Archives de catégorie : Cinéma

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Emmanuelle BEART & Anastasia MIKOVA :
L’inceste, brisons le silence

Jean-Sébastien Vialatte, Emmanuelle Béart, Juc Patentreger, Noémie Dumas

Dans le cadre du festival « Femmes ! », Emmanuelle Béart et Anastasia Mikova, brisent le silence : l’inceste, avec ce film bouleversant « Un silence bruyant ».
Toutes les deux ont décidé de faire parler des victimes sur ce sujet qui reste encore hélas, tabou sinon nié mais qu’elles ont décidé de révéler au grand jour en rencontrant des victimes – hommes et femmes – pour parler des effets destructeurs qui ont bousillé leurs vies, en particulier Emmanuelle Béart qui en a été victime.
Ces personnes marquées à vie avouent avoir eu peur d’en parler, pire d’en parler sans que leurs propres familles les croient ou préfèrent rester ans le déni, pour sauver les apparences.
Témoignages poignants de ces victimes qui vivent toujours dans la peur ou la honte, qui ne se remettent jamais de ce crime, souvent accompagné de viol, qui les laissent anesthésiés et qui auront toute leur vie à vivre « avec ».
Ces deux artistes, l’une réalisatrice, l’autre comédienne, nous offrent de remarquables témoignages de ceux qui « osent » en parler, car ça leur est à la fois très difficile de revenir sur ces actes qui les ont démolis à jamais mais c’est aussi un courage et une force, de pouvoir être enfin écoutés sans paraître les coupables. Et peut-être aussi délivrés… Encore que…

Ces actes sont révoltants mais la justice aussi peut être révoltante lorsqu’on voit souvent le peu de cas qu’elle fait de ces déclarations, aussi bien d’enfants que d’adultes qui ont un mal fou à se faire entendre, prenant souvent ces aveux comme des affabulations ou prétextes à se faire remarquer.
Ces deux magnifiques artistes ont osé briser les tabous en faisant ce film qui nous émeut, qui nous révolte, qui nous glace.
Et que le festival « Femmes ! » nous a présenté au Six-N ’Etoiles en la présence d’Emmanuelle Béart

Les ambassadrices du festival : Virginie Perret
… Béatrice Metayer

En attendant Emmanuelle…
Nous devions nous rencontrer à 19h30. Mais à 20h, les discours de Luc Patentreger, président du festival, de Jean-Sébastien Vialatte, maire de Six-Fours et de Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles se sont faits sans elle, avant qu’elle n’arrive, le regard bleu Méditerranée, sinon triste, du moins absent, sans un mot pour personne. A-t-elle souri ? On ne le sait, la moitié de son visage étant recouvert d’une écharpe qu’elle n’aura enlevé que pour aller vapoter sur la terrasse avec une amie et grignoter quelques petites choses qui étaient proposées aux invités. Pas un mot pour personne.
Donc… pas d’interview, qu’elle a d’ailleurs refusée en précisant qu’il y aurait un débat après la projection du film.
 Mais le film, nous l’avions vu la veille afin d’en parler avec elle. Le public aura eu plus de chance que nous ! Dommage.

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Festival FEMMES, 23ème édition

L’association Les Chantiers du Cinéma présente la 23e édition de FEMMES !
Festival du cinéma Toulon-Provence-Méditerranée sur le thème « Éclat d’elles » qui met à l’honneur la création au féminin.
Le festival a lieu du 29 octobre au 23 novembre 2024 dans six salles de quatre villes du territoire de la Métropole TPM : Théâtre Liberté et cinéma Le Royal à Toulon, cinéma Six n’étoiles à Six-Fours, Casino Joa et centre culturel Tisot à La Seyne-sur-mer et pour la première fois cinéma Le Rocher à la Garde.
Des invités marqueront cette édition cinématographique et artistique avec entre autres les deux invitées d’exception : Emmanuelle Béart, actrice de renommée internationale défenseure des droits des femmes, Laetitia Marty, auteure BD et comédienne, Malou Khebizi, jeune comédienne varoise, et Marie-Hélène Lafon, écrivaine à l’écriture puissante et singulière.

