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Chasse gardée : Les ruraux contre les parisiens


Simon (Hakim Jemili) et Adélaïde (Camille Lou) vivent une vie trépidante et bruyante à Paris. Métro, boulot, embouteillages, bruits en tous genres sans compter les cris incessants de leurs deux enfants survoltés qui vivent dans un étroit appartement.
Ils ne rêvent que nature, grands espaces et silence.
Et voilà qu’ils dégottent une annonce inespérée : immense maison, grand champ, forêt… pour une bouchée de pain… Trop beau pour être vrai !
Et justement si, au départ tout semble un conte de fée, tout va changer à l’ouverture de la chasse où tout le village mené par deux gentils cinglés (Didier Bourdon et Jean-François Cayrey) vont envahir leurs bois, tirer dans tous les sens, sur leur maison entre autres, sonner de la trompette dès l’aube… Bref, pire qu’à Paris.
Abusés par la directrice de l’agence (Chantal Ladesou) qui leur a fait visiter la maison au printemps, ils se rendent comptent qu’ils ont été dupés. Sans compter que l’ancien propriétaire a été retrouvé mort dans leur puits…°
La guerre étant déclarée, tous les coups sont permis de part et d’autre dans un bruit effrayant,des pétarades, des engueulades, des cris et des courses effrénées.

Le film est signé Antonin Fourlon & Frédéric Forestier. C’est une immense et très bruyante guerre de territoire, dans une ambiance complètement iconoclaste… Situation impossible entre les gentils ruraux un peu limites et les gentils parisiens qui viennent en pays conquis.  Un film drôle, dingue, avec une équipe chorale de comédiens, d’un côté les naïfs parisiens, de l’autre les ruraux pas méchants mais obnubilés par la chasse aux sangliers. En prime un Thierry Lhermite (père d’Adélaïde), qui, en avocat coincé vient essayer de calmer les esprits et se retrouve bourré comme un cochon. Une scène d’anthologie !
On rit beaucoup… Et on continue à rire en rencontrant les deux réalisateurs qui ont commis cette grande farce qui pourtant n’est pas si loin de la vérité. « Promis – nous dit Antonin – on n’a rien amplifié, rien exagéré. La vie à Paris est aujourd’hui invivable, hostile, il y a de plus en plus de surpopulation, l’enfer de la vie parisienne existe vraiment.
J’ai écrit le scénario durant le confinement, dans 60 mètres carrés avec deux jeunes enfants, deux fauves en cage. Du coup, on rêvait d’un jardin, d’un coin de campagne, comme beaucoup de gens l’ont fait.

C’est donc du vécu ?
Oui – dit Fréderic – nous sommes deux parisiens et, malgré notre différence d’âge (Je suis un peu plus vieux !) nous avons vécu les mêmes choses avec des enfants vivant dans un lieu étroit. Avec l’envie de prendre l’air ailleurs.
Avec le Covid, beaucoup de gens sont partis à la campagne en pensant pouvoir tout maîtriser mais beaucoup vont se rendre vite compte qu’ils ne maîtrisent rien du tout, ni la flore, ni la faune… ni la population.
Il faut beaucoup d’espoir et de naïveté car en fait ce sont deux cultures et il faut pouvoir s’adapter.
Lorsqu’on parle d’un film de chasse, on pense tout de suite à Didier Bourdon et son sketch de la galinette cendrée ?
C’est vrai que ça nous vient tout de suite à l’esprit, c’était une référence… mais pas une évidence pour lui ! Pour lui c’était de la caricature et le sketch date de trente ans ! Il n’avait pas forcément envie de refaire ça. Mais lorsqu’il a lu le scénario, il a vu que l’esprit était différent, que même la chasse était différente même si les clichés sont toujours là comme l’âge des chasseurs, le plaisir de se retrouver, de boire, de chanter. A la campagne, si vous quittez la chasse, vous quittez la sociabilité.
Comment arrive-t-on à mettre en scène une meute de sangliers ?
Un sanglier, c’est très docile et très intelligent… surtout lorsqu’on les trouve dans une réserve ! Nous avons reconstruit le jardin de la maison à l’identique où, durant un mois, on les a habitués à être nourris tous les matins à la même heure. Un jour, on les a filmés en caméra cachée, dans le vrai jardin, avec beaucoup de nourriture !

La scène du banquet a-t-elle été difficile à tourner ?
Techniquement… il a suffi de remplir les verres !!! Nous avons tourné la scène en sept chapitres. Il faut savoir que tous les figurants étaient de vrais chasseurs. Au fur et à mesure du tournage, ça s’échauffait. Alors qu’on leur donnait à boire du jus de groseille, certains y ont ajouté de l’alcool… Ils apportaient leurs munitions !
La scène de Thierry Lhermitte, avocat parisien psychorigide se transformant en poivrot va devenir culte !
Au départ il veut le prendre de haut et vient pour les laminer. L’alcool aidant il se laisse aller à l’euphorie, aux chansons, à l’alcool et devient ami avec l’ennemi, sous les yeux atterrés de sa fille et de son gendre… Thierry s’est beaucoup amusé à tourner cette scène.
Comment s’est fait le choix des comédiens ?
Au départ tout commence avec Didier Bourdon. Puis on a pensé à Thierry Lhermite et le fameux « Dîner de cons », avec son côté snob qui va plonger dans l’alcool. Hakim, Fred avait déjà travaillé avec lui et je le suivais sur les réseaux sociaux. Camille a été une proposition du directeur de casting. On l’avait surtout vue dans des rôles dramatiques. J’adore sa voix (elle est aussi chanteuse), sa spontanéité, sa fraîcheur. Et en plus, elle est belle !
Antonin est chasseur mais pas vous Frédéric…
(Il rit). Je suis le parisien type et tout à fait néophyte. Mais je n’ai pas d’à priori sur la chasse, pas de clichés et j’avoue avoir appris beaucoup de choses. Ça ne m’a pas fait devenir chasseur pour autant. Mais j’ai découvert la complexité et le paradoxe de la chasse, ses tenants et ses aboutissants. Ça m’a éclairé sur la chose !

Avez-vous eu des problèmes avec les vrais chasseurs ?
Il faut avouer qu’on ne leur a pas fait lire le scénario… On le leur donnait au jour le jour ! Ils ont quelquefois été dubitatifs mais se sont vite rendu compte que c’était une comédie bon enfant et que tout le monde en prenait pour son compte. Et surtout que c’était sans méchanceté.
Connaissaient-ils toutes ces chansons paillardes ?
Mais oui, bien sûr. Evidemment, il ne fallait pas que ça aille trop loin car c’est tout de même une comédie familiale. Il y a, c’est vrai, pas mal de gros mots dans cette scène mais aujourd’hui ça ne choque même plus les enfants.
Le disque sortira-t-il ???
Oui bien sûr, chanté par Thierry Lhermite et Chantal Ladesou !!!
Comment avez-vous eu l’idée de travailler-t-on à deux sur le scénario ?
Antonin :
Au départ, c’est moi qui écris et au fur et à mesure je passe les scènes à Fred qui donne son avis. J’ai déjà écrit des scénarios pour lui. C’est donc venu tout naturellement, d’autant qu’il y avait des scènes un peu compliquées pour moi dont c’est le premier film. On se connait bien et on a l’habitude de travailler ensemble. Les décisions sont plus rapides en travaillant à deux, nous avons gagné beaucoup de temps.
Frédéric : J’avais envie de guider ce petit jeunot dans le métier !
Antonin :   Et moi d’accompagner la retraite du vieillard !
Ça vous a donné envie de récidiver ?
Antonin : Pourquoi pas, si le film marche. J’ai déjà deux scénarios sous le bras et si Fred est OK, on continue ! »

A suivre donc
Jacques Brachet
Photos Alain Lafont

Vahina GIOCANTE… Sept ans de réflexion


« Femmes »… 22ème !
Eh oui, le festival varois a aujourd’hui 22 ans et, après loucha Dassa qui l’a créé, c’est, depuis quelques années, Luc Patentreger qui l’a repris de main de maître, mettant toujours dans les projecteurs, la femme dans tous ses états.
Du Six N’Etoiles au Liberté en passant par le Casino Joa, le Royal, le centre Tisot, le centre Nelson Mandella ou encore le Chapiteau Circoscène, la femme est sur les écrans varois, venue de tous les pays, avec de belles ambassadrices telles que Virginie Peyre, présidente de l’association « Les amis de Romy » qui œuvre contre les violences faites aux enfants, Béatrice Metayer Chargée de mission politique de santé publique à Six-Fours et partie prenante de ce festival et celui-ci  a été inauguré au Six N’Etoiles par la lumineuse comédienne Vahina Giocante.
De racines corse et andalouse, ayant vécu à Aix-en-Provence, cette belle femme blonde au regard bleu horizon est on ne peut plus méditerranéenne. Après une carrière débutée à 13 ans, cet ex danseuse a tourné avec les plus grands réalisateurs : Benoit Jacquot, Claude Chabrol, Gabriel Aghion, François Ozon, Philippe Lellouche… et bien d’autres.
Partenaire de Depardieu, Bruel, Emmanuelle Béart, Sandrine Bonnaire et aussi bien d’autres, elle a un jour décidé de tout arrêter pour aller se reposer, faire un retour sur elle-même et pour cela, elle a choisi Los Angeles où elle est restée sept ans. Sept ans de réflexion dit en riant l’invitée du festival

