d’un fait historique : en avril 1946 la loi Lamine Gueye, défendue par ce député socialiste de Dakar, attribuait la citoyenneté française à tous les ressortissants de l’empire. L’auteur laisse ainsi planer une autre alternative à notre véritable histoire. Il imagine qu’elle a été véritablement appliquée et nous conte à partir du destin d’une jeune femme, Marie des Anges, une époque de bouleversement et de troubles. Maryse Condé, professeur, encourage Marie des Ange à quitter Dakar avec son bébé, et à rejoindre la « petite France » pour faire des études à l’école normale d’Aix-en-Provence. Elle fait très vite connaissance d’une bande de jeunes d’origine diverse, qui comme elle, sont engagés en faveur de l’Union française dans un contexte d’enjeux coloniaux, de courants de pensée qui s’affrontent. L’auteur prend appui sur des personnages et des évènements réels qu’il transforme et nous fait vivre un climat social et politique imaginé avec, dans le même temps, la vie quotidienne et amoureuse d’une jeune noire, Marie des Anges, laquelle oscille entre une relation avec Kathy, une américaine et Ange, bandit corse, aux opinions contraires aux siennes. Ce roman est intéressant car il interpelle notre passé. L’écriture est concise et riche et prouve les qualités d’écrivain de Sylvain Pattieu et les faits historiques documentés nous rappellent que l’auteur est aussi historien.
VARDA par Agnès (Ed de la Martinière – 2 tomes) C’est un énorme pavé en deux tomes, qui regroupe tous les écrits d’Agnès Varda, décédée en 2019, personnalité hors norme du cinéma, à la fois écrivaine, scénariste, réalisatrice, monteuse, photographe… Cette femme à la coiffure de playmobil avait tous les talents et son œuvre posthume nous raconte sa vie, sa carrière, d’une richesse incroyable. Une vie qu’elle a partagé avec le réalisateur Jacques Demy car, s’ils ont des carrières diamétralement opposées, le couple a été fusionnel jusqu’au bout et elle l’admirait tant ! Plus de mille archives et documents issus pour la plupart de sa société de production Ciné-Tamaris qui regroupe sa vie, son œuvre, de son premier film qui date de 1954 « La pointe courte » avec Philippe Noiret et Sylvia Monfort à « Varda par Agnès » son dernier documentaire en 2019. De films de fictions en documentaires en passant par des expos photo, sa vie et sa carrière sont d’une richesse incroyable. On se souvient de « Cléo de cinq à sept », « Le bonheur », « Les créatures », « L’une chante, l’autre pas », « Sans toit ni loi » ou encore de ses documentaires « Daguerréotypes », « Jacquot de Nantes » hommage à son mari, « Jane B par Agnès V » portrait de Jane Birkin… Difficile de tout citer, ce qu’elle fait par contre dans ces albums-testaments où elle conte et raconte, dissèque, critique, une œuvre qui marque son talent, son style, son époque Elle nous offre également un abécédaire qui va d’Agnès à Demy évidemment, de Deneuve à Bertolucci, de Calder à Fellini, sans oublier Gérard Philippe dont elle a fait cet admirable portrait du « Prince de Hambourg » qui fut un temps l’affiche du festival de Ramatuelle. Le livre démarre sur des synonymes d’introduction, passant de préambule à prologue en passant par bande-annonce, avant-propos, préface, poème, avertissement et même… prolégomène ! C’est une lecture passionnante, qu’on ne peut lire en une soirée tant la source d’informations est énorme… et pesante !!! Mais c’est tout un pan de l’histoire du cinéma Français qu’elle nous raconte avec talent, humour et émotion.
Albert DUCLAZ : Les toiles de la discorde (Ed de Borée -260 pages) L’histoire se situe dans la campagne en Haute Loire au cours de l’année 1954. François, jeune lycéen de 19 ans, aux résultats scolaires très moyens est par contre doué pour le dessin. Son professeur parvient à convaincre les parents qui l’inscrivent à l’école d’art du Puy en Velay. Peu après François facilite l’admission dans la même école d’Emelyne sa voisine et amie d’enfance qui partage la même passion. Le jeune homme tombe fou amoureux d’Emelyne 17 ans. Tout se passe bien jusqu’au moment où François prend la décision audacieuse pour l’époque, de peindre nue, sa belle avec son accord. A la découverte du tableau, les parents en colère le détruisent et leur demandent de ne plus poursuivre cet enseignement. Les deux jeunes gens se réfugient auprès de leur professeur et de son épouse Clara, pour peindre dans le secret. François, en présence d’Emelyne et de son professeur, peint Clara, nue à sa demande et en accord avec tout l’ensemble du groupe. Amour, jalousie,…et art se mêlent …..dans ce roman. Roman divertissant à l’écriture simple et fluide. Les situations ne sont pas toujours crédibles. François réussit tout ce qu’il entreprend. L’auteur s’attache à nous montrer de très beaux paysages et mêle dans ce roman la description des premiers émois d’un jeune couple en 1954 à travers l’art . Laurent MALOT : Monsieur Antoine ( XO Editions – 269 pages) Monsieur Antoine, qui a 70 ans, achète une maison où il veut passer sa retraite. Il vend son imprimerie à Orsay, près de Paris et s’installe à St Ambroise, petit village dans le Jura. Il y a beaucoup de personnes âgées dans cette campagne, qui veulent toutes s’en aller car il n’y a plus rien ; reste seulement la brasserie de Suzy qui apporte encore un peu de vie. Antoine va rencontrer des gens de son âge, aider les uns et les autres qui, d’ailleurs le lui rendent bien ! On se rend compte que monsieur Antoine a aussi des soucis, il cache des douleurs que le lecteur va deviner peu à peu. Dans ce petit bourg, Il n’y a qu’une personne qui soit jeune, une jeune fille, incomprise de ses parents et que monsieur Antoine va aider énergiquement. C’est une très jolie histoire qui nous parle de regrets, d’amitiés, d’espérance et du temps qui passe très vite. Il n’est jamais trop tard pour l’amour et l’amitié. Le style est simple, direct, Un très bon et agréable moment de lecture.