La partie artistique s’annonce riche et diversifiée :
26 films de 16 pays en compétition pour le Prix du Public 
7 avant-premières et 7 films en sortie nationale (pas encore sur les plateformes TV) ;
Le Prix du Jury, avec les 7 films en avant-première en compétition ; le jury est composé de professionnels du 7e art ;
1 film documentaire sur la famille, la maternité et l’adoption avec débat en présence de la co-autrice Laëtitia MARTY ;
Des séances scolaires pour collégiens et écoles primaires avec débat ;
Des soirées spéciales événementielles :
« Soirée inauguration » en présence d’Emmanuelle BEART, film documentaire et débat sur l’incest
« Soirée Khmer » : musique + danse + film + cocktail
« Soirée mexicaine » :  musique + danse + film + cocktail
«Soirée flamenco» :  musique + danse + film
« Soirée clôture» : Prix du Public Crédit Mutuel + récital chants lyriques + film + cocktail

10 débats animés par des professionnels du cinéma, l’Ong Soroptimistet l’association Unis Cité ;
3 spectacles de danses : ballet royal cambodgien avec la compagnie Ballet Classique Khmer, danses mexicaines avec Sayuri Canto et Mariachis Corason de Mexico, danse Flamenco avec la Compagnie Rosa Negra ;
1 concert : Ensemble Vocal de Tamaris
1 séance dédicace avec Marie-Hélène Lafon
« Nos adoptions » Planches de bandes dessinées de Laëtitia Marty et Jung sur le thème de l’adoption : vernissage le 6 novembre 11H, Galerie Perrin, place Perrin à la Seyne-sur-Mer
Et toujours la convivialité, marque de fabrique de l’équipe du festival.

Dans un monde où les voix féminines résonnent avec toujours plus de puissance, il est essentiel de leur offrir un espace de liberté et d’expression. Chaque film, chaque exposition, chaque débat de cette programmation sont un éclat de lumière, une invitation à repenser notre rapport à la féminité, à l’art, et à la vie elle-même.
Le festival est soutenu depuis le début par l’État pour la cohésion sociale et les droits des femmes et aussi dans le cadre de la politique de la ville, la Région Sud, la Métropole Toulon Provence Méditerranée, la ville de La Seyne sur Mer la ville de Six-Fours les Pages, la ville de La Garde, le Théâtre Liberté les cinémas Six N’Etoiles Le Royal et Le Rocher, le groupe Joa, le Centre Tisot, Ciné83, des partenaires mécènes Domaine d Terrebrune, le Crédit Mutuel, La Piazza et Rives d’Or Hôtel, la librairie Charlemagne
Grâce à de solides partenariats, Femmes Festivalpropose :
L’entrée à 7 euros pour chacune des séances,
La carte PASSà 30 euros les 5 films,
Les soirées événementielles à 10€.
Toutes les informations sur le site www.femmesfestival.fr
Ensemble, célébrons la force et l’inventivité des femmes à travers le monde.

Agathe & Adam BONITZER… Pour l’amour d’une mère

Ils ont tous les deux jeunes et beaux, un peu réservés, enfants du réalisateur et scénariste Pascal Bonitzer et de la réalisatrice et scénariste Sophie Fllières qui est décédée voici un an, juste après le tournage de son film « Ma vie, ma gueule »
Tous deux ont été baignés par le cinéma et, sachant sa mort venir, Sophie Fillières leur a demandé de monter le film à sa place, afin qu’il puisse vivre après elle. Tâche difficile pour cette comédienne qui ne connait que son métier d’actrice et ce tout jeune réalisateur qui écrit beaucoup mais qui n’a réalisé qu’un court métrage.
Mais, pour l’amour de leur mère et pour honorer sa mémoire, ils s’y sont mis de tout leur cœur, avec toute l’équipe du film, pour qu’il puisse exister. Tant et si bien que le film a ouvert la quinzaine des cinéastes à Cannes.
C’est un film très singulier puisqu’on découvre une femme au nom particulier : Barberine Bichette, dite Barbie (Agnès Jaoui) Elle semble travailler dans la pub, est séparée de son mari, ses enfants l’évitent et elle a un comportement bizarre : elle soliloque, ne se souvient plus d’un ancien ami, on ne sait trop si elle a un burn  out, la maladie d’Azheilmer, la crise de la cinquantaine, elle erre dans sa vie et l’on assiste à une lente descente dans un no man’s land. Jusqu’au jour où…