Soirée d’inauguration…
… Avec Luc Patentreger

Aujourd’hui elle s’en revient pleine d’usage et raison, pleine de projets, pleine d’énergie… Et toujours aussi belle !« Vahina, vous voilà redevenue méditerranéenne. Est-ce que cela vous a manqué ?
Evidemment car mon cœur est attaché à la région. Ici, je me sens chez moi. Je me sens d’ailleurs chez moi sur tout le pourtour de la Méditerranée !
Aujourd’hui j’habite à Paris, après être passée sept ans aux Etats-Unis dont je suis revenue en mai dernier mais il se trouve que mon compagnon est de Nice et l’on se débrouille toujours pour venir y passer du temps.
Votre premier amour n’a pas été le cinéma mais la danse…
C’est vrai, ça a commencé par la danse à l’Opéra de Marseille, avec les ballets Roland Petit. La danse a été mon premier amour, je me rêvais en danseuse étoile, puis mon chemin a bifurqué.
Pour l’avoir rencontré, Roland Petit n’était pas un gentil !
(Elle rit) Oui, bien sûr, mais la danse est un métier de rigueur. Il faut accepter d’être formatée pour ça, mais en même temps, c’est très constructif. C’est important d’avoir ce cadre très jeune. C’est beaucoup de travail et je suis partisane de la discipline. Sans cela on n’arrive pas à grand-chose. En tout cas, cette discipline m’a beaucoup aidée pour la suite. Elle m’a donné une structure.
La danse ne vous a pas manqué ?
Oui, beaucoup car ça m’a appris à avoir un rapport au corps. Il y a mille façons de marcher, de se mouvoir, de bouger, de se tenir. J’ai continué les pratiques de la danse, avec plus de souplesse, moins de rigidité.

« 99 francs » avec Jean Dujardin
« Secret défense »
« Bellamy » avec Gérard Depardieu

Alors, pourquoi avoir arrêté ?
Parce qu’à 13 ans, on m’a proposé un premier rôle dans un film. J’en ai parlé à la directrice qui m’a dit de faire un choix : faire la belle devant une caméra ou être présente 22 heures par semaine pour m’entraîner ! Faire un choix si jeune a été un peu compliqué mais comme j’avais l’esprit rebelle, j’ai choisi le cinéma, la liberté, sans savoir où ça allait me mener. Mais c’est pareil en danse, devenir étoile n’est pas une promesse. Je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix.
Alors, ce premier film ?
« Marie, baie des anges » de Manuel Pradal. Ce qui est drôle c’est que nous avons tourné dans les parages et il y a une scène où l’on voit en fond les deux frères… comme aujourd’hui ! Retour au bercail !
Après ce premier film ?
Tout a continué, je me suis retrouvée face à Emmanuelle Béart et Sandrine Bonnaire dans « Voleur de vie » d’Yves Angelo, ont suivi « Le libertin » de Gabriel Aghion, « Pas de scandale » de Benoît Jacquot, tout a continué avec « Un lever de rideau » de  François Ozon, « Bellamy » de Claude Chabrol… J’ai vraiment eu de la chance, sans jamais devoir frapper aux portes, même s’il y a quand même eu beaucoup de travail. Et tout s’est enchaîné jusqu’à mes 35 ans. Là j’en ai eu marre d’être toujours exposée sur les plateaux, dans les médias. J’ai voulu prendre du recul, savoir qui j’étais vraiment en dehors du cinéma.
Et alors ?
Je suis partie à Los Angeles pour me faire oublier, pour me retrouver… Plutôt pour me trouver,  me découvrir. A Los Angeles il y a quelque chose de très léger, les gens sont accueillants et n’ont pas de jugement de valeur sur vous. C’était une page blanche pour moi, même si la page blanche pouvait être dangereuse. Mais ça m’a fait du bien.

Sept ans, c’est long !
(Elle rit) Sept ans de réflexion ! Ce qui m’a fait revenir en France et tourner de nouveau avec plaisir et gratitude.
Avez-vous tourné là-bas ?
Oui, dans des films indépendants, dans une autre langue, dans d’autres structures, d’autres façons de faire. Mais mon cœur est ici !
Vous n’aviez pas peur d’être oubliée ?
Non, car je n’ai jamais été rongée par l’ambition. La célébrité ne m’a jamais vraiment excitée. J’ai toujours eu envie de jouer, de m’amuser. Et si l’on m’a oubliée, ce n’est pas grave. C’est même bien car aujourd’hui je ne suis plus la même, je suis plus solide, je me connais mieux. Je suis sereine et cette parenthèse, ça a été quelque chose d’extrêmement salvateur. Je prends les choses avec recul et j’ai des projets à moi !
Parlons-en
Je n’ai pas encore envie d’en parler car c’est en phase de développement. Je vous en parlerai en temps utile ! Ce que je peux vous dire c’est que ce n’est pas seulement en tant que comédienne mais aussi scénariste, réalisatrice et possiblement productrice.
J’ai plein d’envies, il y a mille manières de raconter des histoires. Jusqu’ici j’ai toujours raconté les histoires des autres, il est temps que je raconte mes propres histoires.


Bientôt sur les écrans : « Valensole 65 »

Depuis votre retour, une série est sortie ?
Oui, « La jeune fille et la nuit » de Bill Eagles qui a d’ailleurs été tournée dans la région, et qui a eu une belle audience. Et puis, j’ai tourné dans un film « Valensole 65 », de Dominique Filhol, avec Mathias Van Khach. C’est tiré d’une histoire vraie où un couple d’agriculteurs a vu ou cru voir un engin au milieu de leurs lavandes, à Valensole le 1er juillet 65. On en a beaucoup parlé à l’époque.
Parlons un peu de ce festival « Femmes » qui vous a amenée chez nous en tant qu’invitée.
J’y ai été invitée par Virginie Peyre, qui est ambassadrice du festival. J’ai trouvé le concept extraordinaire car il y a de plus en plus de réalisatrices et qu’elles ont une façon différente de travailler. C’est pour moi un festival précurseur car on y voit les choses, les problèmes, la façon de faire de façon différente. Evidemment, au niveau des femmes, il y a encore beaucoup de travail mais on y arrive plus facilement par le dialogue. Ce genre d’événement nous offre la possibilité d’échanger et pas nécessairement en étant en colère, même si quelquefois il y a de quoi l’être. On a la chance que le cinéma soit pour les femmes un vecteur important.
Au bout de sept ans d’absence, comment trouvez-vous le cinéma français ?
Je le trouve encore vivant, diversifié, je pense qu’il a bien résisté à la pandémie. Il reste toutefois encore un peu frileux mais il n’est pas formaté. Il se tourne encore de belles œuvres. Je pense qu’en France nous sommes des chanceux et c’est de vivre aux Etats-Unis que ça m’a permis de m’en rendre compte !
Aujourd’hui je reprends le chemin de ce cinéma pour pouvoir explorer toutes mes envies avec plein d’autres bagages. »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Leïla Messaï, Virginie Peyre, Vahina Giocante, Luc et Martine Patentreger, Hicham Mrabit


Serge REGGIANI aurait 100 ans

Avec ses enfants

Si je vous parle aujourd’hui de Serge Reggiani, c’est qu’il aurait eu cent ans cette année et que ma carrière de journaliste a commencé (très mal !) avec lui
je viens tout juste d’entrer à Var-Matin, au milieu des années 60, alors que les «yéyés» sont en pleine explosion et que ma seule envie est de les rencontrer.
Et voilà que ma rédactrice en chef me demande, pour ma première grande interview, d’aller rencontrer… serge Reggiani qui passe à l’opéra de Toulon avec Jacques Martin et de faire un papier sur les deux artistes.
Martin, passe encore mais Reggiani, ce «vieux» comédien (qui n’a alors pas encore 50 ans !) je connais son nom, quelques titres de ses films mais le chanteur me parle peu
Contre mauvaise fortune bon cœur, de toutes manières je n’ai pas le choix. Je prends donc rendez-vous avec lui, bosse sa bio et me pointe à l’opéra où le monsieur m’attend et m’accueille chaleureusement, ce qui me rassure un peu.

