Archives de catégorie : Ecriture

Notes de lectures

Jason HANSON : Guide de survie des espions (Ed Nouveau Monde – 279 pages)
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Gilles Bouley-Franchitti
L’auteur est un ancien officier formateur de la CIA, spécialiste des questions de sécurité. Dans ce guide étonnant il souhaite transmettre au public son expérience afin d’utiliser dans la vie de tous les jours des méthodes de contre-espionnage pour être en sécurité. Savoir examiner son environnement pour prévenir toute attaque, posséder le matériel nécessaire à sa défense, savoir se détacher de cordes ou de menottes, protéger son domicile, techniques d’auto-défense de base, détecter les mensonges, etc.
Le lecteur se dit que de tels conseils sortent d’un film et qu’ils ne concernent que les américains qui semblent selon l’auteur vivre dans une totale insécurité.
Mais ne vont-ils pas devenir utiles un jour aux européen ?
Une drôle de lecture.
Mathias ENARD : Mélancolie des confins (Ed Actes sud – 305 pages)
L’auteur a reçu le prix Goncourt en 2015.
« Nord » est le premier de 4 volumes et présente une première étape soit Berlin par temps automnal.
Alors qu’il vient de quitter la clinique de Beelitz ou il a rendu visite à un ami hospitalisé à la suite d’un accident cérébral , il revient à l’auteur, un vers de Blanca Varela poétesse péruvienne « là ou tout s’achève, déploie tes ailes ». Cela lui parut chargé d’espoir et de mélancolie, de promesses d’avenir et de douleurs mêlées, tout comme l’état de son ami. S’ensuit une errance dans un Berlin glacial qu’il nous décrit en mêlant histoire personnelle et histoire collective.
Le lecteur déambule dans les époques, les pensées et les souvenirs personnels, la littérature et la poésie. Le livre est instructif  par ses nombreuses références historiques, géographiques, littéraires mais aussi nostalgiques.
Le vocabulaire choisi est souvent poétique mais la lecture quelque peu difficile

Jean-Marc GENEREUX : Chaque pas Est une leçon de vie (Ed Leduc – 283 pages)
Il a une voix tonitruante, une voix de dessin animé qui, durant l’émission « Danse avec les stars » devient quelquefois insupportable entre deux « Oh la la Chiwawa », trois « canonnissime » et cinq « Et ça…J’achète » sur lesquels il se trémousse et hurle à épuiser nos oreilles !
Ce Québécois surdosé, survolté, dynamité et débordant d’énergie est à la longue très fatigant durant trois heures  d’émission.
Et pourtant… C’est lui qui fait le buz, qui fait rire le public, les danseurs et le jury mêlés et ce bruit de fond cache certainement  un mal être que l’on comprend lorsqu’on lit son livre qui vient de sortir, presque en même temps que celui de Christophe Licata.
En effet, si toutes les planètes  étaient alignées pour qu’il soit heureux : la danse, sa passion, la reconnaissance et la gloire, une femme et un fils qu’il aime par-dessus tout, tout vient se gripper à la naissance de sa fille Francesca, handicapée à vie, qu’il adore par-dessus tout mais reste une plaie béante qu’il gardera jusqu’à sa disparition. D’où cette exubérance, cet optimisme acharné qui cachent son drame et sa peine. Mais, bien entouré, il continue sa route, celle de la danse qui reste sa passion, une route faite de joies, de peines, d’amour, de doutes car il aime la vie, il aime les gens et les gens le lui rendent bien et en font l’artiste québécois préféré des Français.
Ce livre est bouleversant, plein d’émotion et de lucidité, de pleurs et de rires et pour tout ce qu’il vit, on lui pardonne  ce trop plein de vitalité qui lui permet d’avancer car, comme il l’écrit, chaque pas est une leçon de vie.     
Nicolas MARTIN : FRAGILE/S (Ed Au diable Vauvert – 427 pages)
Nous sommes en France en 2100.
Les naissances se font de plus en plus rares. Les enfants qui naissent sont victimes d’un handicap dit « le X fragile ».
Le gouvernement d’extrême droite a organisé un programme médical pour permettre à des femmes choisies de donner naissance à des enfants sains en implantant des embryons génétiquement modifiés.
Tiphaine, poussée par son mari, accepte de s’y soumettre. Commence alors sa descente aux enfers lorsqu’elle comprendra la particularité de son fils. Un roman de science-fiction étonnant qui nous propulse dans une société totalitaire dépassée par ses projets médicaux technocratiques.
Un premier ouvrage interpelant et original quant à la mise en page et la typographie

Patrice FRANCESCHINI : Patrouille au Grand Nord (Ed Grasset – 231 pages)
L’auteur, écrivain de marine aux nombreux récits d’explorations, reprend du service en nous conviant à un merveilleux voyage à bord d’un patrouilleur de la Marine pour une mission au Groënland.
Il y retrouve un jeune officier qui a naguère fait ses débuts avec lui à bord d’un vieux grément.
On découvre tout au long ce périple, le rude quotidien de ces hommes, tout petits devant l’océan déchainé. On assiste aux manœuvres, aux prises de quarts comme à la découverte de la vie de ces peuplades du grand Nord prises entre coutumes ancestrales et ravages de la modernité.
Il nous peint les paysages majestueux et grandioses, les fjords gigantesques et les tempêtes effrayantes, le tout dans un univers d’hommes vivant dans un espace réduit, où la solitude laisse le temps à la réflexion et l’observation de ces paysages somptueux.
Très bien rendu par une sobriété de mots, de phrases courtes. Un récit vibrant et poétique  à la fois.
Paul THURIN : Le livre de Joan (Ed Stock – 359 pages)
C’est avec jubilation que l’auteur Paul Thurin fait découvrir à son lecteur la vie de Joan de Leeds.
Tout commence en Angleterre en 1318 alors que Joan de Leeds est chez les sœurs bénédictines. D’origine noble mais désargentée, elle y a été placée dès son plus jeune âge, tout comme les garçons étaient envoyés à l’armée. L’esprit rebelle de Joan est régulièrement muselé par de fréquentes séries de coups de fouet, de mises à l’ombre, mais cela ne fera que renforcer l’envie de cette moniale de s’échapper de cette prison religieuse.
Avec l’aide de quelques sœurs, elle organisera sa fuite pour vivre quelques années de liberté à Londres.
La lecture de ce roman policier est passionnante. Echappée du couvent, la mère supérieure n’aura de cesse de la ramener au bercail. Mais c’est également un roman truffé de citations de la Bible tellement appropriées, et surtout un roman jubilatoire. Merci à l’auteur Paul Thurin d’avoir relevé cet épisode truculent et subversif dans l’histoire religieuse des bénédictines ! C’est en même temps une admiration pour l’esprit rebelle des femmes soumises malgré elles.
Une lecture vraiment addictive.

Meredith HALL : Plus grands que le monde (Ed Philippe Rey – 365 pages)
Traduit de l’anglais (Etats Unis) par Laurence Richard
L’histoire se passe à Alstead dans le Maine dans le Nord Est des Etats Unis.Tup et Doris Senter et leurs trois enfants Sonny, Dodie et Beston, vivent dans la ferme laitière que Tup a décidé d’exploiter à la mort de ses parents.
La vie s’écoule en communion avec la nature crée et donnée par Dieu dans un paisible bonheur familial. Les journées sont rythmées par les soins aux vaches, aux poules, l’entretien des champs, du potager et des arbres fruitiers, la fabrication des conserves. Le soir la famille se rassemble pour des jeux ou des lectures. Mais ce petit paradis va se transformer en un lieu de douleur et d’incompréhension quand un drame va s’abattre sur la famille.
En donnant la parole à tour de rôle à chacun des parents et à leur fille Dodie, l’auteur décrit leurs réactions face à l’épreuve et leur chemin vers la reconstruction. Sur une durée de vingt années (de 1947 à 1965 ), elle sonde avec finesse et poésie les caractères de chaque membre de cette famille à laquelle le lecteur s’attache. 
Zined MEKOUAR : Souviens- toi des abeilles (Ed Gallimard – 167 pages)
Il existe à quatre vingt kilomètres d’Agadir au Maroc, dans le village d’Inzerki à près de mille mètres dans le Haut Atlas, le plus ancien rucher collectif du monde. C’est le rucher du Saint, construit en terre sur cinq étages, chacun étant composé de cases pouvant contenir plusieurs ruches de formes circulaires, faites de roseaux tressés.
L’auteur, née à Casablanca et vivant en France depuis ses dix-huit ans, imagine une histoire qui se déroule dans ce lieu si particulier. Le jeune Ani, âgé de dix ans, vit avec son grand père, apiculteur et sa mère qui est emmurée dans une sorte de folie depuis une nuit tragique. Le père est allé travailler à Agadir, espérant gagner assez d’argent pour soigner sa femme.
Sous une chaleur écrasante, Anir apprend à soigner les abeilles et à récolter le miel mais la terre se réchauffe, on manque d’eau et les abeilles meurent en nombre.
Ce récit à hauteur d’enfant est plein de poésie et nous entraine dans les traditions et légendes du village à travers un lourd secret de famille.