Le film est très lent, on vit au jour le jour avec Agnès Jaoui qui est prodigieuse, ne quittant jamais l’écran, mal coiffée, pas maquillée mais d’une grande beauté, avec des gros plans d’une émotion folle. Et il s’y dégage à la fin une magie, une poésie incroyable.
C’est au Six N’Etoiles qu’on rencontre Adam et Agathe, les enfants de Sophie, qui ont terminé le film  que leur mère n’a pu mener au bout.
« Agathe et Adam, votre histoire est à la fois touchante et belle puisque vous avez tenu la promesse à votre mère : Faire vivre ce film qu’elle n’a pas eu le temps de terminer.
Comment cela s’est passé ?

Agathe : Notre mère a été hospitalisée le lendemain de la fin du tournage. Nous étions bien sûr avec elle à l’hôpital, elle a su qu’elle ne pourrait pas terminer le film et tout de suite elle nous a demandé à tous les deux de la remplacer sur le montage, de le superviser avec le monteur qu’elle avait choisi, ainsi que toute la post production, l’étalonnage, le mixage, le montage son avec ses collaborateurs.
C’est un énorme travail, surtout que ça n’était pas dans vos cordes…
Agathe : Oui, c’était énorme mais tout le film était déjà tourné…
Adam : Et l’on a pu parler avec elle des possibilités du montage, on a regardé quelques rushes, elle nous a donné des indications précises. On a quand même pu assez communiquer avec elle pour pouvoir prendre la relève.

Quels ont été les plus gros problèmes que vous avez rencontrés ?
Adam : Des problèmes, il y en avait par le fait que notre mère n’était pas là. Mais cela ne nous a pas empêché de faire certaines choses, on a pris le film comme il était, on a travaillé avec le monteur. Nous étions submergés mais pas découragés. Les problèmes de montage, il y en a toujours mais qui se résolvent par le travail, l’aide des collaborateurs…
Agathe : Déjà, lorsqu’on a visionné les rushes, la matière était tellement forte, on aimait déjà tant le film qui n’était pas encore là, que cela nous a terriblement portés.
Aviez-vous vu le film non monté avant de le récupérer ?
Agathe : Non. Nous n’étions pas sur le tournage mais nous connaissions très bien le scénario, nous étions très proches de notre mère, on la voyait souvent, nous échangions beaucoup avec elle, nous avions parlé de beaucoup de choses avec elle…
Adam : Nous connaissions aussi tous ses autres films, son cinéma, nous la connaissions aussi très bien et c’est pour cela qu’elle nous a demandé de terminer son film car elle savait qu’on pourrait le faire.
Agathe : Nous étions les plus proches d’elle, de sa manière de concevoir les choses, de sa vision, même si nous n’étions pas expérimentés. Et elle savait que nous serions bien entourés.
Adam : Elle avait très confiance au monteur et ses collaborateurs et collaboratrices. Elle avait déjà travaillé avec eux pour la plupart. Personne ne nous a lâchés, au contraire.
Et les comédiens ?
Agathe : Lorsqu’on a monté le film, durant quatre mois on les voyait tous les jours sur l’écran. Je connaissais bien Agnès Jaoui car j’avais tourné en 2012 avec elle, sur son propre film, j’avais tourné aussi avec Jean-Pierre Bacri mais je ne connaissais pas Philippe Katerine, ni Valérie Donzelli. Lorsqu’on les a rencontrés, le film était déjà fini mais j’avais l’impression de les connaitre.