A l’Opéra de Toulon
Encore à Toulon, quelques temps après

Il m’invite à m’asseoir, je sors mon petit magnéto de poche dont je me sers pour la première fois et je pose ma première question à laquelle il commence à répondre. Mais très vite, il s’arrête de parler et me dit : «Votre magnéto ne tourne pas».
Panique. Quand on m’appelle «jako la bricole» c’est par ironie car je ne sais pas planter un clou ! Alors la mécanique, n’imaginez même pas !
Après plusieurs essais infructueux, de plus en plus paniqué, Reggiani voyant ça, me dit : «attendez, je m’y connais un peu donnez-moi l’appareil». Et la sentence tombe très vite : «Vous n’avez pas mis de pile !».
Je rougis de confusion mais notre Reggiani, toujours d’une gentillesse extrême (il a très vite compris qu’il a affaire à un néophyte, dans tout le sens du terme !) me dit alors : «Ce n’est pas grave, c’est pour un journal, prenez des notes…»
Et re-panique car je n’ai ni papier ni stylo. Je sens le fiasco et surtout j’appréhende la colère de l’artiste… qui me propose alors son stylo et son bloc-notes !
De plus en plus confus, je reprends en tremblant l’interview mais j’écris vite, mes questions le rassurent car il voit que j’ai bossé, que je sais ce qu’il a fait et qu’en fait mes questions sont pertinentes.
Comme il doit se préparer pour aller chanter, que Jacques Martin a presque terminé et que je lui dis que je dois à son tour l’interviewer, il me dit en souriant : «Gardez mon stylo et mon bloc, vous les déposerez dans la loge en partant»

A Aix-en-Provence durant son exposition
Après le spectacle

Je pousse un grand ouf de soulagement, m’excuse et le remercie chaleureusement. Il me dit en riant : «Il y a un début à tout et vous saurez ce qu’il faut faire la prochaine fois. Bon courage».
On ne pouvait pas être plus gentil.
Mais là ne s’arrête pas l’histoire.
Je vais donc à la rencontre de Jacques Martin et là, tout se passe bien, je suis équipé. Même si le monsieur n’est pas aussi simple et gentil que le premier. Mais bon, j’ai mon interview et je peux passer dans la fosse d’orchestre pour aller faire quelques photos de Serge Reggiani.
J’ai un appareil photo… qui marche… et qui flashe malheureusement.
Au premier flash, l’artiste s’arrête de chanter, pointe son doigt vers moi (heureusement, je suis dans le noir !) et s’écrie : «J’ai dit pas de flash… Sortez !».
Je ne demande pas mon reste… Courage, fuyons !
Revenu dans les loges, je me dis que je vais attendre la fin du tour de chant pour m’excuser, arguant que je n’étais pas dans la fosse quand il a demandé de ne pas flasher. Aujourd’hui, on n’a plus de flash mais à l’époque…
Je rencontre le directeur de l’opéra, qui est un ami de mon père, à qui je raconte mon histoire. Il rit de bon cœur et me suggère : «Je serais toi, je partirais sans le revoir. Il ne t’a sûrement pas reconnu »

Je crois qu’il a raison. Je vais déposer bloc et stylo dans sa loge… Et je m’enfuie comme un voleur.
C’aurait pu être la fin de «ma carrière» si je n’étais pas tombé sur un type épatant comme Serge Reggiani qui, ce jour-là, m’a donné une belle leçon. De ce jour j’ai toujours été précautionneux, vérifiant le magnéto, ayant toujours un bloc et plusieurs stylos (on ne sait jamais !) dans ma sacoche.
Deux, trois ans plus tard, j’ai de nouveau rencontré Serge Reggiani pour l’avant-première du film «Comptes à rebours» qu’il était venu présenter à Toulon avec le réalisateur Roger Pigaut. Je lui rappelai notre première rencontre dont d’ailleurs il ne se souvenait pas mais cela l’a fait rire.
Je devais le retrouver une  fois encore à la fin de sa vie. Invité d’honneur au Festival de la Chanson Française à Aix-en-Provence. Il était déjà très affaibli et venait présenter son livre, une exposition de ses œuvres car il avait découvert la peinture sur le tard et donner un récital. Qu’il donna d’assis car il avait du mal à se mouvoir. C’était à la fois pathétique et émouvant. Émouvant surtout car  il était entouré de ses enfants Karine et Simon qui vinrent le rejoindre pour chanter avec lui.
Mais le repas donné en son honneur fut joyeux et brillant car il nous raconta plein d’anecdotes.
Voilà comment je débutais dans ce métier qui aurait ne pas avoir de suite… Et que je poursuis depuis plus de 50 ans !

Jacques Brachet

Céline GAILLEURD & Olivier BOHLA
nous racontent une Italie muette


« Italia » est un film documentaire unique en son genre, signé Céline Gailleurd et Olivier Bohla, un couple de réalisateurs, qui retrace la naissance du cinéma italien – muet évidemment – en 1895 à l’arrivée du parlant en 1929.
Un cinéma alors prospère, qui a rayonné dans le monde avant de tomber en désuétude à l’arrivée du parlant. Nos deux réalisateurs ont fait de nombreuses recherches pour trouver ces images rares qui ont échappé aux incendies, à la destruction, à la guerre, aux vols.
Au départ, comme partout ailleurs, les films étaient surtout des documentaires, historiques, de propagande, des chroniques de guerre, des témoins d’une époque, avant qu’en 1902 naissent les premiers films de fiction, souvent tirés de romans célèbres comme « Otello », « Roméo et Juliette », « Hamlet »… Sans voix bien sûr, ce qui faisait dire à Pirandello qu’il haïssait le cinéma, lui l’homme de théâtre et des mots.
Petit à petit le cinéma attira de plus en plus de monde et naissaient alors les premières stars comme Lyda Borelli ou Bartomoméo Pagane premier Maciste du cinéma.
Le parlant arrivant certaines stars disparurent, leur voix ne passant pas l’écran.
Ce documentaire est un témoignage de ce que furent les premiers pas du cinéma italien et pour accompagner ces films sans son, c’est Fanny Ardant qui dit des textes d’auteurs comme Dali, Fellini et quelques autres. Sa voix unique, suave, reconnaissable entre toutes, pour dire des textes d’hommes donne à ce film une autre dimension.
Par contre, la musique paraît parfois dissonante, sinistre, intempestive.
Par ailleurs, ce film nous fait découvrir un cinéma que l’on connaît très peu par rapport à notre cinéma muet français ou même américain. D’ailleurs le film est également sorti en Italie car les Italiens eux-mêmes n’ont plus personne pour s‘en souvenir.


« Olivier, pourquoi ce film sur le cinéma muet italien ?
Au départ, c’est un projet de Céline. C’est le sujet de sa thèse qu’elle a choisi en 2010 à l’Université d’Aix-en-Provence.
Et pourquoi le film ?
A l’époque il y avait très peu de choses accessibles sur ce sujet. On a dû faire des recherches sur place, rencontré des chercheurs. De plus les restaurations en Italie n’étaient pas ce qu’elles étaient en France. A l’époque, il était plus vendeur de restaurer un film de Visconti et de le présenter à Cannes en présence d’Alain Delon ! Mais peu à peu, Céline a commencé à défricher les choses et s’est rendu compte qu’il y avait énormément de choses à montrer. En fait, il y avait très peu de spécialistes en Italie car il n’y avait pas comme en France d’obligation à sauvegarder et conserver tous les films. C’est venu très tard et beaucoup de films ont été niés, négligés et détruits.
La cinémathèque a quand même gardé des choses ?
Il faut savoir que si, en France, il n’y a qu’une cinémathèque qui centralise tout, en Italie il y en a cinq qui ne communiquent pas entre elles. Il n’est pas rare qu’une d’entre elle ait une bobine de film et qu’une autre ait la suite. Et ils ne partagent rien ! Il y a peu de restaurations complètes dans une seule cinémathèque.

Le cinéma muet les intéressait peu en fait ?
Exactement. Il n’y avait ni intérêt, ni de moyens et ce n’est que la cinémathèque de Bologne a commencé à s’y intéresser en 1980. De plus, les copies étaient composées de nitrate, très inflammables et explosives. Et il y a eu beaucoup d’accidents graves. Du coup, lorsqu’on les a reproduites, c’était en noir et blanc même si la copie était colorisée et on a ensuite détruit les copies d’origine. Heureusement, on a trouvé beaucoup de copies à l’étranger car ce cinéma a eu un rayonnement mondial à l’époque. Aujourd’hui, il y a 15% de films préservés.
C’est peu ?
En effet, ce n’est pas énorme, mais c’est pareil à peu près partout. Et même pire dans certains pays. A l’époque, les films ont disparu pour nombre de raisons : la destruction mais aussi les guerres, les vols, les incendies… Donc beaucoup de films ont été perdus. D’où aujourd’hui l’intérêt du numérique, même si ce n’est pas le top car on perd aussi des disques durs. Mais ça permet de mieux conserver les documents.
Comment est venue Fanny Ardant à ce projet ?
Etant producteurs de nos films, nous voulions faire celui-ci entièrement en France, malgré le sujet car au départ il n’était pas question d’une version italienne. On cherchait donc une actrice qui ait une voix particulière et l’on a très vite pensé à Fanny Ardant, tout en restant un rêve inaccessible.
Hors, devant tourner un film dans les Hautes Alpes, nous avions choisi une maquilleuse, qui nous apprend ne pas être libre tout de suite car elle doit travailler à Marseille… avec Fanny Ardant ! Nous lui demandons donc de lui parler de notre projet sans grand espoir. Mais elle a tenu sa promesse. Le premier jour du tournage, son agent nous appelle pour nous dire qu’elle est intéressée et qu’on lui envoie le scénario. Nous n’en revenions pas ! Mais on était en 2017 et le film devait se faire en 2021. Elle nous dit alors qu’elle attendrait. Et effectivement lorsqu’on a été prêt, elle était toujours d’accord. Elle a vu le film, a lu les textes et en une après-midi elle a tout enregistré et nous a proposé de le faire pour la version italienne.
Pourquoi choisir une comédienne pour dire des textes d’hommes à la première personne ?
Nous avons pensé qu’avec un homme ce serait trop redondant. Et puis c’est le cinéma italien qui a inventé la diva avant la star. Sans compter qu’on reconnaît aussitôt la voix et la façon de parler de Fanny Ardant !