Elisa SHUA DUSAPIN : Le vieil incendie (Ed Zoé – 140 pages) Née en 1992 en Dordogne d’un père français et d’une mère sur coréenne, l’auteure dédie ce troisième roman à ses sœurs. Très certainement parce qu’elle y imagine les relations de deux sœurs Agathe et Véra. Un soir de novembre, sous une pluie battante, Agathe arrive des États- Unis où elle travaille comme scénariste et se rend prés de Norton dans le Périgord vert. C’est là que se trouve la maison de son enfance, toujours occupée par sa jeune sœur Véra, qui y réside seule depuis que leur père est décédé cinq ans plus tôt. Elles ont quelques jours pour vider la maison avant qu’elle ne soit rasée et que les pierres restantes servent à reconstruire le pigeonnier du château voisin détruit par un incendie. Les deux sœurs ne se sont pas vues depuis quinze ans car quoique Agathe ait promis à Véra, qui est aphasique depuis qu’elle a six ans, de toujours veiller sur elle, elle est partie aux États-Unis pour fuir cette charge qu’elle ne supportait plus alors que leur mère avait quitté le domicile conjugal et que le père élevait seul ses deux filles. L’auteure relate avec une écriture fine et fluide les étranges relations entre ces deux jeunes femmes et le difficile chemin que chacune suit pour vivre avec les blessures de leur enfance et de leur séparation. Un court roman plein de délicatesse. Stefano MASSINI : Manhattan Project ( Ed du Globe – 348 pages) traduit de l’italien par Nathalie Bauer « Manhattan project », un titre qui implique aussitôt dans l’imaginaire du lecteur la première bombe atomique et le lecteur aura raison, c’est bien le sujet traité par ce génial écrivain Stefano Massini, mais de quelle manière ! Il commence par présenter le quatuor de savants hongrois ayant fui leur pays dès l’arrivée du nazisme. Ils ont trouvé refuge aux États-Unis et vont en effet avec Oppenheimer trouver et réaliser ce fameux Manhattan Project, la bombe atomique. Et pour cela, il aura fallu la participation de Leo Szilard, l’homme qui n’a jamais ouvert sa valise, qui ôte ses lunettes, en nettoie les verres, sa façon de gagner du temps depuis toujours. Jeno Wigner, autre physicien, qui possédait le don du calme intérieur appris au sanatorium à onze ans. Paul Erdos, vraiment insupportable et le molosse Ed Teller, juif en fuite, hongrois également, spécialiste « du dedans du dedans de dedans », jusqu’à l’arrivée d’Oppenheimer qui résoudra le grand problème des effets de la réaction nucléaire. Formidable, joyeuse, gargantuesque fresque de ces savants hongrois ayant fui leur pays et permis aux États-Unis d’offrir la bonne formule de ce Manhattan Project à la barbe des allemands. Sur un mode joyeux, musical, dansant, rythmé, l’auteur offre une lecture très réjouissante en vers libres sur un sujet tellement grave.
Franck MEDIONI : Michel Petrucciani, le pianiste pressé (Ed l’Archipel – 407 pages) Le pianiste de jazz Michel Petrucciani fut une étoile brillante et malheureusement filante. Né à Orange en 1962 et décédé à New York en 1999, il savait ses jours comptés car il était atteint de la maladie des os de verre qui empêcha sa croissance. Il mesurait 99 cm et il arrivait qu’il se casse un doigt en jouant. Voici une biographie hagiographique, assez bavarde, mais qui ne cache pas le côté sombre du personnage. Tout est passé en revue, les débuts à la batterie, puis les huit ans d’études du piano, la formation très dure mais efficace par le père, guitariste, des trois frères, Michel, pianiste, Louis (contrebasse) et Stéphane (guitare). Sans oublier le rôle consolateur et apaisant d’Anne, la mère. La venue dans le Var, l’école de musique d’Yvan Belmondo à Solliès-Pont, la rencontre à Big Sur avec Charles Lloyd, le succès, l’installation aux USA, les grands concerts, les enregistrements, etc. Toute la carrière musicale défile, sans oublier la vie privée, ses épouses, ses deux garçons. L’auteur se perd quand même dans trop de détails, à chaque musicien ou personnage cité on a droit à une notice, si bien qu’on perd de vue le pianiste. Mais enfin l’essentiel, et même plus, de la vie de musicien de Michel Petrucciani, se trouve dans les 407 pages de cette biographie. Vincent DELECROIX : Naufrage (Ed Gallimard – 136 pages) Une femme raconte, ou plutôt se remémore le déroulement des faits. Que s’est-il vraiment passé lors de sa nuit de garde, durant le sauvetage en mer de cette embarcation contenant vingt-sept personnes dont une petite fille ? La mer est cruelle pour les migrants qui affrontent la traversée d’une mer qu’ils ne connaissent pas, à bord de ce qu’un passeur a pu leur fournir, et ce soir-là, le vent ne cesse de pousser cette embarcation des eaux françaises aux eaux anglaises et les secours doivent venir du pays responsable. Ce soir fatidique, les secours tardent et le « please » du migrant à la dérive résonne dans la tête de cette femme. Interrogée par la gendarmerie maritime de Cherbourg, elle répondra aux questions et pendant toutes ces interrogations de plus en plus agressives elle se rebellera contre ces migrants qui arrivent en masse. Pourquoi ne restent-ils pas dans leur pays ? Pourquoi les millions distribués ne leur suffisent-ils pas ? Que viennent-ils faire ici quand le travail manque aussi dans notre pays ? C’est un long et poignant témoignage d’une femme embarquée malgré elle dans ce complexe traitement des migrants. Oui, elle aurait pu, dû sauver ces gens mais c’était aux anglais de le faire n’est-ce pas ? Un court roman qui plonge le lecteur dans la réalité et l’impossibilité de répondre honnêtement aux problèmes qu’occasionnent ces milliers de migrants, des hommes, des femmes, des enfants parfois même des nouveau-nés qui ont quitté leurs terres, personne ne les a invités mais ils sont là. Toutes les questions sont posées dans ce court roman extrêmement poignant de Vincent Delecroix, un roman à faire lire ceux qui refusent de voir une réalité qui dérange. Comment parler de responsabilité quand le problème vous dépasse ? C’est le cas de cette opératrice désespérée mais aussi très en colère. Un très beau livre.