Dans quel état peut-on être de  présenter le film posthume de sa mère ?
Adam : C’est très émouvant bien sûr et de plus, comme le film a été très bien reçu, nous avons eu de très bons retours du public mais aussi de la presse, c’était assez surréaliste mais de façon très positive.
Agathe : Nous étions aussi entourés de toute notre famille, de beaucoup d’amis de notre mère, des nôtres, c’était à la fois une séance assez majestueuse et en même temps familiale
Adam : J’avais aussi l’impression que c’était un peu une consécration pour le cinéma de notre mère qui était appréciée de beaucoup de gens, de son public mais qui n’était jamais venue à Cannes et elle y a totalement trouvé sa place.
Lorsqu’on voit tous les grands comédiens avec qui elle a tourné y en avait-il ce jour-là?
Agathe : Il y en avait quelques-uns mais tous vont découvrir le film à la Cinémathèque Française où en, même temps que la sortie du film, il y aura une rétrospective, chaque comédien  et comédienne viendra présenter le film dans lequel il a joué. Il y aura Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, sa sœur Hélène Fillières, Judith Godrèche, Lambert Wilson, Mathieu Amalric, Melvil Poupaud et bien d’autres…
Et vous, Agathe !
Bien sûr puisque j’ai tourné deux fois avec elle. La rétrospective aura lieu du 16 au 23 septembre
Ayant des parents cinéastes, vous avez été baignés dans le cinéma ?
Adam : Oui mais nous n’avons pas particulièrement été poussés par nos parents, c’est un peu le destin…
Agathe : Et la passion familiale !
Adam : Oui, c’est quelque chose qui se transmet

L’un a choisi la réalisation, l’autre la comédie…
Adam : Je pense que c’est une vocation de caractère.
C’est-à-dire ?
Agathe : Moi, j’ai commencé très tôt à jouer, j’avais quatre ans et j’adorais ça. Même si j’ai fait des études de lettres et qu’à un moment je ne savais que choisir entre cinéma et littérature. Mais le cinéma l’a emporté car je savais très bien que je voulais être actrice. J’ai débuté avec Raoul Ruiz et j’avais une seule scène… Mais avec Mastroianni !
Adam : Vers 13, 14 ans, j’ai commencé à regarder beaucoup de films, à devenir très cinéphile, j’ai commencé à écrire beaucoup  de scénarios. C’était très instinctif et c’est très vite ce que j’ai eu envie de faire. J’ai toujours écrit pour A 16 ans j’ai écrit un long métrage qui ne s’est pas fait. Plus tard j’ai réalisé un court métrage.
Parlez-nous de ce personnage qui a l’air très perturbé dès le départ du film…
Adam : Je crois qu’elle ne sait pas d’où elle vient, où elle va. Le film est un peu ce trajet qu’elle a de vouloir recoller les morceaux d’une vie dont elle a oublié certaines choses, jusqu’à la fin où il y a pour elle une ouverture
Agathe : En fait, on entre tout de suite dans le film sans savoir qui elle est, ce qu’elle fait, où elle habite. Tout est un peu heurté et on entre avec elle dans le vif du sujet, sa vie, sa gueule. Ce qui peut désarçonner le public qu’on ne prend pas par la main pour expliquer. On est tout de suite embarqué avec elle et on va la suivre ensemble dans son univers.
Au départ, on ne sait pas trop où elle va… Mais elle y va !
Le choix d’Agnès Jaoui qui est incroyable et totalement habitée par ce rôle…
Adam : Elle tient le film, elle est quasiment de toutes les scènes. Mais au départ, notre mère ne savait pas qui aurait le rôle. Elle ne l’a pas écrit pour elle mais une fois écrit le scénario, elle a tout de suite pensé à Agnès… Qui a dit, elle aussi, tout de suite oui après l’avoir lu.
Il y a aussi Philippe Katerine, inattendu et poétique…
Agathe : Oui, nous ne le connaissions pas et il faut préciser que c’est lui qui a écrit la musique de fin car il n’y a aucune musique tout au long du film. Pendant le tournage, il a improvisé la musique sur son ukulélé Et on l’a gardée.
Comment votre mère a-t-elle eu l’idée de ce scénario ?
Agathe : C’est quasiment un autoportrait Presque tous ses films sont des portraits d’elle, décalés, remis dans un autre contexte. Mais ce film est sans doute le plus proche d’elle.
Adam : Il y a beaucoup de choses d’elle. Elle a même récupéré ses vêtements pour habiller le personnage, ses bijoux, l’appartement dans lequel vit Agnès et celui de notre mère »
Belle leçon de courage et d’amour pour ces deux jeunes gens qui ont voulu que l’œuvre de leur mère existe et continue d’exister.