HI-Han

Immergé dans tant de qualités vantées de l’Intelligence Artificielle (IA) je décidai de lui faire écrire un poème, étant à court d’inspiration. J’allai vers une IA gratuite de base. Mais fallait-il la tutoyer ou la voussoyer. J’optai pour le tu, plus simple dans la conjugaison.
– IA, veux-tu avoir l’obligeance de m’écrire un poème.
– Qu’est-ce qu’un poème ?
– La façon d’écrire de la poésie.
– Très bien. Qu’est-ce que la poésie ?
Moi, très érudit, pour lui en mettre plein la vue.
– C’est un art du langage.
– Je ne suis pas qualifié en art. Je n’ai pas eu de formation. Allez voir un ancien, ChatGPT. Il pourra certainement combler votre attente.
Surpris par sa courtoisie je le remerciai chaleureusement. Faut être humain, après tout.
– Serviteur, me répondit-il. Diable, il avait la notion de classe sociale.
Je dis « il », faute de neutre, car les machines n’ont pas de sexe, du moins jusqu’à maintenant. Que n’avons-nous pas dans notre langue un pronom neutre comme « it » en anglais, ou encore « es » en allemand. A défaut j’ai choisi « il », car « elle » est trop poétique pour une machine.
Donc même demande à ChatGPT, qui m’avait reçu fort courtoisement, car ces machines ont du savoir vivre.
– Cher ChatGPT, écris-moi un poème.
– Je ne connais pas ce mot.
– C’est un texte poétique.
– Ah bon ! Donne moi un exemple. (Lui aussi me tutoyait)
– L’été, l’oiseau cherche l’oiselle ;
Il aime — et n’aime qu’une fois !
Qu’il est doux, paisible et fidèle,
Le nid de l’oiseau — dans les bois !

Je ne lui dis pas que c’était de Gérard de Nerval dans ses Odelettes.
– C’est joli. Je vais essayer.
– Ce matin il faisait beau
-Les oiseaux chantaient très faux
– J’étais si content très haut-
De produire un fabliau

–  Pas mal, lui dis-je, pour un débutant. L’avant dernier vers, très fort, très chargé de connotations.
Il se montra modeste. Je vis des lumières s’animer. Il ne semblait pas satisfait.
– Essayer peut-être le chinois, DeepSeek. Il vous fera des haïkus.
– Les haïkus c’est japonais.
– Personne n’est parfait (Nobody’s perfect).
Dommage qu’il ne sache pas sourire. Connaissait-il le film « Certains l’aiment chaud » dont c’est la dernière réplique ?
Me voilà chez DeepSeek. Moins accueillant, plus terne.
– C’est quoi un poème ?
Il parlait le français vulgaire, peut-être pour se mettre au diapason de ses utilisateurs.
Je lui donnai le même exemple.
Il répondit aussi sec :
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla

Certes il connaissait la métrique : quatrain de cinq syllabes, rimes très riches. La structure de son poème était parfaite, mais il restait quand même plutôt sibyllin.
Devant son air supérieur et sa mimique moqueuse, j’allais arrêter mes recherches, quand il me lança :
– Hé ! C’est bien l’IA.
Avec son accent chinois il prononçait « Hi-Han ».
Serions nous tous des ânes?

Serge Baudot

Notes de Lectures

Fréderic SOJNER : Fac off. (Ed.Léo Scheer – 184 pages )
Ce roman raconte « l’envers et l’enfer du décor de l’enseignement supérieur ».
L’auteur, Belge et professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, nous raconte avec beaucoup d’ironie, ce milieu dans lequel il vit et évolue. 
La vie d’un universitaire n’est pas de tout repos : 58 suicides au sein de l’Education Nationale pour l’année 2018-2019 !
L’auteur parfois sarcastique nous fait revivre avec beaucoup d’ironie ses quarante ans de vie active. Sa vocation devient carrière, il passe des bancs de l’école à l’estrade, la passion d’enseigner se transforme en ambition quitte à harceler les autres ou délaisser sa famille à cause d’un système de nomination géographique imposé. 
Tous ces sacrifices pour obtenir le titre de Professeur d’Université.
Parfois la passion revient comme une drogue,

Margaret WILKINSON SEXTON : Les sœurs de Fillmor. ( Ed. Actes- Sud – 396 pages)
Une incursion dans le quartier de Fillmore, le Harlem de l’ouest en Nouvelle Orléans, où vivent les trois sœurs Ruth, Esther et Chloe, apprenties danseuses coachées par leur mère Vivian, une infirmière qui consacre son temps libre en dirigeant leur carrière musicale qui se déroule dans les clubs de Jazz de leur quartier noir. Le jour où un célèbre manager promet d’en faire des vedettes leur mère est aux anges. Mais c’est compter sans la perspicacité et l’allant des trois filles qui réagissent différemment et d’une façon très personnelle et inattendue On veut plaire à sa mère mais on ne peut pas renoncer à ses propres aspirations d’adultes. Des conflits familiaux en perspective doublés par l’influence de promoteurs blancs qui jettent leur dû sur ces nouveaux quartiers pleins de vie.
Beau roman célébrant l’ambition, la solidarité familiale, la résilience d’une communauté attachante, palpitante saga familiale aux accents jazzy, un bel aperçu de la vie de ces Afro-Américains rendu d’une plume alerte et passionnée ; très agréable à lire malgré une écriture un peu relâchée mais qui donne de la vie et à laquelle on s’habitue.
Marilyse TRECOURT : L’envol des lucioles (Ed.Eyroles – 300 pages)
« J’ai officiellement vingt- sept ans et il me reste trente jours à vivre ; grand max ! ». Léa est persuadée qu’elle sera la prochaine victime d’une malédiction familiale, sa mère a été emportée accidentellement, sa grand-mère et arrière-grand-mère de même, le sort les a frappées peu après leur vingt-septième anniversaire. L
éa sent la mort autour d’elle, elle phantasme, elle la voit, lui parle, elle ressemble à une chanteuse célèbre vêtue d’une longue robe noire. Léa semble se résigner alors que son entourage lui conseille de se rebeller. La peur s’installe . Gina, sa grand-mère paternelle va l’héberger suite à l’incendie de sa maison. Elles sont en contradiction, l’une est peureuse et prisonnière de sa vie, l’autre a des allures de hippies et aime la vie. Léa sera-t-elle influencée ?
C’est la partie la plus amusante de ce roman et qu’il est bon de découvrir. Un roman lumineux, une ode à la vie et à l’amour, une belle écriture pleine de belles de personnages attachants qui vont étonner.

Melissa DA COSTA : La faiseuse d’étoile (Ed Albin Michel – 233 pages)
L’atmosphère de la maison est bizarre et devant l’air interrogatif d’Arthur cinq ans, sa mère Clarisse lui révèle qu’elle va partir en mission secrète sur Uranus et qu’il doit garder le secret. Seuls son père, sa tante et sa grand-mère sont au courant et entretiennent par leur silence les propos de Clarisse.
C’est en fait l’histoire d’une mère qui déborde d’imagination pour cacher à son fils une dure réalité la concernant, et elle n’aura de cesse de magnifier son récit tel un conte. En attendant ce départ sur Uranus elle passe beaucoup de temps avec son trésor de fils et constitue ainsi des souvenirs empreints de douceurs, d’odeurs, d’amour… et plus encore.
A sept ans l’enfant doute, s’accroche aux propos de sa mère puis  vit la douloureuse réalité et réagit. Histoire bouleversante d’amour d’une mère qui veut protéger son fils d’une douleur proche.
Roman court mais intense, pudique, plein de douceur et de sensibilité émotionnelle. La couverture découpée et dessinée rappellent les dessins du petit prince de Saint Exupéry.
Mélissa Da Costa nous plonge dans les souvenirs d’un enfant devenu père à son tour avec simplicité mais profondeur et justesse.
Viktor LAZLO : Ce qui est pour toi, la rivière ne l’emporte pas
(Ed-Robert Lafont – 240 pages)
Elle s’appelle Oividia, on entend « oubli » et ce roman sera l’évocation de cette vie oubliée de tous.
D’abord de sa mère, esclave noire dans une propriété martiniquaise où elle voit le jour, au service de l’épouse de celui qui l’a violée. Elle va connaitre le travail des champs de coton, de dur labeur jusqu’au jour où elle sera elle-même violée par son propre père, le maitre absolu, qu’elle assassinera.
Restée auprès de sa mère adoptive elle s’expatrie et va connaître l’exil en France et se confronte à la Révolution française et à l’abolition de l’esclavage.
Une épopée historique passionnante, pleine de feu, d’action, de revirements. Cette vie inventée par l’auteure au vu d’une gravure de jeune femme noire assise derrière un éminent personnage de la Convention nous passionne.
Une histoire dans l’Histoire que l’auteure a magistralement animée et parfaitement décrite.