Jean-Marie PERIER : « Mes nuits blanches » (Ed Calmann-Levy – 406 pages) Pour nombre d’entre nous qui avons dépassé la soixante… et plus, Jean-Marie Périer reste le photographe de « Salut les copains » qui emmenait au bout du monde Johnny, Sylvie, Sheila, CloClo, Françoise et les autres pour les photographier dans des lieux superbes, qu’il mettait dans des situations drolatiques. Et qui noud faisait têver. C’est vrai mais pas que…. Car s’il a eu la chance de rencontrer Daniel Filipacchi alors qu’il n’était pas majeur et qu’il lui a mis un appareil photo dans les mains alors qu’il n’était pas photographe, son talent, son inventivité, sa curiosité ont fait qu’il est aussi devenu le photographe de « Jazz Magazine », de « Télé 7 jours », de » Paris Match » de « Elle » dont la directrice n’est autre que sa sœur Anne-Marie, épouse de Michel Sardou. Il nous a déjà offert nombre de livres, souvenirs ou albums photos et voilà qu’il nous offre ce pavé avec une suite de portraits de tous les gens qu’il a rencontrés, et Dieu sait s’il y en a ! Mais comme il le précise, « Ceci n’est pas un livre de photos » même s’il y en a de lui et d’autres mais juste pour illustrer cette série de mini-portraits mais aussi de réflexions qui, quelquefois, n’ont que peu de lien avec la photo qui l’illustre. Lorsqu’on le connait, on sait qu’il a la parole facile et le lire est l’entendre raconter avec humour, avec nostalgie quelquefois, avec émotion aussi et ces portraits sont électiques, allant de tous ses amis dits « yéyé » à Yves Saint-Laurent en passant par Ella Fitzgerald, Françoise Sagan, Catherine Deneuve, François Périer, son père, Marc Porel, son frères, Jean-Pierre Périer son autre frère Jacqueline Porel, sa mère, Jacques Porel, son grand-père, tous disparus. Et encore Danielle Darrieux, Pétula Clark, Yvonne Printemps, Barbra Sreisand et des centaines d’autres, rencontrés furtivement, le temps d’une photo, ou ayant fait un bout de route avec eux. Jean-Marie a fait rêver plusieurs décennies par ses photos, ses aventures qu’il raconte avec intelligence, finesse, tendresse, ses portraits de chanteurs, de musiciens, de comédiens, de gens de la mode, de la danse, de l’écriture, de tous les arts qu’il a côtoyés. JMP… Un grand témoin du monde artistique d’hier et d’aujourd’hui.
Gaëlle NOHANT : Le bureau d’éclaircissement des destins (Ed Grasset – 411 pages) Avec beaucoup de délicatesse et d’habileté, Gaëlle Nohant propose au lecteur de ce nouveau roman une série d’enquêtes sur des objets rassemblés pour être restitués à leurs propriétaires ou leurs descendants. Ces objets ont appartenu à des hommes, des femmes et des enfants souvent exécutés dans les camps d’extermination d’Allemagne ou de Pologne pendant la seconde guerre mondiale. C’est en 1990 qu’Irène va intégrer l’équipe de l’ITS, International Tracing Service, un service où s’empilent des milliers de documents d’archives, un fichier central tenant compte de toutes les variantes possibles, de toutes les langues, des erreurs de prononciation, des diminutifs. La guerre a bouleversé la vie de millions de personnes, celles qui ont fui, celles qui ont été prises, cachées, déplacées ou assassinées, ces personnes ont laissé derrière elles des objets et ces objets devront être restitués à leur propriétaire. Un travail colossal de recherche, de mémoire qui redonnera espoir, bonheur, réconciliation, stupeur ou effroi aux survivants mais aussi à l’équipe de travail. Irène va prendre à cœur de retrouver les traces d’une enfant, cette quête la mènera en Pologne, lui fera prendre connaissance des milliers d’enfants volés aux parents déportés et adoptés par des familles allemandes. Ce livre est bouleversant car chaque histoire émeut le lecteur et le plonge dans l’horreur, une horreur qui malheureusement ne cesse d’être d’actualité. Les familles décrites par Gaëlle Nohant pourraient bien sûr être de vraies histoires. L’auteur a fait un travail remarquable de recherche, le lecteur suivra page après page comme dans un roman policier les destins de Lazar, Wita et tant d’autres et devra peut-être interrompre sa lecture, trop bouleversé par ces destins broyés par l’histoire. Certains diront que c’est un roman de plus sur la Shoah. Non, car c’est un roman où vous trouverez de l’humanité, de l’amour et même de la joie dans cette période de l’histoire très sombre. Claire BEREST : L’épaisseur d’un cheveu (Ed Albin Michel – 235 pages) La romancière a choisi d’écrire sur l’homicide conjugal, en l’occurrence le féminicide. Dès la première page nous savons qu’Étienne va tuer dans quelques jours Violette, dite Vive, avec qui il est marié depuis dix ans. Sans enfant, ils vivent comme des bobos parisiens alternant expositions, vernissages, concerts hebdomadaires de musique classique, voyage annuel en Italie. Mais Étienne est un homme angoissé et obsessionnel alors que Vive est plus fantasque et souffre de cette vie réglée. Elle va vouloir s’émanciper ce qui va provoquer la jalousie puis la haine de son époux. L’auteur décrit avec talent la rage montante de cet homme frustré qui, au fil des heures, va développer une folie meurtrière qui l’amènera à larder son épouse de trente-sept coups de couteaux. Un roman glaçant qui permet de réfléchir à ce sujet qui fait trop souvent la une des journaux.