Avec Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles, Adam & Agathe Bonitzer

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon


Karim LEKLOU : Un regard, une humanité


Aymeric (Karim Leklou) est un gars sans problème, solitaire, introverti… Mais gentil.
Il retrouve Florence (Laetitia Dosch) une copine avec qui il a travaillé, qui a été lâchée par son mec qui lui a laissé un souvenir avant de partir : un bébé à naître.
Karim tombera amoureux, prendra la grossesse et l’enfant en charge. En fait, il sera son papa durant sept ans. Le temps que revienne le vrai père et que le drame s’installe.
Le père veut retrouver son fils, la mère alors décide de prendre Aymeric comme parrain avant que tous trois aillent s’installer au Canada laissant Aymeric dans une tristesse profonde.
Jusqu’au jour où…
On n’en dira pas plus sur ce film signé des frères Larrieu « Le roman de Jim ».
Trois beaux acteurs dont Karim Leklou qui crève l’écran avec cet air doux et triste, qui prend tous les coups – et ils seront nombreux – qui encaisse sans broncher.
Quant à Laetitia Dosch, elle est d’une inconséquence et d’un égoïsme crasses au nom de la liberté, ne se rendant pas compte du mal qu’elle fait à cet homme et à ce gosse.
Enfin Florence (Sara Girodeau) qui va être le catalyseur pour qu’Aymeric retrouve un espoir, une vie, vie qui l’a si longtemps malmenée.
Un trio de magnifiques comédiens avec Karim, ce bon toutou qu’on a envie de protéger avec ce regard, malgré un calme et un sourire qui cachent tous les malheurs du monde.
Une fois de plus il nous surprend, il nous séduit, il nous émeut par tant d’amour et d’humanité, comme le grand comédien qu’il est… Et qu’on a plaisir à retrouver après la projection du film au Six N’Etoiles où il nous rejoint.
Si Karim n’est pas une star, il est l’un de nos plus beaux comédiens français, à la filmographie impressionnante, chargé de prix de meilleur comédien et recordman de films présentés à Cannes dans diverses sections, dont ce film des frères Larrieu.

Et ce regard.
Un regard qui ne lâche pas le vôtre, qu’on ne peut pas lâcher non plus tellement il est intense. Et l’homme ne nous déçoit pas, bien au contraire. Il nous séduit par sa gentillesse, sa simplicité et sa façon lucide de voir le cinéma.« Karim, votre personnage est un vrai gentil… Trop gentil ?
Je dirai que c’est quelqu’un de résilient. C’est vrai que c’est un homme gentil mais qui ne s’apitoie pas sur lui-même, quelqu’un qui fait face. Il n’a pas une forme de passivité mais il fait comme il peut, comme d’ailleurs tous les personnages du film. Ce sont des gens qui ne sont pas plus intelligents que l’histoire qu’ils vivent. C’est ce qui m’a touché dans le scénario car il y a une qualité assez rare : c’est un personnage qui n’a pas forcément un changement d’étape psychologique très important mais qui, par sa gentillesse, risque de perdre une part de sa vie. A mon avis c’est très fort. Ce qui m’a plu également c’est qu’à un moment tout peut dérailler.
Le personnage accepte quand même beaucoup de choses sans broncher !
Au départ il tombe amoureux et du coup il reçoit cet enfant qui n’est pas de lui. Ce n’est pas le plus beau jour de sa vie mais il accepte d’en être le père. Il y a plein d’étapes qui font qu’il va aimer ce gosse qui n’est pas au départ programmé dans sa vie. Il fait avec la réalité du moment. Il vivra sept années idylliques dans ce cadre magnifique du Jura.
Le scénario est tiré du livre éponyme de Pierric Bailly…
Oui et ce qu’il y a de formidable c’est que Jean-Marie et Arnaud Larrieu n’ont pas trahi le roman. Mieux : ils ont fait participer Pierric au scénario, ce qui n’est pas une obligation. Mais il y avait une transparence, ils ont fait ensemble les repérages, les gens de Saint-Claude les ont aidés et d’un coup, il y a eu une synergie qui s’est créée.