Toulon – Les belles rencontres de la fête du livre

1980. C’est la date de la première fête du livre de Toulon.
Il s’en est passé du temps et des auteurs et l’on aime chaque année découvrir de nouveaux auteurs, retrouver certains d’entre eux et suivre leur cheminement, avec la curiosité gourmande de voir ce qu’ils nous offrent.
Tantôt journaliste, tantôt auteur, j’ai fait, non pas toutes les guerres comme l’écrit Cabrel mais toutes les fêtes du livre, avec toujours le même plaisir.
Mais cette année, c’est en tant qu’auteur que j’y étais, pour présenter mon dernier livre « Le Var D’antan » paru chez HC éditions. On y reviendra.
Etre auteur, c’est se retrouver à côté d’un autre auteur. Parfois ça se passe bien, parfois moins, selon que l’auteur soit aimable ou pas, aime parler ou pas. On s’y fait des relations… ou pas et je dois dire que cette année, j’ai eu de la chance : mon voisin de gauche n’est pas venu, celle de droite…

Valérie ALAMO, de mots et de chansons
Celle de droite donc, avait déjà une qualité : avoir un accent proche du mien puisque, si elle vit aujourd’hui en Bourgogne, elle est d’Avignon avec l’accent que l’on prend en naissant de ce côté-là, comme le chante Mireille Mathieu. Déjà, ça rapproche mais si en plus elle est journaliste, que ses livres parlent de chanteurs, ça ne pouvait que nous rapprocher, moi qui suis devenu journaliste dans les années 60. Sans compter qu’elle a, comme moi, la volubilité et l’humour, ce qui est pour moi essentiel. Et en plus, le nom d’Alamo résonne en moi, l’amitié que j’avais avec Franck, le chanteur (dont le nom était Jean-François Grandin !) c’est le petit plus qui a fait que j’ai aussitôt accroché sur cette belle journalistes avec qui je me suis trouvé beaucoup de points communs.
Pagny, Garou, Cabrel, Balavoine, Souchon, Berger n’ont plus de secrets pour elle. Elle nous a offert de superbes albums de Cabrel et Berger et nous propose cette fois deux livres, l’un sur Souchon, l’autre sur Pagny.
Alors qu’elle nous avait offert « Pagny, l’homme qui marche » là, elle nous propose « Une vie en chansons » (Ed Hugo Doc) où elle décortique l’œuvre du chanteur et nous révèle les secrets de leur création. Et elle fait de même avec Alain Souchon. Les fans vont donc découvrir ce qui se cache derrière les mots et les chansons qui ont fait leurs succès. C’est un magnifique travail de recherches.

Benjamin CARTERET… En apesanteur !
Si, cette année, vissé à mon stand, je n’ai pu faire d’interviewes, j’ai quand même eu quelques jolis moments de rencontre. Ce qui s’est fait, là encore dans l’humour avec Benjamin Carteret, un adorable jeune garçon au physique de premier de la classe au sourire avenant, diplômé d’Histoire de l’Art.
A l’arrivée à l’hôtel le premier jour, nous prenons ensemble l’ascenseur. Sourires, bonjour. Un moment après, nous nous retrouvons ensemble pour descendre. Re-sourire[b1] . Le lendemain matin, nous descendons au petit déjeuner… dans le même ascenseur, ce qui nous fait rire et du coup, nous déjeunons ensemble et nous présentons « officiellement » !
Et comme par hasard, nous sommes montés et descendus ensemble une dizaine de fois !
Peut-être que, sans cet ascenseur, je n’aurais jamais rencontré ce garçon brillant, fou d’Antiquité et de mythologie, qui a déjà écrit deux très gros livres aux éditions Charleston : « Perséphone » et « Moi, Orphée », deux romans historiques. Dans le premier, nous naviguons  entre dieux et déesses, nous rencontrons Zeus et Korê et nous entrons dans l’intimité de Déméter et Perséphone. Nous croisons aussi Narcisse, Artémis, Ganymède et, comme s’il en avait été le témoin il nous offre, avec une belle plume, un roman original et passionnant. Tout comme le second où l’on découvre ce couple… mythique qu’est Orphée et Eurydice que Cocteau avait si bien filmé. Un mythe ? Une histoire vraie ? Qu’importe, Benjamin nous entraîne dans cette fantastique histoire d’amour. Et comme toutes les histoires d’amour… elle finit mal !
Là encore, énorme travail de recherche pour remonter le et aligner la mythologie et l’histoire qu’il en a créé.

Vincent FERNANDEL… Il a grandi le petit !
Vincent, je l’ai connu « minot » car son père, Franck, fils de l’illustre acteur, était un ami fidèle avec qui on a passé de magnifiques moments dans sa maison des Trois-Lucs, où l’on passait des journées et des nuits à jouer aux boules, boire et manger et l’écouter jouer au piano avec ses potes car il était un remarquable musicien de jazz.
Franck disparu, je n’ai pas vu grandir « le petit » que j’ai retrouvé grâce une attachée de presse amie qui m’a proposé… son premier livre en hommage à son grand-père. Il a autrement rendu hommage à son père et nous offrant ses chansons (Tempesti)
Du coup, nous avons repris contact au téléphone, il m’avait envoyé des photos où je découvrais sa frappante ressemblance avec Franck !
Et voilà qu’il est à la fête du livre pour signer ses livres-disques comme les fables de la Fontaine et celui consacré à Marcel Pagnol… Car bien sûr, il a vécu dans ce triangle Fernandel-Pagnol-Raimu et même s’il vit à Paris, il n’a jamais oublié « son pays » et en a un peu gardé l’accent.
Il nous propose des extraits de « La gloire de mon père », « Le château de ma mère » et « Le temps des secrets ». Lui aussi a gardé son accent marseillais et il en a même la voix de son père.
Le lien est enfin renoué. On s’est vu, on s’est plus. On ne se quitte plus… Promis.

Enfin… Et moi, et moi, et moi…
Ça va peut-être être prétentieux mais… Je vais vous parler de moi… Enfin de mon livre !
Le sixième, et le second  chez HC Editions après « Toulon d’Antan ». Voici donc « Le Var d’Antan ».
Surpris qu’un jour cette maison d’édition me propose d’écrire un livre sur Toulon à travers la carte postale, alors que mes autres livres parlent théâtre, cinéma, musique mais piqué par la curiosité, j’ai accepté. Ce qui, né à Toulon sans la connaître vraiment, m’a permis de découvrir ma ville … Et j’ai aimé ça.
Du coup, HC (Hervé Chopin) revenant à la charge pour parler du « Var d’Antan », j’ai dit oui. Mais ce fut une autre histoire. A Toulon, j’étais sur place, je connaissais beaucoup de monde et ce fut assez facile. S’attaquer au Var était plus ardu, plus long, d’autant qu’hormis les livres déjà sortis (E il y en a !) et les réseaux sociaux, les mairies et les offices de tourisme ne m’ont pas beaucoup aidé. Mais avec beaucoup de volonté et de ténacité, j’ai vu le bout du chemin et je suis heureux du résultat… Avec un peu la trouille du retour de vrais historiens, moi qui ne suis qu’un journaliste qui écrit.
A eux et à vous de me le dire !

Merci
Juste avant de conclure, merci donc, à HC Edition, en espérant qu’ils auront encore besoin de moi pour d’autres aventures et merci à l’équipe de la librairie « Lo Païs » qui m’a si bien reçu durant trois jours à la fête du livre Ce fut un plaisir que de collaborer avec eux. Merci de leur gentillesse.
Jacques Brachet

Barbara BRUN entre dans le monde de Pagnol

Petite, elle avait des ambitions originales. Hormis collectionner les cailloux, elle voulait être sculptrice de… petits beurre ou encore interprète pour oiseaux voyageurs !
C’est dire qu’elle était déjà dans un monde de poésie et du coup, ayant des velléités de dessin, elle s’est lancée dans la peinture, l’aquarelle après avoir fait des études d’art plastique à Nantes.
Elle s’est donc retrouvée à illustrer « les contes de la chouette » d’Éric-Emmanuel Schmitt, « Le fantôme de Canterville » d’Oscar Wilde et de beaucoup d’autres livres. Il y a quelques mois, est sorti « Les loups des quatre saisons » (Flammarion jeunesse) et voici que sort « Le livre de la nature » (Ed Michel Lafond), les poèmes de jeunesse d’un certain Marcel Pagnol. Des poèmes qu’il écrivait déjà enfant et que Flammarion a décidé de lui confier les illustrations, avec l’assentiment de Nicolas, petit-fils de l’écrivain.
Des illustrations magnifiques de poésie, de légèreté et qui s’imbriquent parfaitement aux poèmes naïfs, véritables odes à la nature.