N’avez-vous pas pensé que ça risquait de troubler le spectateur ?
On a pensé que ça pouvait le désorienter au début mais qu’il se rattraperait en prenant le train en marche. En fait, il finit, au bout d’un moment, de comprendre que ce sont des textes écrits par des hommes. Il faut juste un temps d’adaptation, accepter d’entrer dans cet univers et se laisser aller au texte et à la voix. De regarder la beauté des choses et d’écouter la poésie des textes.
Vous avez fait d’autres films avec Céline !
Oui, on travaille presque toujours ensemble.
En 2010 nous avons fait un film sur André Labarthe qui faisait une exposition à Paris, en même temps que deux autres expositions : Agnès Varda et Jean-Luc Godard.
Nous avons fait un petit film sur lui puis un sur Godard. A l’expo de Godard on s’est rendu compte qu’il ne voulait rien garde car il fallait tout ramener en Suisse et c’était trop cher. Il a décidé de jeter beaucoup de choses et d’en donner d’autres aux Emmaüs. Mais donner deux enceintes surmontées d’un tire-bouchon, entre autres, les Emmaüs n’en n’ont pas voulu… Et on a tout récupéré !
Qu’en avez-vous fait ?
On a pensé faire un film avec tous ces objets, en ajoutant les interviewes et ce qu’on avait déjà tourné. On a proposé le sujet à l’INA. Du coup, on a remonté une fausse exposition, les archives nous ont donné des extraits d’interview. C’est le portrait mélancolique de toute une génération, de reportages, de films. Aujourd’hui tout est entreposé… chez ma mère !

Pascale Parodi, Olivier Bohla, Noémie Dumas

Et Agnès Varda ?
Lorsque Céline Faisait sa thèses, elle a appris qu’Agnès Varda cherchait une assistante. Elle s’est présentée. Agnès aimait bien que ce soit une jeune femme et de plus elle aimait les sujets quelle abordait. Elle avait énormément besoin d’un archivage de ses affaires, car elle était très désordonnée. Elle préparait « Les plages d’Agnès » et elle voulait faire des images-souvenirs avec entre autres ses photos. Céline a travaillé deux ans avec elle. Ce n’était pas toujours facile car elle avait un sacré tempérament. Mais tout s’est bien passé. Sauf lorsque Céline lui a proposé d’apparaitre sur le film de Godard : « Je ne vais quand même pas lui servir la soupe ! » lui a-t-elle répondu. Il s’est vengé car à la fin, lorsqu’elle a voulu le voir, elle a eu une fin de non-recevoir ! »

Noémie Dumas et Pascale Parodi sont venues nous rejoindre et l’on aurait pu encore longtemps discuter tous les trois avec Olivier, homme disert, volubile, passionné si l’heure d’entrer en scène devant le public n’était arrivée. Mais entre Marseille et Aix-en-Provence, il n’y a pas loin. Et l’on se reverra pour parler de notre passion commune : le cinéma, italien ou français !

Jacques Brachet

Octobre rose
« Le souffle du dragon » est passé sur le Six N’Etoiles


Le Dr Stéphanie Guillaume, Stépanie Pilonca réalisatrice, Noémie Dumas, directrice du Six-N’Etoiles, Luc Patentreger, président du festival « Femmes »

Elles sont toutes de Reims Elles ont toutes un point commun : le fait de s’être battues contre un cancer du sein.
Au départ elles ne se connaissaient pas mais leur oncologue commun leur conseille de s’unir dans un projet original : Monter sur un bateau, ramer pour gagner une course à bord d’un dragon-boat. Elles ont toutes des vies et des âges différents mais toutes la même envie : combattre le dragon qui est en elles en s’unissant dans une même énergie pour chasser cette peur de la récidive qui est en elles, se reconstruire et tourner cette dramatique page de leur vie.
Ce ne sera pas sans problèmes, sans difficultés mais cette rage qu’elles ont en elles, cette envie de vivre, elles vont l’exorciser en ramant toutes ensemble.
« Le souffle du dragon » est un superbe film signé Stéphanie Pilonc –  Farlédoise de naissance et ayant travaillé dans la compagnie d’André Mairal à la Seyne – qui est venue le présenter grâce à la collaboration du Docteur Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé de la ville de Six-Fours et de la directrice du Six N’Etoiles, Noémie Dumas, dans le cadre de cet « Octobre rose » annuel, qui a pour vocation de parler d’un fléau : le cancer et de rassembler malades (et non malades car ça peut arriver à tout le monde), chirurgiens, oncologues, association qui gravitent autour de ce mal qui, s’il ne répand pas la terreur est un mal grave mais qu’on peut aujourd’hui enrayer si on le prend à temps.
Stéphanie Pilonca a mis tous les atouts de son côté pour en parler et réunir une distribution de rêve : Julie de Bona, Julie Gayet, Lola Dewaere, Annie Grégorio, Firmine Richard, Bérangère Krief.
Les hommes n’en sont pas moins importants : Arié Elmaleh, Amaury de Crayencourt, François Berléand… Un film choral plein de tendresse, d’émotion, plein de rose et de rires aussi, une ode à la vie et la guérison.


« Comment vous est venue l’idée de ce film, Stéphanie ?
Parce que le cancer est un sujet qui concerne toutes les femmes et surtout parce que l’idée m’est venue de le traiter ainsi en découvrant que ce genre de course sur les bateaux-dragons existait au Canada depuis 1996, créé par le Dr McKenzy, cancérologue  et à Reims en 2009 par le Dr Cutuli. Ces femmes qui s’unissent dans une sorte de sororité pour retrouver leur intimité, se rapproprier leur corps, revenir à la vie m’ont touchée.
Ce que je voulais aussi montrer aussi ce sont les dégâts collatéraux avec le compagnon, les enfants, la famille en général. Il faut savoir regarder de l’autre côté. Un cancer ce n’est pas anodin, ce n’est pas que la femme, c’est un ensemble de choses à gérer. Et il est important que l’entourage soit un allié.
Un tournage en bateau, comment ça se réalise ?
(Elle rit) Avec difficulté ! D’abord il faut dire que rester assise sur une planche durant des heures, ça n’est pas tellement confortable,  il faisait chaud et il y avait les comédiennes mais aussi les figurantes et les bénévoles. Quelquefois ça râlait un peu. Quant à filmer de bateau de l’extérieur, je l’ai fait avec mon fils… sur une trottinette ! C’était vraiment artisanal. Mais j’avoue que les comédiennes ne se sont jamais plaintes et qu’il y avait une joyeuse ambiance.

Dans ce film, il est aussi question de mort…
Evidemment car la vie sans la mort, ça n’existe pas. Le scénario de Clément Koch est ainsi écrit. Moi, j’arrive à la fin d’une chaîne, je réalise une fiction. On ne peut pas parler de cancer sans parler de la mort même si ça devient plus rare. Ce qui nous fait dire qu’on est que de passage et qu’il faut profiter de la vie.
Lorsqu’elles rament, les femmes sont très maquillées…
Oui et c’est voulu. Aujourd’hui après leurs opérations, les femmes sont souvent prises en main pour se faire coiffer et maquiller, pour avoir une plus belle apparence. J’ai décidé qu’elles seraient Maquillées un peu plus que prévu. Et c’est une bénévole qui s’est écrié : « Allez, envoyez les paillettes ! »


Nos deux Stéphanie étaient entourées  pour le débat des docteurs Saadouni, oncologue, Manique et Rousset-Rivière, chirurgiens-gynécologue Nathalie Sebban, patiente, référente CapSein, c
Ils ont tous bien réagi au film tant il est vrai que tout ce qui s’y dit est réel, et ils le vivent journellement. Il répètent qu’il ne faut pas attendre que ce soit trop tard, ne pas être dans le déni, d’autant qu’aujourd’hui s’il est pris à temps, nombre de cancers du sein se guérissent très bien.
Aujourd’hui, les chirurgiens, les oncologues, les médecins se préoccupent plus souvent de l’entourage de la malade, d’abord pour elle, car elle besoin d’un entourage qui la soutienne, la famille en priorité. Et il faut aussi prendre en compte la famille, qui, elle aussi, subit un choc. Il faut pouvoir la rassurer.
Aujourd’hui c’’est pour cela que nombre de bénévoles, d’associations viennent moralement en aide à ces femmes qui ont subi un traumatisme ; leur offrir des animations, les aider à faire du sport, à prendre soin d’elles.
Il faut dire qu’à Six-Fours, le Docteur Stéphanie Guillaume et Béatrice Métayer, chargée de mission politique de santé publique de la ville de six-Fours, organisent un mois on ne peut plus rose, aidées par nombre de bénévoles et d’association, que ce soit des soins esthétiques à des cours de divers sports, de sorties à pied ou en bateau et beaucoup d’autres manifestations, d’ateliers qui permettent à ses femmes de s’éloigner un moment de leurs problèmes et surtout de rencontrer, d’échanger, de se faire des amies, de ne pas sombrer dans la solitude.