Patrick MODIANO : La danseuse (Ed Gallimard – 96 pages) Le personnage principal, désœuvré, sans argent, a terminé son premier roman. Il s’occupe d’un enfant, Pierre dix, ans dont la mère danseuse suit les cours du vrai maître de ballet russe Boris Kniaseff. Le narrateur se souvient de sa jeunesse et se remémore sa rencontre avec la danseuse dont on ne saura jamais le nom. Le livre dévoile les souvenirs flous d’un passé qui s’efface et qu’il essaie d’arracher à l’oubli. Les personnages errent de bars en studios dans un Paris que ne reconnait plus beaucoup l’auteur. Certains souvenirs vagues suggèrent un passé tumultueux, voire sulfureux de la danseuse, mais nous n’en saurons pas plus. Le texte est extrêmement épuré, construit en chapitres très courts et l’écriture simple. A la fois des détails précis mêlés à d’autres, flous, rendent l’atmosphère mystérieuse et aérienne. Le fil conducteur du livre est cette quête d’un passé lointain et nous suivons pas à pas ce travail mental comme un récit policier. « La danse est une discipline qui vous permet de survivre » dit le maître de ballet et « l’écriture est aussi une discipline » cite l’auteur. Est-ce à penser que l’on se sauve d’un passé tourmenté grâce à la discipline ? S’agit-il de l’histoire personnelle de Patrick Modiano ? Est-ce que la danseuse s’apparente à l’écrivain et son travail ? Un livre touchant et singulier. Eric REINHARDT : Sarah, Suzanne et l’écrivain (Edit Gallimard – 417 pages) Le personnage de ce roman se nomme Sarah, elle se confie à l’écrivain qu’elle admire pour qu’il fasse un roman de sa vie. Dans le roman, Sarah devient Suzanne et on assiste à sa métamorphose. Sarah est en rémission d’un cancer ; elle est sculptrice d’œuvres en plein air, elle ne supporte plus que son mari la délaisse, de plus, elle se rend compte qu’il possède 75% de leur domicile conjugal. Elle lui demande de changer tout cela, il promet toujours mais ne fait rien. Sur les conseils d’une amie, elle annonce à son mari qu’elle va aller vivre ailleurs pour quelques temps, cela le fera t-il réagir ? elle spécifie bien que ce n’est que pour quelques temps. Lui, va lui faire payer très cher cette décision, jusqu’à l’amener vers la folie. Seul, son fils la défendra. La vraie Sarah va reconquérir sa liberté et trouver enfin sa place mais à quel prix ? Ce portrait est bien de notre époque,il est très bien écrit, (il a frôlé le prix Goncourt), cette femme nous touche beaucoup dans sa recherche d’elle-même.
Cyril FERAUD : Mission zéro faute ! (Ed Harper Collins – 198 pages) Cyril Féraud, c’est ce souriant blondinet, mi Tintin, mi-fils de bonne famille, qui sévit sur notre petit écran, bondissant de la carte aux trésors au Grand Slam, du Téléthon au Sidaction, du festival Interceltique au festival de l’Eurovision, des Victoires de la Musique aux duels en familles… Et j’en passe ! C’est un feu follet toujours de bonne humeur et de bon humour qui n’a plus une minute à lui et qui aime ça. Et le voilà qui écrit ! Oh, un livre pas comme les autres mais, de façon ludique, sur la langue française, mi-cahier de vacances, mi-almanach et nous apprend ou réapprend à conjuguer les verbes, à nous donner les racines de certains mots, à employer les mots justes et les synonymes, les acronymes et les sigles, les solécismes et les barbarismes, les pléonasmes et les antonymes et, entretemps, nous faire jouer en nous apprenant l’origine étrangère des mots, faire des mots croisés. Ce peut être un livre de vacances, un livre pratique que l’on lit et laisse quand on veut. Cet amoureux des mots et de la langue française nous donne, en toute humilité une mission : que ce soit en parlant ou en écrivant, arriver à faire zéro faute et le faire entre amis, en famille car ce livre concerne tout le monde. Un joyeux moment de lecture et une belle leçon de Français. Dominique BARBERIS : Une façon d’aimer (Ed. Gallimard – 202pages) La narratrice plonge dans ses souvenirs d’enfance. Une photo s’échappe de vieux papiers qu’elle manipule et la trouble. Il s’agit de Madeleine, la sœur de sa mère, prise en Afrique dans les années cinquante alors qu’elle avait suivi son mari à Douala. Aidée de sa mère et de sa grand-mère elle va faire revivre ces années que la jeune femme a passées dans un monde loin de celui qu’elle avait connu jusque-là à Nantes. Mariée à un époux qui l’adore, Madeleine, jeune femme effacée et discrète se frotte à l’intelligentzia africaine, plus légère et festive que celle qu’elle a connu en France et qui va l’emmener à se laisser séduire par un homme mi-administrateur, mi-séducteur. Cèdera, ne cèdera pas ? Nous ne le saurons pas car les choses vont tourner brutalement et Madeleine rentrera à Nantes car l’heure de l’indépendance a sonné. L’autrice retrace ici l’atmosphère désuète pleine de mélancolie de cette époque dans un roman nostalgique, belle évocation de cette rencontre en noir et blanc d’une jeune femme effacée, pleine de regrets. Roman plein de délicatesse sur la fragilité des couples dans une ambiance de souvenirs enfouis.