« Barbara, comment êtes-vous venue sur ce projet ?
Je ne l’ai pas fait exprès ! C’est tout à fait par hasard que les éditions Michel Lafond m’en ont parlé et j’ai tout-à-fait aimé cette ligne poétique. D’autant que ça me parlait dans la mesure où je suis de la région, où j’ai de la famille disséminée en Provence. Adulte je suis revenue en Provence, à Valréas et je vis à Grignan. Il y avait plein d’éléments qui faisaient que j’ai très vite aimé ce projet, avec évidemment l’assentiment de Nicolas Pagnol… que je n’ai pas rencontré mais qui m’a donné carte blanche.
Comment avez-vous abordé ce beau projet ?
Je me suis lancé dans la relecture de l’œuvre de Pagnol, entre autres ses souvenirs d’enfance, enfance durant laquelle il a  écrit ses poèmes. Qui sont vrais, touchants, tellement ancrés dans sa Provence. J’ai fait aussi quelques recherches sur son enfance, rassemblé un maximum d’infos sur celle-ci, son état d’esprit d’alors, car tout est lié et je voulais être fidèle à l’auteur. Et je me suis lancée !

Comment avez-vous travaillé entre votre éditeur et Nicolas Pagnol ?
J’avais carte blanche mais, déjà, j’ai essayé de faire un classement des poèmes par rapport aux écrits, aux rythmes, certains se font écho et voulais qu’il y ait une logique dans le déroulement de ces dix-sept poèmes. Un peu comme un calendrier de l’Avent !
Après ça, à chaque fois que j’illustrais un poème, je l’envoyais à l’éditeur, qui le montrait à Nicolas Pagnol. Et qui, à chaque fois, s’est montré enthousiaste. Jamais une fois ne n’ai eu à refaire une illustration.
Vous ne travaillez que sur coups de cœur ?
Oui, très souvent et la plupart du temps grâce à des propositions qui m’arrivent, d’éditeurs ou d’auteurs. J’ai ainsi collaboré avec des auteurs. Mais c’est aléatoire. Il se peut que je n’aie pas de projets qui viennent.
Et alors ?
Alors, on attend ou on fait autre chose. On change de métier. C’est ainsi qu’à une époque j’ai ouvert un salon de tatouages en instaurant un style plus fin et je peux vous dire que le travail à la plume m’a fait évoluer sur mon travail d’illustration. Ca a changé ma façon de travailler, l’esthétique, j’ai appris de nouvelles techniques, ça a été une période très formatrice.
Et vous continuez ?
En ce moment non car depuis quelques années je travaille pas mal et je n’ai plus guère de temps mais je sais que j’y reviendrai car c’est devenu aussi une passion.
En dehors de ce « Pagnol » que faites-vous ou qu’avez-vous fait ?
J’ai sorti au printemps « Les loups des quatre saisons » chez Flammarion et début 2025, sortira un livre chez Rober Laffont. Un livre que nous avons fait avec Céline, une auteure.
J’aime bien travailler en binôme.

Que faites-vous de ces illustrations ?
Je les garde ! Du moins un certain temps car je fais des expositions. Souvent aux salons du livre, je suis invitée dans une classe pour parler de mon travail et je montre ce que j’ai fait.
Je suis aussi demandée dans des expositions comme celle qui aura lieu à la mairie de Valréas et qui débute le 5 décembre.
Peut-on dire que vous avez un style ?
Je ne sais pas car mes illustrations s’adaptent à l’écrit ou à l’auteur. Donc je ne sais pas si l’on peut dire ça. D’ailleurs, plusieurs fois, des gens qui voient mon travail me posent la question de savoir si « tout » est de moi !
Je m’adapte à ce que l’on attend de moi et je ne peux pas garder le même style pour une œuvre d’Éric-Emmanuel Schmitt, des poèmes de Pagnol ou l’univers fantastique d’Oscar Wilde ».

Belle, talentueuse, Barbara entre donc dans le monde de Pagnol.
Normal, non, lorsque l’ami de César s’appelle Monsieur Brun et que la fille de Raimu s’appelait Paulette Brun !
Elle ne dépare pas dans le monde de cet illustre écrivain !

Propos recueillis par Jacques Brachet

Joël CARPIER : Ferrat, mon idole, mon ami…

Tout jeune, Joël Carpier aimait, comme des milliers d’ados, Claude François.
Passé son CAP de serrurier, il trouve un emploi dans ce métier. Nous sommes en mai 68 et bien évidemment, il participera à cette révolution, il découvre le syndicat CGT auquel il adhère. Puis il y a l’armée, et à son retour, il entre dans les ateliers où travaille son père. Cégétiste convaincu, il découvre aussi le journal « L’Humanité » qu’il va vendre le dimanche matin à la criée. Là, il entend chanter « Ma France » par un certain Jean Ferrat dont il connaissait à peine un refrain : « La mer sans arrêt, roulait ses galets… ».
Lors d’une action de son syndicat avec ses camarades, il va entendre la voix, les musiques, les mots de Ferrat qui, plus jamais, ne sortiront de sa tête et de son cœur. Et feront désormais parti de son quotidien, d’autant que nombre de ses chansons résonnent en lui, sont attachées à son propre vécu.
II avoue d’ailleurs que, grâce à lui et muni d’un dictionnaire, il a appris nombre de mots de la langue française !

Entrant à la RATP, en 1986, il rejoint l’équipe organisatrice de leur fête annuelle et prendra contact avec Gérard Meys, producteur de Jean Ferrat. On est en 1987 et Ferrat a déjà quitté, sinon le métier, du moins la scène. Ce n’est qu’en 1995 qu’il rencontre Gérard et son assistante, Valérie Gérard afin de faire venir Isabelle Aubret pour la commémoration des cent ans du syndicat de retraités de la RATP. Lorsqu’on approche les 2 Gérard (Valérie et Meys !), on n’est pas loin de Ferrat à qui il a écrit plusieur fois avec toujours une réponse. Car l’artiste a toujours répondu à ceux qui lui écrivaient, j’en sais quelque chose ! C’est en 2003, sur l’émission « Vivement Dimanche » où il est invité par eux qu’il rencontre enfin l’artiste qui lui recommande de recevoir au mieux Isabelle. « Sa messagère ». Ce sera le début d’une longue amitié jusqu’à la disparition de Jean Ferrat, sept ans plus tard. Entretemps Joël entrera dans l’association du Secours Populaire.

C’est alors que nait dans la tête de François Derquenne l’idée d’une exo-hommage intitulée  « Jean des encres, Jean des sources » à travers treize panneaux racontant, sa vie, son œuvre, chacun illustré d’une chanson, montrant les aspects artistiques et surtout politiques, sociaux, humains. C’est l’ami de Jean Ernest Pignon-Ernest qui créera cette affiche qui a fait le tour de France, accompagnant cette exposition itinérante aujourd’hui installée dans la Maison Ferrat d’Antraigues.
Devenu, à la demande de Jean Ferrat, le responsable de l’exposition, Joël nous raconte, avec son talent de conteur, la genèse de l’expo qu’il a suivie de ville en ville, d’événements en festivals, avec tout ce que cela comporte de soucis, de bonheurs que lui a apporté cette lourde tâche d’être le responsable de celle-ci et en quelque sorte d’être le porte-parole de Ferrat dont il adjoint à chaque étape une conférence. Et c’est ainsi que peu à peu, Joël a fait partie du « Clan Ferrat » : sa femme, Colette, Isabelle Gérard, Valérie, Véronique, Ernest, Francesca Solleville, Edmonde Charles-Roux, le musiciens de Jean Alain Goraguer, l’équipe de l’Humanité, le chanteur Allain Leprest et tous les organisateurs qui, de près ou de loin, ont contribué au succès de cette belle exposition. Sans oublier Jean Saussac, Michel Baissade et Michel Pesenti, amis et maires d’Antraigues.
Afin de ne pas oublier ces années vécues autour de Jean et son expo, Joël Carpier nous offre, de sa Normandie, un livre très émouvant « De vallons en collines avec Jean Ferrat (Ed Geai Bleu)* qui nous raconte son aventure originale et exceptionnelle aux côtés d’un homme et d’un artiste hors du commun qui a laissé une œuvre universelle.