Du coup, le Dr Guillaume a eu le mot de la fin : « Cette maladie est une traversée du désert, un changement de vie. On n’en sort pas indemne mais on en sort grandie ». Dans la foulée, de proposer de former un équipage de dragon-boat pour l’année prochaine.
Et Stéphanie Pilanca d’ajouter : « OK, je vous aide à voler un bateau ! »

Jacques Brachet


Clovis CORNILLAC… Un nouveau maire à Six-Fours !


Paul Barral (Clovis Cornillac) est à la fois menuisier et maire d’un petit village, Cordon, qui se déserte.
Afin de ne pas avoir à faire fermer l’école faute d’élèves, il cherche des solutions. Il construit donc des appartements afin de recevoir de nouveaux habitants. Mais le lieu étant éloigné de tout, il n’y arrive pas. L’un de ses adjoints a trouvé une entreprise qui voudrait installer un complexe avec piscine, mais la solution ne lui convient pas.
Arrive alors Joe Lynn « Eye Haïdara) une jeune femme, chanteuse épisodique avec deux enfants qui vivent en foyer mais que l’âge des enfants fait qu’elle doit le quitter. Si au départ, il n’est pas très chaud pour les recevoir, il finit par lui louer un appartement. Et elle arrive… avec une amie du foyer qui est enceinte !
A partir de là, le village sera en ébullition car il y a les pour, les contre dont un adjoint qui voit son projet menacé et va tout faire pour que repartent ses femmes seules avec leurs enfants.. Peu à peu, aidée par une de ses adjointes, l’idée de faire de ce pâté d’immeubles un centre pour ces personnes prend forme. D’autant que Joe s’adapte aux villageois, leur donne des cours de country et peu à peu le village reprend vie.
Est-ce que Monsieur le Maire arrivera à ses fins ?
Ce premier film  de Karine Blanc et Michel Tavarès est un film à la fois drôle, émouvant, il s’y dégage une humanité, Clovis Cornillac, comme à son habitude, y est formidable en Maire un peu paumé et Eye Haïdara, en plus d’être belle et d’avoir une belle voix, y est lumineuse en mère tout aussi paumée qui se raccroche à l’espoir de trouver un vrai foyer pour ses enfants.

Michel Tavarès, Karine Blanc, Clovis Cornillac, Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles


Le Six N’Etoiles a eu la chance d’avoir la  visite de ce maire pas comme les autres et de ses réalisateurs. Ce sera en coup de vent, le temps de boire un coup avec quelques « vrais » élus, mais sans le « vrai » maire et quelques membres du Rotary. Chance d’autant plus grande que, passant du Pathé la Valette au Six N’Etoiles, il a pu rester un moment avec nous, avant de repartir pour Paris à 6 heures du matin le lendemain !
« Clovis on vous voit chaque fois en tournée avec chacun de vos films et à Six-Fours entre autres où une salle porte votre nom…
Oui car, que je sois réalisateur ou comédien, je ne vis que grâce au public et lorsque j’en ai le temps, je suis heureux de partager un moment avec lui et qu’il puisse découvrir un film sur un grand écran. Je trouve quelque chose de magique de me déplacer dans les villes, de le rencontrer et de passer un moment ensemble.
Karine, Michel, c’est votre premier film à tous les deux… Vos impressions ?
Karine : Un premier film c’est très émouvant à montrer, c’est à la fois du stress et du bonheur et je suis très heureuses de voir les premières réactions du public.
Michel, Je suis très impressionné de voir une salle pleine pour découvrir notre film. Déjà enfant, je rêvais de faire du cinéma, de pouvoir montrer mon travail et arriver avec un premier film c’est un grand bonheur, même s’il y a un peu d’appréhension sur le fait que le public va aimer ou non notre travail.

Quelle est la genèse de l’histoire ?
Karine : C’est parti d’une histoire réelle d’un petit village de montagne des Pyrénées. Nous avons, nous,  tourné dans un petit village des Alpes où tous les habitants ont participé au film. Ça a été de véritables rencontres, ils étaient heureux de nous recevoir, tout autant que malheureux de nous voir repartir. Tout le monde était triste et, alors que nous avons eu un temps superbe, il pleuvait le jour où nous sommes partis.
Clovis, qu’est-ce qui vous a plu dans cette histoire ?
Lorsque j’ai lu le scénario, je l’ai trouvé plein d’humanité et il ressemblait à ses ambitions. L’histoire est belle car c’est une histoire vécue qui m’a beaucoup touché. Il y a des moments d’humour, des moments d’émotion, des moments d’humanité. C’est un vrai sujet et c’est un film tendre,  bienveillant qui ressemble à ses réalisateurs. C’est un film populaire dans le bon sens du terme.
Michel, avez-vous tout de suite pensé à Clovis ?
Michel : Pas en l’écrivant car je ne crois pas que ce soit judicieux d’écrire pour un comédien sans savoir s’il aimera le scénario ou s’il sera libre. Après, le scénario bouclé, c’est vrai que nous avons pensé à Clovis et la chance et qu’il a aussitôt répondu positivement.
Avez-vous galéré car faire un premier film est toujours une aventure !
Karine : En fait, nous n’avons pas tellement galéré même si le chemin a quelquefois été un peu sinueux. Très vite UGC a été d’accord pour le financer. Il faut dire que le nom de Clovis a dû faire beaucoup. On a eu la chance d’avoir la bonne personne.

Clovis, quel effet ça fait d’être maire ?
(Il rit) C’est un rôle comme un autre mais surtout, j’ai découvert ce que c’était qu’être maire. C’est un sacerdoce car dans ces villages, un maire est très mal payé il bosse 70 heures par semaine et doit avoir un « vrai » travail à côté. De plus, il n’a pas de vacances, il reçoit des doléances de partout, pour tout et n’importe quoi. C’est en fait un boulot à plein temps, épuisant physiquement et moralement, surtout dans ces petites communes éloignées de tout et qu’on oublie souvent. J’ai vraiment su ce que c’était. J’admire ceux qui le font car c’est un métier assez noble et j’espère ne pas avoir trahi cette fonction. J’avais peur qu’ils disent : « Ce n’est tellement pas ça ! »
Vous n’avez pas eu de retour ?
Oui, nous avons été invités au Congrès des Maires Ruraux de France où nous avons présenté le film. C’était très délicat de les leur présenter mais ils ont tous été heureux qu’on parle d’eux. Durant deux jours, l’ambiance était fraternelle car ils vivent tous dans une telle solitude qu’ils sont heureux de se retrouver, de picoler ensemble. Je crois que ça leur a filé un coup de jus, un coup d’énergie.
Travailler avec des réalisateurs dont on ne peut pas s’appuyer sur un précédent travail, est-ce que ça vous pose problème ?
Non, dans la mesure où on nous présente un travail abouti, une histoire intéressante. J’ai tout de suite aimé mon rôle aussi car je pouvais jouer sur l’humour, la tendresse, l’émotion. Et j’ai tout de suite aimé Karine et Michel. J’ai senti qu’on ferait du bon travail. Après, c’est toujours le public qui décide.

L’équipe du film, les élus et les membres du Rotary


Justement, Karine, Michel, si ça n’avait pas été Clovis ?
Michel : C’aurait été un autre comédien avec une autre façon de s’attribuer le rôle, avec une autre personnalité. On aurait peut-être dû adapter, changer certaines choses…
Clovis : C’est pour cela qu’il ne faut jamais écrire pour quelqu’un car l’interprétation est aussi vraiment une vision de l’interprète. Si le comédien pressenti dit non, ça peut totalement changer le film. Ça peut être très mauvais mais quelquefois ce peut être une bonne surprise. Ce peut aussi devenir un autre film. C’est une question de chance.
Michel : Nous avions besoin d’une intention, d’un regard, d’un visage qui parle et c’est ce que nous avons eu avec Clovis ».

Jacques Brachet


Six-Fours – Lumières du Sud Ted HARDY-CARNAC…
Un jeune réalisateur plein de promesse… et de talent !


Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud », a le chic pour nous faire découvrir des films rares et des réalisateurs de talent. Ce qui a été encore le cas lundi dernier en invitant le jeune réalisateur Ted Hardy-Carnac qui a déjà à son actif cinq courts métrages et prépare son premier long métrage.
Ted a un parcours original car, avant d’arriver au cinéma il a pris plein de chemins de traverse, quelques risques,  et aurait pu passer à côté du cinéma mais sa passion a été la plus fort.
Ses films sont des films de fiction qui, souvent, se passent dans un temps pas si lointain que le nôtre mais avec un peu de décalage sur le temps réel. Des films couts mais denses et qui ont la spécialité de laisser la porte ouverte à une suite ou du moins, comme il aime le dire une porte pour faire rêver ou donner au spectateur la possibilité d’inventer cette suite.
Volubile, énergique, un grand sourire derrière sa barbe rousse, quel plaisir de rencontrer un homme aussi passionné !