Cécile CHABAUD : Indigne (Ed Écriture – 231 pages) Un titre coup de poing qui peut mettre mal à l’aise car assez peu employé et comme le lecteur le découvrira à la lecture de ce livre sans doute justifié. De nombreux dessins au crayon accompagnent ce roman, des hommes émaciés entassés sur des châlits, revêtus de tuniques rayées… Oui, tout cela rappelle la seconde guerre mondiale, les camps de concentration et cette sanction très particulière en France, l’indignité nationale. Georges Despaux, natif de Pau, handicapé après une poliomyélite attrapée dans sa jeunesse est accusé d’avoir collaboré avec les allemands en écrivant des articles dans la revue « Assaut » entre 1941 et 1943. Pourquoi cette condamnation malgré son tatouage bien caractéristique des internements dans les camps de Buchenwald ? Cécile Chabaud est l’arrière petite cousine de Georges Despaux, sa famille vit toujours la honte de compter parmi ses ancêtres un « collabo » ; aussi avec l’aide de tous les dessins témoignant de l’enfer des camps et du petit-fils d’un autre détenu, Samuel, sauvé de la barbarie par ce Georges Despaux qui n’est donc pas complètement mauvais, elle redonne vie et éclat à des êtres qui ont connu l’innommable. Ce livre est un témoignage poignant qui malmène le lecteur lisant la plaidoirie accusatrice lors du procès de ce Georges Delvaux et tous ces dessins d’anciens détenus aujourd’hui disparus. Tout concourrait à faire condamner Delvaux, l’époque cherchait des responsables pour cacher les propres défaillances des juges et, oh surprise, il n’y a pas eu de condamnation : Georges Despaux a été jugé non coupable, mais pire, indigne, un terme peu employé qui définit bien la mise au ban de la société de celui qui en est frappé. Cécile Chabaud a eu le courage de faire revivre ces évènements du passé, elle le fait avec brio et une sincérité honorable. Max-Erwann GASTINEAU : L’ère de l’affirmation (Ed Cerf – 197 Pages) L’auteur est diplômé en histoire et relations internationales. Il a travaillé en chine et aux Nations Unies, à l’Assemblée nationale puis dans le monde de l’énergie. Ce livre n’est pas un roman mais une étude géo- politique très documentée et très argumentée par de nombreuses références sur le monde en pleine mutation (internet, émergence de la Chine, de l’Asie…etc) où l’Occident n’est plus un seul modèle. Il nous fait part de ses découvertes culturelles, modèles économiques et politiques et de ses pensées lors de ses séjours professionnels ; il s’appuie également sur les crises, les décisions internationales pour démontrer que le monde est pluriel et que l’Occident, la France, l’Europe, propulsés entre 2022 et 2023 dans l’âge de raison se doivent à l’introspection : « Et si le chaos que nous croyons percevoir dans la désoccidentalisation ambiante était en fait un ordre crypté que nous ne savions pas lire. Et si le libéralisme occidental n’était universel que de son ignorance des autres tradition ? » Et si répondre au défi de la désoccidentalisation était plutôt une opportunité pour nos sociétés qu’une menace ? Livre fort intéressant par l’idée développée mais la lecture est ardue.
Guillaume VILLEMOT : L’homme qui osait ses rêves (Ed Baker Street – 187 pages) Dans ce court ouvrage, Guillaume Villemot présente avec talent l’homme étonnant qu’a été André Malraux. Aventurier, voleur, menteur, addict à l’alcool et aux drogues certes mais homme engagé, défenseur du rayonnement de la France et de l’accès de tous à la culture ; écrivain autodidacte à succès, primé par le Goncourt pour « La Condition Humaine » il y a quatre-vingt-dix ans. Quelques citations bien choisies par l’auteur permettent de comprendre la personnalité de cet homme: « Les idées ne sont pas faites pour être pensées mais pour être vécues » ; » Je mens mais mes songes deviennent réalité ». Un être farfelu, au sens du mot italien farfalla qui veut dire papillon, un être qui ne fait rien à moitié. A sa mort, Madeleine sa dernière épouse dira qu’il a eu « une existence brillante, tourmentée, autodestructrice, éminemment destructrice ». Le lecteur apprendra beaucoup sur cet homme d’exception que l’auteur n’hésite pas à comparer avec Tintin, Corto Maltese et Indiana Jones ! Alain MALRAUX : Au passage des grelots – Dans le secret des Malraux ( Ed.Baker Street – 325 pages) L’auteur, né en 1944, n’a pas connu son père, mort en déportation pour faits de résistance. Il sera adopté par son oncle Roland Malraux et sa femme Marie-Madeleine Livroux. Auteur de pièces à succès il a écrit ce « Au passage de ces grelots », vaste chronique le plus souvent mondaine de l’auteur pour ce père inconnu mais plein de gloire. Il utilise ici le milieu artistique, littéraire et mondain qu’il fréquente de par sa famille et ses connaissances, sous la forme de chroniques pleines de témoignages et de vécu. Il nous familiarise donc avec ce public aux multiples anecdotes personnelles en une grande fresque des années soixante à nos jours. C’est d’une plume souvent très recherchée, parfois trop, que nous suivons cette vaste rétrospective, réveillée par les grelots, comme la petite boule métallique qui s’agite pour capter l’attention du spectateur. Mais pourquoi trois livres sur Malraux pour cette rentrée littéraire ? Cette année on fête les 90 ans du prix Goncourt remporté par André. Malraux avec « La condition humaine » et qui est l’occasion pour ce fils posthume de réveiller l’homme illustre qui a marqué cette période .