Jacques Brachet
*Livre vendu au profit du Secours Populaire



Il est mort le poète…


Un grand poète, Marcel Migozzi, vient de nous quitter à l’âge de 88 ans. Né à Toulon en 1936 dans une famille corse de 6 enfants, il effectua sa scolarité secondaire au collège Rouvière puis au lycée de garçons de Toulon où il obtint le baccalauréat. Il entra en 1954 en quatrième année d’École normale d’instituteurs à Draguignan (Var). Il se maria en août 1956 à Saint-Raphaël (Var) avec une institutrice, Renée Carle, l’amour de sa vie. Il effectua son service militaire de 1960 à 1962 dans la Marine nationale. On le retrouve avec son épouse, sur un poste double au Cannet des Maures (Var) en 1956 où il enseigna jusqu’en 1964, puis au CEG, futur CES du Luc où il termina sa carrière en 1996.
Il fut un poète engagé, au sens sartrien du terme. Militant au SNI, puis au SNUIPP-FSU, tout en s’investissant dans plusieurs associations laïques. En 1962 il rejoint le Parti Communiste jusqu’en 1970. Il est élu au conseil municipal du Cannet des Maures, puis adjoint au Maire.
Marcel Migozzi est le poète du quotidien, des choses de la vie, de l’amour, avec une simplicité qui donne une émouvante tension aux mots. Son écriture a la concision des haïku, des petites notes parfois, tellement chargées. Chaque mot compte. Le mot juste, pas un de trop. Dans leur simplicité les images ont une force qui touche en plein cœur. Avec aussi cette nostalgie légère, sans regrets, sans pathos. Ce qui n’exclut pas les émotions, les douleurs, mais toujours sans plaintes.
Voici ce qu’il m’avait confié il y a quelques mois après la sortie de son recueil « Écaillures des jours » : Ce sont des notules prélevées dans la matière vivante de mes jours (sorte d’archéologie poétique). Elles ont pris la place de mes poèmes d’autrefois. Il faut dire que je n’écris presque plus, de peur de répéter sans cesse ce que j’ai (peut-être) déjà dit jadis. J’avance maintenant vers le bienheureux Silence…

« Le grand miroir, d’où venait-il / Redoublant les photos des morts »
Il a publié environ 90 recueils de poèmes chez différents éditeurs, a participé à 18 livres d’artiste, quelques poèmes ont été traduits en plusieurs langues. Il est aussi l’auteur de poèmes pour enfants… Sans compter des entretiens, des lectures publiques, des anthologies et des ouvrages collectifs.
Ses débuts de poète se concrétisèrent au sein des revues de poésie « La Cave » et « Chemin » de 65 à 68 avec Michel Flayeux, André Portal et Pierre Tilman; Action Poétique de 65 à 68 ; et Sud de 94 à 98. Il fit partie de l’aventure des éditions et librairie Telo Marius.
Lauréat du prix Jean Malrieu en 1985, du prix Antonin Artaud en 1995, du prix Des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau en 2007.
Pour un denier adieu (extrait de « On aura vécu » – (Telo Martius éd) :
« Ou alors écrire mais c’est pour qui. Tenir / Les mots à portée est-ce humain avec // Toutes ces petites croix à bruits sous quoi / Il n’y a rien à voir. Mais qui effraient jusqu’aux // Chairs. C’est mieux de se tenir serrés ensemble en / Silence jouir quand on peut en revenir // Vivants, la salive muette sur le sexe / De l’autre. Voilà. On aura vécu. C’est dit. »
Nos condoléances à sa femme Renée, à ses fils, et à toute la famille.

Serge Baudot
Une biographie complète, avec de nombreuses participations :
Collection Traversée Marcel Migozzi – Association Alfredo Gangotena

Six-Fours – Maison du Patrimoine
René FREGNI, magnifique conteur

Deux femmes pour un homme : Delphine Quin, adjointe au Patrimoine et Linda Schell, adjointe aux festivités, qui recevaient, dans les jardins de la Maison du Patrimoine, face à la mer, au soleil… et au vent, l’un des plus beaux auteurs de notre région : René Frégni.
Ami de longue date, il m’a déjà parlé de sa jeunesse chaotique entre la Corse et le continent. Et il m’avait déjà parlé de son dernier livre « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard) qu’il signait ce vendredi après une rencontre avec un public, certes peu nombreux mais passionné par son éloquence, son talent de conteur et sa volubilité. Car il est difficile de l’arrêter lorsqu’on démarre un entretien !
Mais c’est à chaque fois un plaisir renouvelé, plaisir égal à la lecture de ses livres.
Ce soir-là, invité par le CLAB donc, il était le premier invité de la saison pour ces rencontres littéraires qui se poursuivront durant l’été et se cloront par Nicolas Sarkozi.
L’animatrice en a profité pour lui souhaiter un bon anniversaire, qu’il a fêté voici quelques jours, le 8 juillet.
René a démarré sa carrière d’auteur… à 40 ans avec « Les chemins noirs » qui a aussitôt obtenu un prix.
La nuit, le noir… lui vont si bien !

« Je lis depuis toujours des romans noirs, des polars, je travaille depuis longtemps dans les prisons où je fus interné six mois pour désertion dans un fort militaire et c’est dans cette prison que j’ai découvert la littérature. J’avais 19 ans. J’ai toujours eu l’école en horreur car j’avais des lunettes, un léger strabisme et l’on s’est toujours moqué de moi. Du coup, je les ai jetées mais… Je n’y voyais plus !
On ne se moquait plus de moi mais on ne peut pas lire et écrire lorsqu’on y voit mal. J’ai ainsi raté toutes mes études, je n’allais plus à l’école à l’insu de ma mère. C’est ce qui a déterminé une enfance chaotique  et j’ai ainsi appris à être un bon menteur. Et pour un écrivain, être un bon menteur est une qualité ! »
Bien entendu, à ce moment-là, il était loin de penser qu’il deviendrait écrivain. Sans lunettes, il lisait mal, écrivait mal. Il fut un enfant turbulent, un peu menteur, un peu voleur, il traînait dans les rues.
« C’est cet enfant qui m’a créé puis les milliers de livres que j’ai lu. Je n’ai jamais lâché la main de cet enfant, avec cette espèce d’esprit rebelle, de révolte que j’avais en moi. J’ai besoin de ça pour écrire, c’est ce qui fait le fond de ma personnalité. Je ressemblais d’ailleurs beaucoup à de petits marseillais, comme ceux avec qui j’ai fait les quatre cents coups à l’époque. Mais c’est dans l’enfance qu’on a les premières émotions de notre vie. C’est l’enfant qui construit l’homme que nous sommes. Ce qu’on a vécu. »
Durant cette rencontre, il nous parle d’une chanteuse qui l’a beaucoup marqué durant son adolescence et dont la disparition l’a beaucoup marqué : Françoise Hardy. Mais pour une raison, disons… spécifique !

« Lorsqu’on était minot et qu’on commençait à aller dans les boîtes de nuit, l’on flirtait énormément, c’était notre passion. Durant les boums on écoutait les chanteurs de l’époque dont Françoise Hardy et je n’ai jamais été si souvent amoureux qu’en écoutant Françoise Hardy. Sur ses chansons, on invitait une fille et si elle acceptait, au bout de trois notes on était amoureux. Et je l’ai été souvent sur ses chansons. On sortait de ces boîtes de nuit ou de ses boums en feu et l’on allait dans les quartiers chauds de Marseille. On regardait ces femmes et un jour… Avec un copain on est monté… C’est grâce à Françoise Hardy et j’avoue que j’ai pleuré lorsque j’ai appris sa disparition ».
Mais ce n’est pas ça qui lui a donné le goût de la lecture et plus tard de l’écriture :
« Ma mère se rendant compte que je souffrais de mal voir, m’a un jour pris sur ses genoux et elle m’a lu une version raccourcie des « Misérables ». Puis « Le comte de Monte-Cristo » J’ai pleuré grâce aux yeux, à la voix de ma mère. Je ne savais pas que c’était ça, les livres, j’avais l’impression que ma mère me racontait une histoire vraie. Cette injustice de Monte-Cristo m’a rappelé des souvenirs de mon père mis en prison pour marché noir, ce qui était faux. Cette injustice a fait de moi un rebelle et ça m’a poursuivi toute ma vie ».
Beaucoup d’anecdotes encore ont été évoquées par René, devant un public subjugué. Des anecdotes qui font l’histoire de sa vie, l’histoire de son livre autobiographique qu’il a dédicacé en continuant son bavardage car il est un conteur magnifique et à chaque fois il me fait penser à José Giovanni, que j’ai aussi connu, rebelle lui aussi, pour des raisons plus graves mais qui, comme lui s’en est sorti grâce à la lecture et à l’écriture.
Un beau moment ensoleillé grâce à l’ami René Frégni.