Aviez-vous lu le roman ?
Non, je l’ai lu après, je ne voulais pas du tout le lire avant, j’avais très peur de trouver d’autres éléments par rapport au scénario pour ne pas me créer un autre imaginaire. Je me suis vraiment basé sur le scénario. Par contre, je me suis très vite trouvé hyper proche de Pierric. C’est un gars très simple, vrai intello mais très accessible, très généreux.
Vous vous êtes trouvés en phase avec lui, avec ce scénario avec les réalisateurs ?
Oui, nous avons beaucoup échangé sur l’écriture du scénario, j’étais très touché par sa vision de ces liens qui se distendent, qui dépassent les liens du sang. Ça a une forte résonnance avec la vie d’aujourd’hui. Je trouvais aussi le portrait de ces deux femmes très moderne, très actuel… On n’est pas dans « L’amour est dans le près » ! Les discussions ont bien fonctionné entre les frères Larrieu, Prerric et moi. D’autant qu’au départ j’étais surpris que les frères Larrieu fassent appel à moi, je ne pensais pas pouvoir entrer dans leur monde qui est loin de moi. Mais dès la première rencontre, je suis tombé sous leur charme,  je les ai adoré par leur humanité, par leur vision mais aussi par leur fantaisie, par leur écoute. Ce sont des réalisateurs qui aiment les gens, qui font attention aux autres.
Comment définiriez-vous le film ?
C’est un film social, c’est un grand mélo, c’est un film romanesque, c’est un film d’amour, c’est aussi peut-être un film politique car ça parle de ces liens qui se tissent sans qu’au départ ce soient des liens familiaux. C’est un film de la France d’aujourd’hui que je suis très heureux de défendre car je crois que je n’avais jamais défendu cette notion de gentillesse et de douceur dans un film qu’au départ je ne me sentais pas légitime d’être.
Je dois vous avouer que, même dans d’autres films, j’ai toujours été subjugué par votre regard dans lequel, sans rien dire, vous faites passer tellement de choses !
Merci maman ! Merci à vous aussi car ce que vous dites me touche. Mais je crois que c’est aussi un travail de tout le monde.

Vous parlez toujours des autres, pas de vous !
Oui mais le regard ça dépend aussi du chef opérateur, de la façon qu’il a lui-même de vous regarder. Comment il vous filme et ce qu’il perçoit de vous. Il y a aussi l’importance des silences, des regards. Personne n’a rien inventé depuis Chaplin ! Il y avait toute l’universalité que je retrouve dans ce film. C’est un film qui ne va pas dans l’artifice.
Alors parlons de vos deux partenaires féminines.
Laetitia est une actrice sensationnelle qui m’a impressionné par sa capacité totale à plonger dans les scènes. Elle a un rôle difficile et arrive à l’humaniser… Je l’aime et la respecte profondément. Elle a une force dingue de travail et de proposition qui l’amène dans un ailleurs de sincérité, de vérité, de liberté, de courage, d’humanité.
Sara, c’est magique. On a l’impression d’une grande facilité. Elle raconte beaucoup de choses dans les regards, dans l’énergie qu’elle met dans son personnage qui fait du bien au film. Dans le film, c’est un soleil qui emporte tout.
J’ai pris un grand plaisir à jouer avec ces deux actrices.
Ce film a-t-il changé quelque chose en vous ?
C’est un film qui m’a touché, qui m’a de plus en plus donné envie d’explorer des fonds universels, de continuer d’aller vers des films très différents, comme je l’ai fait souvent. Des films qui permettent de voyager à l’intérieur de vous-mêmes, de vous interroger sur vous. Ça me rend encore plus curieux de travailler avec des gens différents, d’oser encore plus d’être qui on est. Et c’est un métier qui demande d’être humble, de s’intéresser aux autres. Ce film m’a conforté dans une certaine idée de l’humanité.