Philippe LANGENIEUX : les derniers jours d’André Malraux. (Ed Baker Street – 277 pages) André Malraux est devenu célèbre à la parution de son livre « la Condition humaine » en 1933, etl fut Prix Goncourt à l’unanimité. Il est nommé Ministre d’Etat, chargé des affaires culturelles en 1959, il y reste dix ans. Il est responsable des rayonnements de la politique culturelle en France et hors des frontières. Ce livre comporte plusieurs chapitres très courts, qui relatent sa vie mois par mois, du 25 janvier 1976 au 23 novembre 1976 date de sa mort. Malraux s’est réfugié à Verrières-les- Buissons, entouré de sa famille et de ses amis. Les conversations sont vives et riches en réflexions de toutes sortes, sur un ton parfois drôle et ironique. Il se dit « sur le chemin des morts » et lutte contre la maladie avec dignité. Il raconte ses nombreux et grands voyages (Haïti, Chine …) ses rencontres avec les grands de ce monde ; depuis la mort de Charles de Gaulle, le monde est vide dit il. Il évoque la Birmanie qu’il n’a pas eu le temps d’aller visiter, et le regrette ; il ajoute encore « j’ai dit tout ce que j’avais à dire », il fait sienne une phrase de Charles de Gaulle « Être vieux, ce n’est pas » d’avoir été » c’est garder toujours la chance « d’être encore », c’est refuser de s’intéresser au monde et aux autres. On se souvient de sa voix vibrante accompagnée de gestes excessifs et désordonnés, en conclusion, il nous dit « l’Art est une résurrection, la seule qui soit promise ». Ce livre est riche et très intéressant. On y apprend beaucoup de choses dans tous les domaines. Marc DUFAUD : Les Musiques Antillaises (Ed Casa – 159 pages) Voici ce qu’on appelle un beau livre. Grand format, beau papier, belle présentation, iconographie dense et originale. Marc Dufaud nous emmène en voyage à travers la musique antillaise, depuis sa naissance avec l’esclavage africain dès 1643 jusqu’à nos jours, par des portraits, les évolutions de cette musique, et les données historiques et sociétales dans lesquelles elle s’est épanouie. L’auteur procède par différentes approches : La naissance et l’évolution – des portraits des grands protagonistes – Le Gwoka Bel Air – Les grandes décennies. Le tout avec une grande richesse d’informations. Tout part de la biguine originelle de Saint-Pierre pour créer une musique très riche qui se développe principalement en Martinique et en Guadeloupe. Aux tambours primitifs vont s’ajouter les instruments des blancs : Le violon, le violoncelle, le cornet, la clarinette, le banjo et petit à petit le piano. Musique créole qui va devenir un art majeur, mais l’éruption de la Montagne Pelée en 1902 par la mort de presque tous les musiciens va mettre un coup d’arrêt à cette musique. Mais elle renaîtra de ses cendres à Fort de France pour finalement envahir Paris, en même temps que le jazz, de 1929 à 1940, et perdurera même pendant la guerre. Bientôt naîtra le zouk entre 1980 et 2000, une biguine cubaine qui va atteindre une notoriété internationale avec le groupe Kassav. « Le Gwoka est l’âme de La Guadeloupe ». Le Gwoka combine le chant responsorial en créole, le rythme des tambours Ka, l’improvisation, et la danse jusqu’à la transe. Le livre se termine par un hommage aux chanteuses et chanteurs antillais, et sur ceux qui font perdurer cette musique aujourd’hui. Il est impossible, dans le cadre de cette chronique, de citer tous les chapitres, tous les noms des artistes (plus d’une centaine). Alors si vous voulez découvrir la musique antillaise, ce livre unique en son genre, est un must. Marc Dufaud est cinéaste, écrivain, participe à nombre de magazines dont Rock and Folk.
David HALLYDAY : « Meilleur album » (Ed Cherche Midi – 277 pages) Évidemment, lorsqu’on dit « Hallyday », on pense automatiquement « Johnny ». Mais il ne faut pas oublier David, son fils qui fait une belle carrière, carrière qui a débuté à Los Angeles, grâce à Tony Scotti, l’époux de sa mère Sylvie Vartan. S’il est aujourd’hui un talent reconnu, il a toujours été d’une discrétion, d’une gentillesse, d’une simplicité désarmantes. On s’en est rendu compte lors du décès de son père où, au milieu d’une folie médiatique malsaine, il est toujours resté en dehors des polémiques, ne s’étalant pas dans ces journaux-poubelles, restant discret, pudique et hors d’atteinte. Aujourd’hui il nous offre cette biographie, qui n’est ni une revanche, ni un règlement de compte, laissant parler son cœur et ses souvenirs avec beaucoup d’émotion et une certaine nostalgie. Ses premières années se sont passées entouré de trois femmes : sa mère, sa grand’mère, sa tante et quelquefois son père qui était toujours par monts et par vaux. Entre deux idoles, il s’est très vite aperçu que ses parents ne lui appartenaient pas et il en a été très peiné et jaloux. Il faudra qu’il s’installe à Los Angeles pour connaître la vraie vie, la liberté d’un ado comme les autres, ses parents n’étant pas connus là-bas. Il a toujours été baigné de musique mais très tôt il s’est pris de passion pour la batterie dont il pensait faire son métier si ce n’est Tony Scotti qui l’a pris sous son aile, père de substitution, son deuxième père dit-il qui, dès ses 14 ans, l’a aidé, conseillé, aimé comme un fils, lui faisant donner des cours et l’incitant à chanter. D’où quelques tournées avec des groupes jusqu’à son premier CD en anglais qui fera un carton « True cool » sur lequel « High » devient un tube. Peu à peu il apprend à connaître son vrai père et on se souvient de ce petit blondinet qui prend la place sur scène du batteur pour lui faire une surprise. C’est d’ailleurs Johnny qui lui a demandé de garder le nom de Hallyday. Et puis ce sera l’aventure de « sang pour sang » le disque culte qu’ils font ensemble et les réunit à jamais, qui sera la plus forte vente de la carrière de son père. Tout étant rentré dans l’ordre, cela n’empêche les traces gardées de ce petit garçon solitaire, secret, même si sa mère a tout fait pour qu’il ait une enfance heureuse. Aujourd’hui, père de trois enfants, deux filles Ilona et Emma qu’on peut voir tous les soirs dans la série « Demain nous appartient » et Cameron. Il a aujourd’hui 57 ans et est grand ’père… Qui peut le croire ??? Ce livre est un joli moment d’émotion, admirablement écrit, qui nous livre ses passions, ses doutes, et tout à la fois ses fragilités et sa force. Eric CHACOUR : Ce que je sais de toi (Ed Philippe Rey – 301 pages) Ce premier roman est une révélation et un véritable bonheur de lecture. L’histoire se passe surtout en Égypte, dans un milieu aisé du Caire où la vie est réglementée par des codes à ne pas transgresser. L’homosexualité est condamnée par la religion, aussi la fuite est parfois la seule solution pour éviter la prison ou pire, la mort. Ce sera le cas de Tarek, cet homme à qui s’adresse celui qui écrit, un être familier puisqu’il le tutoie. La suite du roman révèlera les liens jusque là non révélés. Trois parties, Toi, Moi, Nous, qui résument la vie de Tarek, ses souffrances, ses amours, sa fuite vers un autre continent. Mais peut-on fuir indéfiniment ? Il y a parfois des retours au pays réparateurs, des vérités difficiles à entendre mais aussi des vérités réparatrices. Ce livre est bouleversant par la limpidité de l’écriture, les pages se lisent trop vite, le lecteur en redemandera très vite à Eric Chacour. Il faut aussi remarquer la superbe peinture de Alireza Shajaian, peintre iranien qui a dû fuir lui aussi l’Iran pour cacher et vivre son homosexualité, un parallèle parfait pour ce premier roman d’Eric Chacour, un auteur à suivre absolument.