Jacques Brachet

Delphine Quin, René Frégni, Linda Schell

Notes de lecture

David Lelait-Helo, Line Renaud, Dominique Besnehard, Michèle Torr

Line RENAUD : Merci la vie (Ed Robert Laffont) – Avec l’aide David Lelait-Helo.
Elle approche des cent ans, quatre-vingts ans de carrière et si aujourd’hui je ne peux plus dire « Bon pied, bon œil » comme je le lui disais il y a encore à peine 10 ans, (Entretemps elle a eu un AVC) mon amie Line a toujours une énergie, une pêche, un optimisme incroyables.
Mais bon, l’âge est là, elle le sait, elle sait aussi qu’elle n’est pas éternelle, même si elle le reste et restera dans nos cœurs.
Nous nous connaissons depuis des décennies comme avec David Lelait-Helo qui est un ami commun et qui l’a aidée à écrire ce livre.
Une bio ? Que non pas mais une lettre, une très longue lettre à tous ses fans qui, dit-elle, sera la dernière. Et elle l’écrit sans nostalgie, sans regrets, sa vie a été belle et chaque jour pour elle est un nouveau jour.
« Chaque anniversaire – écrit-elle – n’est pas du temps en moins mais du bonheur en plus ».
Line est une femme pleine d’amour, de tendresse, de fidélité. Chaque début d’année je reçois ses vœux, écrits de sa main,  accompagnée souvent de la photo d’un de ses chiens. Pas de mail mais un mot et ça c’est tout Line.
Bien entendu, dans ce livre, elle évoque des souvenirs, comme dirait Aznavour « Mes amis, mes amours, mes emmerdes » car, comme tout le monde, elle en a eu. Mais elle nous parle aussi du sida dont elle est une militante acharnée, de cette fondation Line Renaud, de cet institut pour la recherche dédiée à la science qui, à sa disparition, disposera de sa maison. Elle nous parle de ses deux filles de cœur, Claude Chirac et Muriel Robin. Elle nous offre une lettre à Barbara, avec qui elle a combattu e sida, lettre bouleversante qu’elle n’a pas eu le temps de lui envoyer car elle a disparu avant que cette lettre ne parte.
La grosse tête ? Elle ne sait pas ce que c’est et si sa carrière est ce qu’elle est, c’est, dit-elle encore grâce au talent mais aussi à la chance, la capacité, la santé, le doute aussi.
Elle a toujours été une femme libre, celle de toutes les libertés et cette lettre est un livre plein d’optimisme cat aujourd’hui, elle se lève tous les matins avec un projet dans la tête, quelque chose qu’elle envie de faire avant de partir.
Elle parle aussi du droit de mourir dans la dignité qu’elle défend de toutes ses forces.
Ce livre est un hymne à la vie, qu’on lui souhaite encore belle et longue.
Jacques Brachet

Nicolas MATHIEU : Le ciel ouvert (Ed Actes Sud – 123 pages)
Après le succès bien mérité de « Leurs enfants après eux »  couronné par le prix Goncourt 2021, et « Connemara », Nicolas  Mathieu offre au lecteur un livre très intime ponctué par les peintures  tellement joyeuses et colorées d’Aline Zolco. Un livre sur l’amour, l’amour intense, celui qui dure, celui qui laisse de profondes traces derrière lui, celui qui a été plein d’heureuses surprises et de douceur.
Mais c’est aussi l’amour des parents, des hommes et des femmes qui ont fortement imprimé la vie et l’esprit de leurs enfants. L’amour  s’exprime si différemment selon les êtres, il lui faut parfois toute une vie pour se déclarer, alors « vivons doucement en attendant le prochain anniversaire ».
Et l’amour, c’est aussi les enfants « Le trot d’un enfant à quatre pattes qui se préparent à vivre quand nous ne serons plus là »
Oui, ce livre rayonne du bonheur de vivre, la vie est un cadeau immense, ne nous précipitons pas, goûtons la, profitons de l’instant, des murmures, de la beauté du ciel qui s’il s’assombrit ne pourra que retrouver sa pureté.
Peter SWANSON : Neuf vies (Ed Gallmeister – 400 pages) Traduit de l’américain par Christophe Cuq
Avis aux amateurs des romans d’Agatha Christie, ce livre est pour vous. Sans copier l’ouvrage de la célèbre romancière « Dix petits nègres » devenu « Ils étaient dix », l’auteur utilise le même type de suspense. Neuf personnes habitant dans divers états de Etats-Unis reçoivent dans une enveloppe anonyme une liste imprimée de neuf noms dans laquelle figure le leur.
Que veut bien dire un tel envoi à des personnes d’âge et de résidence différents et sans lien apparent ? Erreur, hasard, blague ? Certainement pas puisque ces personnes vont être tuées les unes après les autres. Par une progression originale, dans un style agréable, l’auteur nous amène à l’explication que l’on peut subodorer dans les derniers chapitres mais avec un dénouement inattendu en fin de livre.
Un bon roman policier classique qui se lit d’une traite.

Russel BANKS : Le royaume enchanté (Ed Actes Sud – 589 pages)
,L’auteur qui dans ses livres, a si souvent adapté le point de vue des « laissés-pour-compte » en Amérique, s’attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers du récit nostalgique de confessions enregistrées sous forme de bandes magnétiques qu’il reçoit par hasard.
Cet homme c’est Harley Mann. Il a connu la misère avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Ce n’est ni plus ni moins que le fondateur du site d’Orlando, l’actuel « Disneyland ». Il va nous faire  entendre la confession de ce personnage évoquant son parcours au début du XXème siècle.
Son parcours c’est celui d’une famille dont le père vient de mourir, qui rejoint une secte religieuse, les Quakers, puritains, chastes, travailleurs acharnés,  vivant  de façon très frustre. Au crépuscule de sa vie où il connaitra les pires situations, il nous fera vibrer au travers de ses errances et des grands drames qu’il a traversés, en devenant un personnage extraordinaire.
Ce Roman touffu, plein d’Histoire, de grandes histoires réalistes et de sentiments est une belle fin pour ce conteur prolixe.
Michael COHEN : Attraction du désordre (Ed Anne Carrière – 154 pages)
Tout va très vite dans ce roman de Michael Cohen, surtout les séparations !
Un roman qui pourrait être le scenario d’un film : trois personnages, Clara, Simon et Paul. Tous les trois se seront aimés passionnément et quittés brutalement, une porte qui se ferme mais très vite une autre s’ouvrira. C’est le monde d’aujourd’hui, surtout celui de la nuit dans les boîtes où l’alcool accompagne celui qui vient d’être quitté et cherche son rival.
Clara a été abandonnée par Simon, elle refait sa vie avec Paul qui veut savoir pourquoi Clara a quitté Simon, chassé-croisé entre ces trois personnages, des êtres qui se rencontrent mais ne s’expliquent jamais.
Le silence, l’absence d’explication, sont la cause de malentendus qui entraînent les séparations. Quel dommage ! 
L’auteur qui est également acteur et réalisateur n’a plus qu’à trouver les acteurs et son film est déjà sur les écrans. Souhaitons-lui bonne chance !

Michel BUSSI : Mon cœur a déménagé (Ed Presses de la Cité 416 pages)
Ophélie, fillette de sept ans, Folette, a assisté au meurtre de sa mère poursuivie par son père alcoolique et drogué et qui a chu du haut de la passerelle alors qu’elle s’enfuyait du domicile familial.
Drame de la misère et de l’addiction dans une famille suivie par un assistant social qui n’a pas su entourer les protagonistes… Le père est en prison, Folette est placée en foyer mais, refuse de voir son père et va s’acharner à faire surgir la vérité. Sa vérité.
Collégienne rebelle, adulte à la double personnalité, elle mènera enquête sur enquête afin de trouver le vrai coupable et assouvir sa vengeance. Car c’est l’obsession de la vengeance qui animera le cœur de la jeune femme qui va rebondir de fausses pistes en fausses pistes, qui tiendront lecteur en haleine grâce au suspense effarant mais crédible créé par le talent de l’auteur.
Toujours accessible, surprenant, clair dans ses propos, écrit en chapitres courts et enlevés le lecteur est tenu sous le charme et la surprise du  dénouement.
Hemley BOUM : Le rêve du pêcheur (Ed Gallimard – 349 pages )
Le nouveau livre de cette romancière camerounaise vivant à Paris, mène en parallèle la vie d’un pécheur et celle de son petit-fils. Le pécheur c’est Zacharias qui, tous les jours, part sur sa pirogue pécher dans les eaux du golfe de Guinée au Cameroun, les poissons qui nourriront sa femme et ses deux filles et qui assureront leur bien-être.
Mais l’arrivée d’une société forestière et l’industrialisation de la pêche avec les chalutiers vont bouleverser l’équilibre de cet homme simple. Le petit fils, c’est Zach qu,i à 18 ans, décide de quitter Douala où il vit avec sa mère, prostituée et alcoolique, pour vivre à Paris en coupant les ponts avec son pays d’origine. Mais un jour, alors qu’il est devenu psychologue, qu’il est marié et père de deux filles, il aura le besoin impérieux de revenir et de se confronter au passé et à ceux qu’il a laissés.
On est touché par cette saga familiale présentée dans un récit qui décrit en miroir la vie de ces deux personnages, relatée dans une belle écriture.
On s’interroge sur l’exil et sur le besoin vital de racines.