« Ted, parle-nous de la façon dont le cinéma est entré dans ta vie…
Le cinéma est venu très tôt, dès l’âge de 12/13 ans. Mais alors ce n’était qu’un hobby en tant que spectateur. J’y suis beaucoup allé avec ma sœur, puis avec ma première copine qui m’ont fait aimer le cinéma. Nous étions au Quartier Latin où il y avait alors beaucoup de cinémas. Nous y étions tout le temps fourrés.
Mais ça n’a pas été une ligne droite pour y arriver.
Raconte.
Je n’ai pas fait d’école de cinéma, je suis autodidacte. En fait, ma passion, c’était les maths. Tu vois, on en est loin ! J’ai donc fait une classe préparatoire en mathématiques, puis une école d’ingénieurs d’où je suis sorti diplômé mais je me suis rendu compte qu’en tant qu’ingénieur, on ne faisait pas beaucoup de maths fondamentales. On faisait des choses abstraites. En fait, j’aurais dû me lancer dans la recherche. Du coup, je me suis dirigé vers une école de commerce. J’ai étudié trois ans.
Mais le cinéma dans tout ça ?
J’y viens ! Lorsque j’étais à l’école d’ingénieurs, j’ai créé un club cinéma dont j’ai été deux ans président. C’était l’association Lumière, qui existe toujours. On créait des scénarios de manière collective. Puis, arrivé à l’école de commerce, un club cinéma existait déjà dans lequel il y avait une société de production qui a lancé un concours de scénarios. Etant dans l’école, je n’avais pas le droit de faire le concours… que j’ai quand même fait sous un pseudonyme ! Et j’ai gagné le concours.
Comment as-tu fait alors ?
Du coup Ils ont voulu me rencontrer. Je leur ai dit : « Hey, c’est moi ! ». Ils m’ont répondu : « Hey, ce ne sera pas toi ! » Et j’ai été disqualifié. Un autre sujet a été choisi et j’ai participé à la production. Finalement, ils ont pris mon scénario pour la cession d’été et avec l’équipe du premier j’ai réalisé le mien. Je ne connaissais rien de la mise en scène et il a été raté… Je ne le montre à personne !

J’ai malgré tout trouvé ça incroyable et j’ai compris ce que je voulais faire : écrire et réaliser. J’ai quitté l’école de commerce, je suis entré dans une banque et j’ai choisi le financement de cinéma, les demandes de crédit pour les sociétés de production. Mais je voulais réaliser des films… et j’ai démissionné. Je me suis alors lancé dans la réalisation d’un court métrage. Puis d’un autre, un autre…
Comment faisais-tu pour les produire ?
Je ne connaissais personne dans le métier mais j’ai travaillé avec des amis, ma copine qui est devenue ma femme qui a pris en main le travail de production. Nous autofinancions tout. J’ai eu la chance que chacun des films a eu un certain succès. Un peu plus à chaque fois et tout s’est enchaîné.
J’ai réalisé cinq films… je ne compte pas le premier !
Puis j’ai eu envie de réaliser un long métrage. J’ai alors postulé à la FEMIS qui est l’Ecole Nationale Supérieure des Métiers de l’Image. J’ai obtenu mon diplôme et j’ai écrit mon premier long métrage. J’ai trouvé une productrice et aujourd’hui… J’en suis là !
Tu n’as fait que des courts métrages ?
Oui. Comme je n’avais pas un rond, mais trois premiers films sont très, très courts ! Car j’ai financé les trois premiers et j’arrivais à mobiliser les copains sur un week-end.
Le premier m’a coûté 150€, le second 400€, le troisième 1500€, le quatrième 4500€. Peu à peu j’ai pu faire des castings. C’est ainsi que j’ai rencontré Bastien Bouillon, César du meilleur espoir masculin 2023 pour « La nuit du 11 » J’ai eu la chance de présenter mes films dans des festivals, d’avoir des prix et de pouvoir les vendre à la télé (France 3, OCS, TV5 Monde, Canal + et passer dans circuits des salles MK2). J’ai aussi pu produire mon dernier film « Un monde sans crise », avec Bastien.
Mes films ont fait en tout 196 festivals et j’ai même été invité à Bogota !
Et au théâtre Daudet !!!
Oui, grâce à Pascale Parodi qui avait vu l’un de mes films, « Tunisie 2045 » au « Festival Côté Sud » de la Seyne sur Mer. Je devais déjà venir mais avec les grèves ça ne s’est pas fait. Et elle m’a redemandé de venir. C’est rare d’être invité dans les festivals lorsqu’on ne fait que des courts métrages. Je lui suis reconnaissant de son invitation et l’en remercie.


Alors aujourd’hui, ton actualité ?
Le long !!!
a va faire bientôt trois ans que j’y suis dessus. J’ai une productrice et nous avons demandé l’avance sur recettes du CNC. Nous passons l’oral en décembre pour présenter le scénario et si on l’a, ce sera la voie royale ! Déjà, sur 2000 projets présentés, nous sommes restés dans les 12  retenus et ils vont en garder 4.
On peut en parler ?
Tous mes scénarios  sont inspirés de l’imaginaire, l’anticipation, le fantastique, en décalage de la réalité, dans un univers naturaliste. Ce sera une histoire d’amour qui se déroule sur trente ans.
As-tu une idée des comédiens dont tu as envie ?
Oui, il faut qu’ils soient jeunes pour qu’on puisse les vieillir au fur et à mesure.
J’ai quelques idées. Pour les femmes : Nadia Tereszkiewicz (César du meilleur espoir féminin 2023), Lyna Khouchi, vue dans « Les trois mousquetaires » et Pomme, une jeune chanteuse qui se lance dans le cinéma. Pour les hommes : B astien Bouillon évidemment, Niels Shneider et Raphaël Quenard.
Si nous avons l’avance sur recette, il nous serait possible de tourner à l’automne 24… Sinon… Il faudra décaler ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Six-Fours – Six N’Etoiles  Toby GEMPERLE-GILBERT : « Sois belle et tais-toi »


« Sois belle et tais-toi » est un film de Marc Allégret dans lequel Bardot est la vedette.
Mais c’est aussi le titre d’un documentaire qu’a réalisé la regrettée et néanmoins magnifique Delphine Seyrig. Il date de 1976 et le cinéma en était  à un tournant : Jusqu’alors le pouvoir cinématographique était uniquement masculin… Et macho.
Delphine Seyrig, qui a toujours défendu les femmes, a voulu réunir des comédiennes qui parlaient de leurs rapports ambigus et difficiles qu’elles avaient avec tous  les corps de ce métier, réalisateurs, scénaristes, producteurs… Des rapports difficiles, conflictuels qui leur faisaient payer cher l’envie d’être actrices. Déjà par le fait que rarement le rôle principal était donné à une  femme qui servait plutôt de faire-valoir et étaient cantonnées dans des rôles de bonnes, de putes, de mères de famille, de séductrices, de tueuses, de folles, de nonnes, d’esclaves, pas des rôles très valorisants et rarement des rôles de premier plan.
Elle a donc choisi des artistes comme Juliet Berto, Marie Dubois, Jane Fonda, Shirley McLaine, Maria Schneider, Jill Clayburgh, Louise Fletcher, Helen Burstyn… En tout 23 femmes qui avouent, pour la plupart que si elles avaient été un homme, elles n’auraient pas choisi ce métier mais plutôt d’être aventuriers ! Certaines regrettant même de ne pas avoir été un homme mais assumant leur état de comédiennes en se battant à tous les niveaux.
Nous sommes dans les années 70 et on se rend compte que, s’il y a eu des avancées dans ces métiers dédiés aux hommes, il y a eu (et il y a encore !) des difficultés à prendre quelquefois leurs places… Même aujourd’hui, il y a du chemin à parcourir.


Jane Fonda, entre autres, explique qu’arrivée à Hollywood, on ne la faisait tourner que si elle devenait blonde, faisait refaire son nez trop mutin, arracher des dents pour creuser ses joues, refaire l’ovale de son menton… L’actrice n’étant qu’un accessoire pour mettre l’homme en valeur et faire joli dans le décor… A condition d’être belle, jeune, ce qui impliquait des rôles secondaires jusqu’à ce qu’elles deviennent « vieilles » (très tôt !) et moins glamour.  Le film aborde tous les sujets avec humour, sobriété, recul et surtout une énergie qui rend ces femmes touchantes et drôles mais surtout, malgré toutes les embuches qu’elles doivent affronter, optimistes et opiniâtres.
Aujourd’hui, même si ce n’est pas encore la panacée, des femmes arrivent à s’immiscer dans ce mur épais du sexisme ambiant.
Ce que disent ces femmes dans ce film est d’une grande justesse et plein d’à-propos et de vérité, ce sont toutes des combattantes qui ont fait avancer le cinéma au féminin.
Il a l’avantage d’exister à une époque où il leur était difficile de faire entendre  leur voix.
Toby Gilbert, qui fut la collaboratrice de Delphine Seyrig, est venue au Six N’Etoiles, reçue par Noémie Dumas, directrice du lieu et Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud ».