Raphaëlle GIORDANO : Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière (Ed Récamier – 307 pages) Ce roman est quasiment un ouvrage de développement personnel. S’inspirant de témoignages vrais relatant divers cas de peurs inavouables, Raphaëlle Giordano met en scène des personnes qui ont toutes en elle une peur ou une fragilité née de sa vie d’enfant ou d’adolescent. Henriette, Auguste, Tony, Kenzo, Claire devront tous arriver à accepter leur part de vulnérabilité pour commencer à révéler leur pleine puissance. Les lecteurs qui sont de grands anxieux et qui ont du mal à gérer leurs atypismes se décomplexeront : tel est le souhait de l’auteur. Véronique JANNOT : Le présent est mon refuge (Ed XO – 258 pages) Elle a le regard pétillant, le sourire lumineux qui respire la gentillesse, la sagesse, la sérénité. Comédienne au cinéma, au théâtre, à la télé, chanteuse, Véronique Jannot est multi-talents et depuis quelques décennies elle reste l’une des artistes préférées des Français. Sa carrière est semée de belles rencontres comme Michel Boujenah, Alain Delon, Nicole Croisille, Line Renaud, Laurent Voulzy, Charles Anavour, Johnny Hallyday et beaucoup d’autres. Les dernières en dates étant Solène Hébert et Juliette Tresanini, ses deux filles de la série « Demain nous appartient ». Et sa plus belle rencontre reste celle du Dalaï Lama. Ce nouveau livre n’est pas du tout une biographie comme pourraient le supposer les images qu’elle nous propose en fin de livre. Elle nous livre en fait ses réflexions sur la vie, la spiritualité, la méditation, la recherche du bonheur et de la paix. Ce n’est pas du tout une leçon qu’elle nous donne mais une conversation avec ce public qui la suit et l’aime depuis des années et qu’elle nous offre, si l’on peut dire à livre ouvert. On l’a dite militante mais elle précise qu’elle milite « en douceur » ! L’amitié, l’amour, la solidarité sont les ingrédients de sa vie car si elle reçoit beaucoup de son public, elle donne beaucoup de sa personne. Ce livre est un essai sur le vivre ensemble, le vivre en paix ce qui, pour elle est un espoir et non une utopie. Mais il est vrai que le chemin de la sagesse est encore loin pour l’Homme, la violence et la guerre sont là pour nous le rappeler tous les jours. Lorsqu’on la connaît un peu (et j’ai cette chance) Véronique est une boule d’amour qui sait marier son métier, qui est quelquefois loin de ses véritables préoccupations, et ce refuge qui la tient droite et sereine. Que vous dire sinon que Véronique est une belle personne ?
EMMA GREEN : Ce qui nous rend vivants (Ed Addictives – 443 pages) Le livre est écrit par un duo d’autrices françaises dans un style simple et attrayant. Cleo Robbins commence son internat aux urgences de l’hôpital public de Chicago et y retrouve une vieille connaissance de la fac de médecine, Carter Cruz avec lequel la relation s’est mal terminée. Les retrouvailles inattendues se présentent particulièrement difficiles car il est un sérieux rival professionnel et son plus grand regret. L’univers des urgences et les relations internes entre patrons et internes sont décrites avec réalisme : atmosphère de stress, conditions d’exercice pénibles, gardes prolongées… Dans ce climat médical épuisant au rythme effrené se nouent des relations entre patrons et internes quelquefois détonantes quelquefois respectueuses. L’amitié, la solidarité et l’engagement professionnel sont très présents chez les internes. Ce contexte médical est la partie importante du roman, l’histoire de Cleo et Carter est sous-jacente. Cleo, peu proche de son père ne se remet pas du décès de sa mère, décès accidentel ou suicide ? Carter vit d’autres problèmes familiaux avec sa mère et son frère. Tous deux cherchent des réponses à leurs questions. Ce roman est dans l’air du temps, il rappelle les séries médicales télévisées. Il réunit action, situation conflictuelle, enquête, détresse, amitié et amour. Un livre de détente et d’actualité médicale. Éric FOTTORINO : Mon enfant, ma sœur (Ed Gallimard – 275 pages) Éric Fottorino révèle avec douceur et poésie l’existence d’une sœur dont il a appris l’existence tard dans sa vie. Sa mère « qui a passé sa vie à ne pas la vivre » a eu un enfant, une petite fille qui lui a été arrachée à la naissance par les religieuses chargées de cacher aux yeux de la société bourgeoise bordelaise, une grossesse hors mariage. C’est en vers que l’auteur révèle la douleur d’une famille, une mère qui, même présente, semble si souvent absente car en communion secrète avec son enfant disparue, une sœur en apnée qui maintenant que la vérité a enfin jailli des lèvres de la mère doit revenir au sein de la cellule familiale malgré la difficulté et surtout la crainte de ne savoir remonter le fil du temps. Et pourquoi cette sœur que l’auteur a prénommée Harissa, car pleine de piment, pourquoi en effet cette sœur ne se transformerait-elle pas en Elisabeth ? En un seul vers Éric Fottorino révèle sa souffrance « le secret est une infection de l’âme ». Dans ce roman, l’auteur poursuit « Dix-sept ans » paru en 2018 et témoigne de la blessure d’amour jamais refermée de sa mère. Magnifique hommage à cette petite sœur et à cette mère qui a su survivre aux lois implacables de la société bourgeoise.