Loretta DENARO-DOMINICI : Sans lui (Ed Michel Lafon – 202 pages)
Loretta, née en 1979, était la compagne de l’ancien rugbyman Christophe Dominici.
Ce livre est un témoignage : « En écrivant ces lignes, j’ai voulu raconter notre amour et rendre son honneur à l’homme droi,t dont l’honnêteté et la bienveillance ont été bafouées ».
Loretta raconte sa rencontre en 2007 et sa vie de famille auprès de Christophe Dominici, homme au tempérament blagueur, spontané, amoureux, fidèle en amitié mais à l’affut de faire du business après sa grande victoire de rugby qui lui a valu une notoriété sans égale.
Elle décrit l’emprise du couple qui a abusé de son mari lors de son projet de racheter le club de rugby de Béziers. Désenchantement, mal-être, voire dépression s’en suivent pour Dominici puis son décès brutal et incompris le 24 novembre 2020 (suicide ou accident ?).
Son épouse s’exprime aussi sur les conséquences de ce départ prématuré et inexpliqué, sur leurs filles Mya et Kiara et sur sa propre difficulté à faire son deuil : « J’attends, brisée, le moment où je retrouverai ma joie qui s’est envolée le jour où… »
Claire DEYA : Un monde à refaire (Ed de l’Observatoire – 414 pages)
Claire Deya signe son premier roman et c’est une réussite, et quand vous réalisez que l’auteure y a glissé de nombreux souvenirs personnels, une vérité historique trop méconnue, j’espère que vous serez incité à lire ce très beau roman.
Les allemands ont truffé de mines le littoral méditerranéen, surtout autour de Saint Tropez et d’Hyères, avant de quitter et libérer définitivement le sud de la France en 1945. Mais qui dit mine, dit danger et déminage. La France va utiliser des prisonniers allemands volontaires qui, ainsic réduiront leur peine. Cette entreprise est un monde d’hommes qui ont vécu la guerre des deux côtés, soit envahisseurs soit envahis.
Claire Deyat fait vivre ces hommes qui ont tous leurs secrets, ils ont appris à se taire et la confiance n’existe plus spontanément. Plusieurs personnages  tissent  des liens très forts entre eux, soit à travers leur expérience dans les réseaux de résistance, soit  des secrets bien gardés, soit des histoires d’amour. Il y a surtout ce travail extrêmement dangereux devant ces monstres d’acier qui doivent être balayés doucement  « avec  des plumes au bout des doigts ».
« Tes yeux, ce sont tes mains et la pulpe de tes doigts » sera la première leçon ! Puis, ne jamais oublier que la mine peut aussi être piégée ! Ce travail d’une patience infinie réunit français et allemands, et au contact  « »des mines, des risques, du sacrifice, de l’abnégation, de la mort, la fraternité se frayait un étroit chemin, l’idée d’un avenir commun aux pays de l’Europe ».
L’auteure s’est inspirée de son histoire familiale, un grand-père médecin prisonnier dans un oflag à Cassel, un grand-oncle cinq fois évadé et repris, de l’histoire de Saskia qui révèlera un soir la vérité sur sa famille décimée dans les camps et son retour dans une France qui ne l’attendait pas vraiment.
Un livre passionnant, émouvant qui serait un excellent scenario de film.

Laure Manel : Cinq cœurs en sursis (Ed Michel Lafon – 475 pages)
Tout d’abord, le tableau d’une famille ordinaire plutôt unie, aimante : Catherine est une mère et une épouse modèle en apparence, jusqu’au moment où la police fait irruption au domicile et la met en garde à vue pour meurtre d’une femme : Beatrice Lancier. Débutent alors, l’attente, les doutes, les questionnements pour ses proches : Josette la mère, Nathalie la sœur, Anais treize ans et Florian six ans, les deux enfants, et enfin, Marc le mari.
Ce sont ces cinq personnages que nous suivons tout au long du roman.
Le livre est composé de chapitres courts concernant chaque membre de la famille, de 2001 à 2023 et notamment le journal d’Anais. L’auteur livre les sentiments engendrés par cette incarcération. Laure Manel montre la souffrance et l’évolution des sentiments au fil de l’affaire et centre son œuvre, plus particulièrement, sur les conséquences de l’incarcération, sur l’entourage plutôt que sur la détenue.
,Ce roman nous amène, sur fond d’enquête au cœur d’un drame familial sur une longue période. Il ne laisse pas indifférent et nous captive au fil des pages. Laure Manel nous fait partager ainsi la vie quotidienne, les répercussions, les réactions, les ressentis des cinq personnages aux cheminements émotionnels et affectifs différents.
L’analyse des liens entretenus avec la détenue et des étapes psychologiques après le choc de la révélation, est décrite avec précision, délicatesse et finesse et nous suscite des réflexions : Comment réagirions nous si quelqu’un de proche était accusé d’un fait aussi grave ? Quelles seraient nos réactions ? Connaissons nous vraiment l’autre ? Quels liens tissés après un tel drame ? Peut-on surmonter l’impardonnable.
Le pardon est- il possible ?
SYLVAIN PATTIEU : Une vie qui se cabre (Ed Flammarion – 344 pages)
Ce roman relate des évènements fictifs à partir d’un fait historique : en avril 1946 la loi Lamine Gueye, défendue par ce député socialiste de Dakar, attribuait la citoyenneté française à tous les ressortissants de l’empire. L’auteur laisse ainsi planer une autre alternative à notre véritable histoire. Il imagine qu’elle a été véritablement appliquée et nous conte à partir du destin d’une jeune femme, Marie des Anges, une époque de bouleversement et de troubles.
Maryse Condé, professeur, encourage Marie des Ange à quitter Dakar avec son bébé, et à rejoindre la « petite France »  pour faire des études à l’école normale d’Aix-en-Provence. Elle fait très vite connaissance d’une bande de jeunes d’origine diverse, qui comme elle, sont engagés en faveur de l’Union française dans un contexte d’enjeux coloniaux, de courants de pensée qui s’affrontent.
L’auteur prend appui sur des personnages et des évènements réels qu’il transforme et nous fait vivre un climat social et politique imaginé avec, dans le même temps, la vie quotidienne et amoureuse d’une jeune noire, Marie des  Anges, laquelle oscille entre une relation avec Kathy, une américaine et Ange, bandit corse, aux opinions contraires aux siennes.
Ce roman est intéressant car il interpelle notre passé.
L’écriture est concise et riche et prouve les qualités d’écrivain de Sylvain Pattieu et les faits historiques documentés nous rappellent que l’auteur est aussi historien.

Notes de lectures

VARDA par Agnès (Ed de la Martinière – 2 tomes)
C’est un énorme pavé en deux tomes, qui regroupe tous les écrits d’Agnès Varda, décédée en 2019, personnalité hors norme du cinéma, à la fois écrivaine, scénariste, réalisatrice, monteuse, photographe… Cette femme à la coiffure de playmobil avait tous les talents et son œuvre posthume nous raconte sa vie, sa carrière, d’une richesse incroyable. Une vie qu’elle a partagé avec le réalisateur Jacques Demy car, s’ils ont des carrières diamétralement opposées, le couple a été fusionnel jusqu’au bout et elle l’admirait tant !
Plus de mille archives et documents issus pour la plupart de sa société de production Ciné-Tamaris qui regroupe sa vie, son œuvre, de son premier film qui date de 1954 « La pointe courte » avec Philippe Noiret et Sylvia Monfort à « Varda par Agnès » son dernier documentaire en 2019.
De films de fictions en documentaires en passant par des expos photo, sa vie et sa carrière sont d’une richesse incroyable.
On se souvient de « Cléo de cinq à sept », « Le bonheur », « Les créatures », « L’une chante, l’autre pas », « Sans toit ni loi » ou encore de ses documentaires « Daguerréotypes », « Jacquot de Nantes » hommage à son mari, « Jane B par Agnès V » portrait de Jane Birkin… Difficile de tout citer, ce qu’elle fait par contre dans ces albums-testaments où elle conte et raconte, dissèque, critique, une œuvre qui marque son talent, son style, son époque
Elle nous offre également un abécédaire qui va d’Agnès à Demy évidemment, de Deneuve à Bertolucci, de Calder à Fellini,  sans oublier Gérard Philippe dont elle a fait cet admirable portrait du « Prince de Hambourg » qui fut un temps l’affiche du festival de Ramatuelle.
Le livre démarre sur des synonymes d’introduction, passant de préambule à prologue en passant par bande-annonce, avant-propos, préface, poème, avertissement et même… prolégomène !
C’est une lecture passionnante, qu’on ne peut lire en une soirée tant la source d’informations est énorme… et pesante !!!
Mais c’est tout un pan de l’histoire du cinéma Français qu’elle nous raconte avec talent, humour et émotion.