Toby est une femme belle, lumineuse, qui de tout temps, s’est inquiétée de  la condition des femmes et dont la rencontre avec la non moins lumineuse Delphine Seyrig a été d’une grande importance. Née en 1941 à San Francisco, elle arrive en France en 1960… Et n’en est jamais repartie. Mieux : elle est aujourd’hui installée à Toulon, ville dont elle a eu le coup de foudre.
Cette « Américaine à Toulon » a gardé l’accent de son pays et en a la double nationalité.
Tony, pourquoi avoir choisi la France ?
Pour… le Moyen Âge !!!
C’est-à-dire ??
Je plaisante mais vous savez, il n’y a pas d’Histoire à San Francisco. J’ai quitté la ville a 17 ans, j’ai passé deux ans à New-York où j’ai pratiqué la danse classique et suis devenue mannequin et j’ai continué en France durant 15 ans. Je me suis mariée à un photojournaliste, je suis arrivée en France. Lui est reparti, moi je suis restée.
Comment s’est fait votre rencontre avec Delphine Seyrig ?
Je l’ai rencontrée en 1974 lorsque je suis entrée dans la mouvance féminine radicale et à la Ligue des Droits des Femmes dirigée par Simone de Beauvoir. J’y ai rencontré l’artiste Vicky Colombet qui avait fondé un journal « Les Nouvelles Féministes ». Nous y travaillions sur divers sujets : la contraception, la parité, le divorce, la violence faite aux femmes…
Pour( la petite histoire, un jour, nous apprenons que Françoise Giroud  disait que la violence faite aux femmes n’existait pas !!!
Avec l’association, nous avons ouvert la première ligne téléphonique : le 3919 que près de deux cents association a repris. Nous avons rencontré Delphine qui se proposait d’aller vers les femmes qui n’avaient pas la possibilité de parler de leurs problèmes. En fait, nous avons été les passeurs de paroles, les réveilleuses de conscience… Ca a mis la France en ébullition !
Delphine a eu alors l’idée de faire un film, qui est sorti en vidéo puis en DVD mais qui, à ce jour, n’était jamais sorti à l’écran. Il aura fallu attendre 50 ans !
Et votre collaboration au film ?
Nous étions en 74/75, Delphine venait de faire trois films importants : « Aloïse » de Liliane de Kemadec, « Indiana Song » de Marguerite Duras et « Jeanne Dielman » de Chantal Ackerman, des films dans la même mouvance.
Puis Delphine est partie en Amérique pour réaliser ses interviewes. C’était en 74/75. A son retour, elle m’a demandé de faire la traduction en anglais et en français puisqu’il y avait des actrices américaines et françaises. Tout était sur une cassette. Je n’étais pas une traductrice professionnelle, j’ai tout retranscrit mot par mot sur des cahiers. Mais ça a mis un certain temps.


Delphine en était-elle contente ?
Oui mais elle a eu cette phrase surprenante : « Bon, c’est très bien. Rendez-vous chez moi mardi prochain pour que tu fasses le doublage ». Au départ j’ai refusé mais elle a insisté : « Il y a la voix de 23 comédiennes puis la mienne et tu seras la 25ème. Je veux ta voix car celle-ci et ton accent se marieront très bien avec les nôtres ». J’avais vraiment la frousse mais tout s’est fait en une seule prise.
Et le résultat ?
Delphine était contente. Mais au montage pour sortir le film restauré, il y a quelques mois, ma voix a été enlevée dans la première partie du film au profit de sous-titres. Je n’ai jamais trop su pourquoi, ni qui a fait cela, et surtout sans m’en parle. Etait-ce la Bibliothèque Nationale où les ayant droit, Delphine ayant eu un fil. D’autant que les sous-titres sont une aberration.
J’étais à la fois déçue et très en colère. J’ai entrepris une démarche  afin de demander que la version telle que l’avait conçue Delphine reprenne ses droits. Aujourd’hui j’attends des réponses.
Cinquante ans après, les choses ont-elles bougé ?
Même si certaines choses se sont améliorées, les choses n’ont pas beaucoup changé. Vous savez, cinquante ans, c’est long pour l’humanité mais c’est court pour les femmes. La lutte est loin d’être finie, il y a encore du travail à faire.
Si vous deviez faire un court portrait de Delphine Seyrig ?
Je dirais qu’en dehors de son immense talent et de sa grande beauté, c’était une femme d’une grande gentillesse, d’une belle énergie, persévérante, opiniâtre, volontaire, qui n’a jamais baissé les bras.
Vous avez une belle idée d’elle, gardez-la comme vous l’imaginez… Mais en mieux !

Propos recueillis par Jacques Brachet

Pascale Parodi & Toby Gilbert



Une année pas si difficile
pour Eric TOLEDANO & Olivier NACKACHE !


Toledano-Nackache. Eric et Olivier… Deux prénoms qui, comme le chantaient les Beatles, vont très bien ensemble !
Acteurs, scénaristes, réalisateurs, les deux inséparables ont le sens de la fête !
Les voici donc en tournée-promo avec leur tout nouveau film : « Une année difficile »
C’est une phrase qui est toujours venue, un jour ou l’autre, à tous les présidents de la République sans exception. On les retrouve tous en ouverture du film d’ailleurs !
Et qui leur a donné l’idée, et du titre et du film.
Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) sont dans la dèche la plus noire. Le premier vit de petits larcins après avoir « tapé » famille, amis, collègues. Le second a vu partir femme et enfant avant de vouloir se suicider.
Albert le sauve et pour manger – et boire ! – ils se retrouvent dans une association écologique de fous furieux, (où il tombe amoureux d’une fille on ne peut plus radicale) qui accumulent les actions et les happenings les plus fous et y entraînent nos deux pieds nickelés.
Le film regroupe les problèmes de notre vie actuelle, le surendettement, la terre menacée, des problèmes dramatiques que nos deux compères désamorcent avec l’humour qu’on leur connait. A la fois tendre et fou, émouvant et bruyant, le film est tenu par les deux comédiens qui sont empotés, drôles, charmants, attendrissants dans leur médiocrité, leur naïveté, leurs malversations. Et la fin onirique est inattendue ! Bon point aussi pour Noémie Merlant qui joue les viragos au grand cœur.
Nous rencontrons nos deux complices le lendemain au Hameau des Pesquiers de notre ami Stéphane Lelièvre.

« Éric, Olivier, comment vous est venu ce thème ?
Éric :
Nous écrivions la saison 2 de « Thérapie » plus un autre film,  lorsqu’est arrivée la crise sanitaire. Les rues désertes, les magasins fermés, le monde mis en pose, ont rabattu les cartes pour tout le monde et pour des gens comme nous qui écrivent. Nous nous sommes dit que ne pouvions pas détourner le regard. Nous avons remonté le passé pour voir comment nous en étions arrivés là, comment cette crise a déclenché la névrose des français. Toutes ces images nous ont appelés à la réflexion : « Où on en est » ?
Le surendettement, l’écologie, ne sont pas des sujets particulièrement drôles…
Éric : Nous avions passé quatre années à faire des choses dramatiques alors nous avons décidé de passer par l’humour, comme l’ont souvent fait les cinéastes italiens ou anglais, en abordant des sujets sérieux avec une note de légèreté. Nous nous sommes arrêtés sur cette photo où l’on voit des gens qui empêchent les autres à entrer dans un magasin de « Black Friday ». On s’est posé les questions : Comment en arrive-t-on là ? Qui vient dans ces magasins pour acheter de façon frénétique : ceux qui en ont besoin, vraiment besoin et qui sont ceux qui les empêchent ? Nous avons enquêté des deux côtés. Nous avons essayé de traverser les ponts entre les associations qui  s’occupent de surendettement et les activistes militants radicaux.
Olivier : Par ailleurs, nous avions travaillé enfermés dans un cabinet de psy pour la série et nous avions envie de respirer, de retrouver le monde, l’énergie d’un esprit de groupe comme du temps de « Le sens de la fête » ou « Les jours heureux » et de nous offrir des scènes d’action. Nous avons aussi essayé de montrer par l’absurde des flux contradictoires qui en fait peuvent converger. Un peu comme « Intouchable » où deux mondes se rencontrent : le riche hémiplégique et le jeune de banlieue.
Éric : Nous avons voulu, qu’à travers une société de plus en plus violente, des situations de plus en plus tendues, il y a le rire thérapeutique et nous avons abordé le sujet par l’humour, comme une façon de se poser des idées autrement que par le biais d’un message anxiogène.
Vous nous parliez de personnages à l’italienne…
Éric 
: Oui, car le cinéma, dans une époque pas si lointaine, avait le don de parler de gens au malheur joyeux, des personnages flamboyants et qui étaient pourtant dans la détresse et la précarité, avec un grand instinct de survie. Et on en a rencontré beaucoup, de ces personnages-là, des losers sympathiques qui pratiquent le système débrouille.