Lionel HOËBEKE : La cité radieuse de Marseille (Ed Hervé Chopin – 142 pages) Nous étions juste après la guerre. En 1947 exactement. Charles-Edouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le nom de Le Corbusier, est peintre, architecte, sculpteur suisse. Il commence à être connu mais son nom restera dans les annales lorsque le Ministère de la reconstruction lui demande de créer à Marseille la Cité Radieuse. Exactement sis boulevard Michelet, dans le huitième arrondissement. Créatif de génie, il va donc s’attaquer à ce qui est aujourd’hui considéré comme un chef d’œuvre architectural, tant cette cité est ingénieuse, conceptuelle, innovante, d’une incroyable modernité, même si au départ elle eut tout de suite ses admirateurs et ses détracteurs. Les Marseillais la baptisèrent « La maison du fada » mais elle reste aujourd’hui, au même titre qu’un monument historique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. La cité radieuse est un village à elle seule puisqu’en dehors d’appartements incroyablement beaux et confortables, elle comprend des commerces, une école, des espaces collectifs. On peut y vivre sans en sortir ! Aujourd’hui c’est encore un lieu contesté de l’extérieur mais lorsqu’on y entre, c’est une découverte qui porte bien son nom car on s’y sent bien. Lionel Hoëbeke est un fan de la première heure de cet architecte hors norme : A 16 an, il fait des économies pour acheter son premier livre sur lui. Et il ne cessera obstinément d’entrer dans son œuvre, jusqu’à écrire ce livre qui est à la fois un hommage admiratif et une bible car il a fait de nombreuses recherches, rencontré tous les gens qui vivent, fouillé les archives de fond en comble, jusqu’à y habiter ! Avec ce très bel album, très documenté et également très imagé, on apprend tout sur ce génie que fut le Corbusier, tout sur la Cité Radieuse que l’auteur a visité de fond en comble, en l’y incorporant dans l’histoire d’un homme, d’une ville, d’une œuvre unique. Antoine SENANQUE : Croix de cendres (Ed.Grasset – 426 pages ) L’auteur, éminent médecin puis historien, nous emporte aux XIIIème et XIVème siècles dans la France profonde qui va balayer toute une sinistre période de guerres, de peste, de luttes intestines. C’est à la fois un roman historique et un polar moyenâgeux où vont s’affronter clergé, armées, puissants et petites gens. Tout part du prieur dominicain Guillaume, qui envoie deux novices, Antonin et Robert, chercher du vélin à Toulouse, la peau de veau étant chère et précieuse, car il a à raconter d’importantes choses qui intéressent l’Inquisition . Le titre « Croix ce cendres » fait appel à la croix tracée sur le front des fidèles, qui représente les péchés. Ici ce sera l’évocation de Maitre Eckart, théologien allemand, dénoncé par les dominicains et les franciscains devant l’Inquisition pour hérésie. Le roman en fait un super méchant qui va tramer une sombre histoire de lutte parmi la vie ecclésiastique et monastique du XIVème siècle. On y côtoie les béguines, les moniales, les conflits entre dominicains et franciscains, les épidémies de peste, la guerre de Crimée. Bref une longue et difficile période décrite avec forces détails et reconstitutions, un travail d’érudit certes qui fait revivre avec talent une grande épopée mais parfois un peu ardue à suivre. Réservé à un certain public.
Irène FRAIN : Ecrire est un roman (Ed Seuil – 279 pages) Irène Frain fait partie des écrivains reconnus et appréciés par de très nombreux lecteurs. Vient de paraître « Écrire est un roman » où elle explique avec aisance, bonheur et vérité le pourquoi de l’écriture. Car oui, pour qui, pour quoi, comment écrit-on ? Elle se révèle dans sa recherche d’écriture, ses ateliers et ses lectures nombreuses et variées. Elle rappelle qu’Hérodote, le père de l’Histoire peut aussi être appelé le Père du Mensonge, au lecteur avisé de déterminer son jugement. Agrémenté de très nombreuses citations, de reproductions d’éditions anciennes Irène Frain devient au fil de la lecture une relation puis une amie du lecteur car sa sincérité crée un lien très personnel. Une lecture très agréable, ponctuée de très nombreuses références littéraires et historiques, ce dernier écrit d’Irène Frain est une réussite. Alain ARNAUD : Le crime de l’Express Côtier (Ed. exæquo -184 pages) Comme à chaque rentrée littéraire Alain Arnaud nous entraine dans une nouvelle destination, parcourue pendant la belle saison estivale. Ici le grand Nord, à bord de l’Express Côtier qui rentre des fjords de Norvège pendant laquelle se sont retrouvés de nombreux passagers dont un petit groupe de Parisiens réunis pour des vacances amicales dans ces lieux enchanteurs. Mais à l’arrivée au port un évènement inattendu vient semer le trouble : Un passager est retrouvé assassiné dans sa cabine. C’est autour de Daphné, jeune invitée et pivot du groupe, que va se dérouler le schéma du séjour et se dénouer le mystère. Les personnages sont décortiqués par ses soins dans un décor de rêve et de réalité, dans lesquels les éléments s’emboitent. L’occasion pour l’auteur de cerner les personnages, d’évoquer en touches poétiques les lieux parcourus et de nous maintenir dans un suspense qui nous conduira à la résolution du mystère. Belle écriture, beaux paysages aux personnages intéressants. On est pris par le suspense qui émane de cet imbroglio