Albert DUCLAZ : Les toiles de la discorde (Ed de Borée -260 pages)
L’histoire se situe dans la campagne en Haute Loire au cours de l’année 1954.
François, jeune lycéen de 19 ans, aux résultats scolaires très moyens est par contre doué pour le dessin. Son professeur parvient à convaincre les parents qui l’inscrivent à l’école d’art du Puy en Velay.  Peu après François facilite l’admission dans la même école d’Emelyne sa voisine et amie d’enfance qui partage la même passion.
Le jeune homme tombe fou amoureux d’Emelyne 17 ans.
Tout se passe bien jusqu’au moment où François prend la décision audacieuse pour l’époque, de peindre nue, sa belle avec son accord. A la découverte du tableau, les parents en colère le détruisent et leur demandent de ne plus poursuivre cet enseignement.
Les deux jeunes gens se réfugient auprès de leur professeur et de son épouse Clara, pour peindre dans le secret.
François, en présence d’Emelyne et de son professeur, peint Clara, nue à sa demande et en accord avec tout l’ensemble du groupe.
Amour, jalousie,…et art se mêlent …..dans ce roman.
Roman divertissant à l’écriture simple et fluide. Les situations ne sont pas toujours crédibles. François réussit tout ce qu’il entreprend.
L’auteur s’attache à nous montrer de très beaux paysages et mêle dans ce roman la description des premiers émois d’un jeune couple en 1954 à travers l’art .
Laurent MALOT : Monsieur Antoine ( XO Editions – 269 pages)
Monsieur Antoine, qui a 70 ans, achète une maison où il veut passer sa retraite. Il vend son imprimerie à Orsay, près de Paris et s’installe à St Ambroise, petit village dans le Jura.
Il y a beaucoup de personnes âgées dans cette campagne, qui veulent toutes s’en aller car il n’y a plus rien ; reste seulement  la brasserie de Suzy qui apporte encore un peu de vie.
Antoine va rencontrer des gens de son âge, aider les uns et les autres qui, d’ailleurs le lui rendent bien ! On se rend compte que monsieur Antoine a aussi des soucis, il cache des douleurs que le lecteur va deviner peu à peu. Dans ce petit bourg,  Il n’y a qu’une personne qui soit jeune, une jeune fille, incomprise de ses parents et que monsieur Antoine va aider énergiquement.
C’est une très jolie histoire qui nous parle  de regrets, d’amitiés, d’espérance et du temps qui passe très vite. Il n’est jamais trop tard pour l’amour et l’amitié.
Le style est simple, direct, Un très bon et agréable moment de lecture.

Elisa SHUA DUSAPIN : Le vieil incendie (Ed Zoé – 140 pages)
Née en 1992 en Dordogne d’un père français et d’une mère sur coréenne, l’auteure dédie ce troisième roman à ses sœurs. Très certainement parce qu’elle y imagine les relations de deux sœurs Agathe et Véra. Un soir de novembre, sous une pluie battante, Agathe arrive des États-
Unis où elle travaille comme scénariste et se rend prés de Norton dans le Périgord vert. C’est là que se trouve la maison de son enfance, toujours occupée par sa jeune sœur Véra, qui y réside seule depuis que leur père est décédé cinq ans plus tôt.
Elles ont quelques jours pour vider la maison avant qu’elle ne soit rasée et que les pierres restantes servent à reconstruire le pigeonnier du château voisin détruit par un incendie.
Les deux sœurs ne se sont pas vues depuis quinze ans car quoique Agathe ait promis à Véra, qui est aphasique depuis qu’elle a six ans, de toujours veiller sur elle, elle est partie aux États-Unis pour fuir cette charge qu’elle ne supportait plus alors que leur mère avait quitté le domicile conjugal et que le père élevait seul ses deux filles.
L’auteure relate avec une écriture fine et fluide les étranges relations entre ces deux jeunes femmes et le difficile chemin que chacune suit pour vivre avec les blessures de leur enfance et de leur séparation.
Un court roman plein de délicatesse.
Stefano MASSINI : Manhattan Project ( Ed du Globe – 348 pages) traduit de l’italien par Nathalie Bauer
« Manhattan project », un titre qui implique aussitôt dans l’imaginaire du lecteur la première bombe atomique et le lecteur aura raison, c’est bien le sujet traité par ce génial écrivain Stefano Massini, mais de quelle manière !
Il commence par présenter le quatuor de savants hongrois ayant fui leur pays dès l’arrivée du nazisme. Ils ont trouvé refuge aux États-Unis et vont en effet avec Oppenheimer trouver et réaliser ce fameux Manhattan Project, la bombe atomique.
Et pour cela, il aura fallu la participation de Leo Szilard, l’homme qui n’a jamais ouvert sa valise, qui ôte ses lunettes, en nettoie les verres, sa façon de gagner du temps depuis toujours. Jeno Wigner, autre physicien, qui possédait le don du calme intérieur appris au sanatorium à onze ans. Paul Erdos, vraiment insupportable et le molosse Ed Teller, juif en fuite, hongrois également, spécialiste « du dedans du dedans de dedans », jusqu’à l’arrivée d’Oppenheimer qui résoudra le grand problème des effets de la réaction nucléaire.
Formidable, joyeuse, gargantuesque fresque de ces savants hongrois ayant fui leur pays et permis aux États-Unis d’offrir la bonne formule de ce Manhattan Project à la barbe des allemands.
Sur un mode joyeux, musical, dansant, rythmé, l’auteur offre une lecture très réjouissante en vers libres sur un sujet tellement grave.


Franck MEDIONI : Michel Petrucciani, le pianiste pressé (Ed l’Archipel – 407 pages)
Le pianiste de jazz Michel Petrucciani fut une étoile brillante et malheureusement filante.
Né à Orange en 1962 et décédé à New York en 1999, il savait ses jours comptés car il était atteint de la maladie des os de verre qui empêcha sa croissance. Il mesurait 99 cm et il arrivait qu’il se casse un doigt en jouant.
Voici une biographie hagiographique, assez bavarde, mais qui ne cache pas le côté sombre du personnage. Tout est passé en revue, les débuts à la batterie, puis les huit ans d’études du piano, la formation très dure mais efficace par le père, guitariste, des trois frères, Michel, pianiste, Louis (contrebasse) et Stéphane (guitare). Sans oublier le rôle consolateur et apaisant d’Anne, la mère.
La venue dans le Var, l’école de musique d’Yvan Belmondo à Solliès-Pont, la rencontre à Big Sur avec Charles Lloyd, le succès, l’installation aux USA, les grands concerts, les enregistrements, etc. Toute la carrière musicale défile, sans oublier la vie privée, ses épouses, ses deux garçons.
L’auteur se perd quand même dans trop de détails, à chaque musicien ou personnage cité on a droit à une notice, si bien qu’on perd de vue le pianiste. Mais enfin l’essentiel, et même plus, de la vie de musicien de Michel Petrucciani, se trouve dans les 407 pages de cette biographie.
Vincent DELECROIX : Naufrage (Ed Gallimard – 136 pages)
Une femme raconte, ou plutôt se remémore le déroulement des faits.
Que s’est-il vraiment passé lors de sa nuit de garde, durant le sauvetage en mer de cette embarcation contenant vingt-sept personnes dont une petite fille ? La mer est cruelle pour les migrants qui affrontent la traversée d’une mer qu’ils ne connaissent pas, à bord de ce qu’un passeur a pu leur fournir, et ce soir-là, le vent ne cesse de pousser cette embarcation des eaux françaises aux eaux anglaises et les secours doivent venir du pays responsable.
Ce soir fatidique, les secours tardent et le « please » du migrant à la dérive résonne dans la tête de cette femme. Interrogée par la gendarmerie maritime de Cherbourg, elle répondra aux questions et pendant toutes ces interrogations de plus en plus agressives elle se rebellera contre ces migrants qui arrivent en masse. Pourquoi ne restent-ils pas dans leur pays ? Pourquoi les millions distribués ne leur suffisent-ils pas ? Que viennent-ils faire ici quand le travail manque aussi dans notre pays ?
C’est un long et poignant témoignage d’une femme embarquée malgré elle dans ce complexe traitement des migrants. Oui, elle aurait pu, dû sauver ces gens mais c’était aux anglais de le faire n’est-ce pas ?
Un court roman qui plonge le lecteur dans la réalité et l’impossibilité de répondre honnêtement aux problèmes qu’occasionnent ces milliers de migrants, des hommes, des femmes, des enfants parfois même des nouveau-nés qui ont quitté leurs terres, personne ne les a invités mais ils sont là.
Toutes les questions sont posées dans ce court roman extrêmement poignant de Vincent Delecroix, un roman à faire lire ceux qui refusent de voir une réalité qui dérange.
Comment parler de responsabilité quand le problème vous dépasse ?
C’est le cas de cette opératrice désespérée mais aussi très en colère.
Un très beau  livre.