Ce sont en fait des pieds nickelés !
Olivier rit : En fait, je ne connais pas cette bande dessinée mais on m’en a déjà parlé et l’expression est descendue dans la rue. Ce sont des personnages hâbleurs, magouilleurs et qui ont toujours existé. Je vais aller voir cette BD !
Au départ, le personnage de Jonathan ne devait-il pas être joué par Alban Ivanov ?
Éric :
Très juste mais il n’était pas libre et Jonathan est arrivé, comme Bacri était arrivé sur « Le sens de la fête ». Il s’est tout de suite adapté et c’est la magie d’un film. La rencontre entre lui et Pio a tout de suite fonctionné. A tel point qu’au départ dans le film ils ne se connaissent pas, ne sont pas proches mais eux se sont tellement entendu qu’il a fallu les freiner ! Mais après, Noémie s’est jointe à eux et tout a bien fonctionné. L’art vient quelquefois de la contrainte et c’est dans cette contrainte qu’on devient créatif.
Pensez-vous avoir fait un film engagé ?
Éric : Le cinéma, pour nous, n’est pas d’être militant ou engagé et dire aux gens ce qu’ils doivent penser. On n’est pas dans un film engagé même s’il s’en dégage quelque chose car on n’est pas neutre bien sûr !
Après, chacun a une réflexion à se faire. Ce sont des sujets qui nous préoccupent mais ce n’est pas la posture de départ.
Avez-vous rencontré des activistes ?
Olivier : Ils sont dans le film ! Ils sont tous issus d’un mouvement qui s’appelle « Extinction Rébellion ». Nous avons enquêté avec eux et nous avons fait des actions avec eux ! Nous avons été très clairs : on leur a proposé de participer s’ils en avaient envie. C’est ce qui s’est passé. Ils ont tous un surnom qu’ils se donnent afin qu’il n’y ait aucune origine sociale ou ethnique entre eux. Nous-mêmes avons eu des surnoms…

Lesquels ?
(Ils rient) Vous n’en saurez rien !
La musique est importante dans ce film…
Éric : Toujours, nous y sommes connectés très fort. Nous voulions des chansons des années 70 et « Le fric, c’est chic » s’imposait.
Et pourquoi Brel ?
Éric : Parce que c’est un grand poète… même s’il est belge ! Et puis, le sujet de « La valse à mille temps » est le sujet du film : On est au milieu d’un pont et l’on valse entre les idées consommation/sobriété, on ne sait plus sur quel pied danser. C’est la valse entre le plus, le moins, le plein, le vide c’est la valse… à militant !
On est dans le reflet de l’époque ».

Propos recueillis par Jacques Brachet

Robert GUEDEGUIAN en visite au Six N’Etoiles


Robert Guédéguian est un réalisateur et producteur marseillais, d’origine arménienne, qui a construit un monde cinématographique tout autour de Marseille. Mais loin d’être un réalisateur « de province », ses films ont très vite dépassé les frontières marseillaises pour être vus dans le monde entier.
70 ans, 40 ans de cinéma, 23 films à son actif, de « Dernier été » en 1981 à « Et la fête continue » qui sortira à la rentrée, sans oublier l’incontournable « Marius et Jeannette » en 1997, il n’a jamais cessé de réaliser et de construire une œuvre forte, humaine, politique et, pour cet anniversaire, le Mucem de Marseille lui rend hommage par une rétrospective, du 26 au 29 juillet, suivie d’une exposition du 20 octobre au 15 janvier, qui se tiendra à la Friche de la Belle de Mai.
Mais avant cela, le voici sur les routes provençales où il est accueilli dans nombre de villes dont un arrêt à Six-Fours ce 17 juillet où j’ai eu le plaisir de le retrouver car nos chemins se sont souvent croisés.
Grand bel homme aux cheveux et la barbe poivre et sel, le sourire rare mais pourtant oh combien chaleureux et la voix de basse à l’accent « de chez nous », il se raconte en toute intimité.

Ariane Ascaride, l’égérie

« Robert, pas d’avant-première avant quelques mois et vous voilà sur les routes pour présenter tous vos films tout au long des étapes. Pourquoi ?
Cette rétrospective a été organisée par le Mucem. Mais si tous les films y seront proposés durant quatre jours, à raison de quatre par jour, on a souhaité sortir hors les murs et faire quelques dates dans des salles que nous aimons, de Six-Fours à Vitrolles en passant par l’Estaque, l’Etang de Berre et d’autres salles qui m’ont toujours bien accueilli.
Chaque ville présente donc un ou plusieurs films. Est-ce vous qui les avez choisis ?
Non, j’en aurais été incapable et j’aime que ce soient les gens qui choisissent en fonction de leurs goût ou de leurs idées ou encore de leurs envies. Chaque cinéma a fait son choix.
Puisqu’il y a rétrospective, remontons le temps. Il y a trois comédiens que l’on voit dans tous vos films : Ariane Ascaride, votre épouse, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin. Parlez-nous de ces rencontres.
La plus vieille rencontre est celle de Gérard puisque nous sommes amis d’enfance et que nous avons grandi ensemble. Ariane, je l’ai rencontrée à l’université. Elle était déjà militante, ce qui nous a rapprochés. Puis je l’ai suivie au conservatoire où elle m’a fait rencontrer Jean-Pierre avec qui nous sommes devenus amis.
Les événements de 68 ont amené un souffle nouveau, entre autre au théâtre où se sont créés des mouvements, des attitudes collectives. Nous parlions des nuits entières, nous voulions changer le monde et c’est ainsi que des liens se sont tissés. Des liens qui, au fil du temps, n’ont fait que se resserrer. Pas seulement avec les artistes mais aussi avec les techniciens. C’est un phénomène générationnel post soixanthuitard. Qui a perduré.
Vous vous êtes juré fidélité ?!
Ça s’est fait tout naturellement et ça dure depuis quarante ans ! A quelques personnes près, c’est toujours la même équipe, certains commencent d’ailleurs à être âgés !
Notre aventure est quand même très rare dans le cinéma.

Avec Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles
Une petite signature pour la postérité

Lorsque vous écrivez un scénario, pensez-vous à eux à chaque fois ?
Ce n’est pas tout à fait ça mais lorsque j’écris, j’écris selon les préoccupations de mon âge… qui est le leur ! En fait, ils m’incarnent, ils me racontent. J’écris sans leur demander quoi que ce soit puis je leur propose mes idées. Et souvent, lorsqu’une idée me plait, ça leur plaît aussi. Mais il n’y a aucune obligation. Au contraire de Pialat qui avait écrit « Nous ne vieillirons pas ensemble », film superbe, nous, nous avons décidé de vieillir ensemble !
J’avoue que j’écris quand même « un peu » pour eux !
J’écris des choses que je ressens, des choses très différentes, je les préviens… Et ils marchent !
Est-ce qu’ils ont leur mot à dire ?
(Il rit) Pas vraiment. Il est très rare qu’ils veuillent proposer ou changer quelque chose. Il se trouve qu’en dehors des tournages, nous nous voyons tout le temps. Il peut se faire que je retienne des idées, des choses qu’ils disent… Je capitalise et je rebondis selon ce qu’ils disent. Dans « L’argent fait le bonheur » Gérard un jour eu envie d’incarner un curé à l’ancienne. Ça allait très bien avec le personnage et ça ne changeait pas l’histoire… Et il est devenu curé !
Cette tournée en plein cagnard, ça n’est pas épuisant ?
Oui, c’est un peu fatigant mais c’est loin d’être désagréable. Je rencontre un public qui m’aime bien, qui est attentionné, curieux, les débats sont toujours sympathiques et enrichissants. Et tout se passe bien.
A la rentrée vous savez un film qui sort je crois…
Oui. Il s’intitule « Et la fête continue » et il se passe à Marseille lorsqu’il y a eu les effondrements d’immeubles rue d’Aubagne. Le film raconte tout ce qui se passe autour à ce moment-là. Ca raconte aussi l’effondrement des manières anciennes de la politique.
Mais je suis déjà sur un autre film.
On peut en parler ?
Il s’intitulera « La pie voleuse ». C’est une fable dont l’héroïne est une aide à domicile qui a la main « un peu » légère et qui vole « un peu » ses clients. Mais ça se termine bien ! En ce moment, avec ce que l’on vit, j’ai envie de voir des films réjouissants. Et du coup j’en fais un dans ce sens.
Vous parliez tout-à-l ‘heure de la création d’une cinémathèque à Marseille. Vous en êtes ?
En vérité, c’est la cinémathèque française qui a décidé de créer une antenne à Marseille et dans d’autres villes. C’est une déclinaison de celle de Paris afin de la décentraliser. Je participe au côté financier, au lieu, au lancement mais après, si ça marche, je laisserai d’autres la gérer. Ce que j’aime, c’est créer des choses, après, une fois sur les rails, je laisse le projet à d’autres. »

Les Six-Fournais ont eu le privilège de revoir « Marius et Jeannette » place des poilus et « Mon père est ingénieur » que Robert Guédéguian a présenté, suivi d’un débat.
Pour l’heure, après cette tournée et l’exposition, il y aura la sortie du film « Et la fête continue » et le tournage de « La pie voleuse » qui se fera dans la foulée.
70 ans, bon pied, bon œil… et plein de projets !
La fête continue !!!

Propos recueillis par Jacques Brachet

Et la fête continue