Pascale Parodi, présidente de « Lumières du Sud », Patrick Perez adjoint, Karim Leklou,
Thierry Mas Saint-Guiral, Noémie Dumas et Jérôme Quattieri, codirecteurs du Six N’Etoiles

Parlons du festival de Cannes. Vous êtes un recordman des films présentés, toutes catégories, jusqu’à celui-ci qui était en projection officielle…
J’étais très heureux que ce film se retrouve là-bas, comme chaque fois que je viens y défendre un film. Ce sont toujours de belles naissances d’un film, une place privilégiée Pour celui-ci, surtout lorsque c’est un film d’auteur ou d’art et essai. Je suis toujours très heureux pour les comédiens, pour l’équipe avec qui j’ai partagé un certain temps. C’est pour ça que j’aime Cannes, c’est une chance d’exister pour les films. Cannes ce n’est pas moi mais les films qui m’ont permis d’y aller et de les défendre. C’est le film qui vous amène à Cannes, par les comédiens. On porte un film en commun et on essaie de les faire vivre. Je suis heureux de les présenter avec toute l’équipe ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Chateauvallon-Liberté :
Une nouvelle brillante saison s’annonce

La saison sera un peu particulière pour Chateauvallon qui fête cette année ses 60 ans d’existence.
Pour les moins de vingt ans qui ne peuvent pas connaître, il faut rappeler que les « anciens » comme moi, ont vu naître, pierre après pierre ce village aux allures grecques  que l’on doit à un génie nommé Henri Komatis et qui fut dirigé par Gérard Paquet durant des décennies, jusqu’à l’arrivée du FN à Toulon.
A ses côtés le Liberté, théâtre qui a vu le jour à Toulon en 2008 qui, malgré sa jeunesse, nous a déjà offert un magnifique éventail de spectacles, de créations, d’artistes magnifiques.
Aujourd’hui ces deux superbes lieux de Culture sont devenus scènes nationales, le  premier, dirigé par Stéphane de Belleval, le second par Charles Berling. Tous deux dirigés par deux présidentes : Chateauvallon par Françoise Baudisson, le Liberté par Claire Chazal. Avec l’amiral Yann Tainguy pour présider l’union des deux lieux.
Et c’est sous un beau et chaud soleil que, comme à l’accoutumée, tous étaient réunis dans l’amphithéâtre de Chateauvallon pour présenter, chacun leur tour, la programmation de la saison 24/25.

Quelques artistes étaient venus présenter leur spectacle que l’on découvrira cet hiver, interviewés magistralement, avec toujours la même classe, par Claire Chazal.
C’est ainsi qu’on eut la joie de découvrir qu’un grand monsieur inaugurera la saison à Chateauvallon le 13 septembre : Michel Jonasz himself, accompagné par le grand pianiste Jean-Yves d’Angelo pour un piano-voix très jazzy auquel se joindra le Enzo Carniel Quartet.
Ouverture en majeur, donc.
Tout comme au Liberté puisque pour ouvrir la saison, il accueillera, du 25 au 28 septembre » un Molière et pas des moindres : « Dom Juan » mis en scène par Macha Makeief, qui fut directrice de la Criée et qui est une habituée du Liberté, Deux grands comédiens pour porter ce chef d’œuvre : Xavier Gallais et Vincent Winterhalter.
Et durant une heure nous devions découvrir le choix des deux théâtres que l’on ne peut tout vous donner ce jour mais que vous pouvez découvrir sur la brochure ou sur le site internet.
Notons quand même la venue de Thomas Quillardet au Libert,é du 6 au 8 novembre avec son spectacle « En addicto », Grégory Montel et Lionel Suarez à Chateauvallon pour un spectacle dédié à Claude Nougaro , le 10 décembre. Le retour du chorégraphe Jean-Claude Gallota, les 18 et 19 décembre à Chateauvallon (qui fut le royaume de la danse) avec son spectacle « Cher cinéma ». Grand moment au Liberté, les 16 et 17 janvier, avec « L’amante anglaise » de Marguerite Duras avec la sublime Sandrine Bonnaire. Autre magnifique artiste : la chanteuse Flavia Cohelo qui nous offrira son nouveau spectacle « Gingo » le 31 janvier à Chateauvallon.
Encore un grand moment avec la venue d’une comédienne aujourd’hui internationale : Camille Cottin qui nous donne « Rendez-vous » les 1er et 2 mars au Liberté. Le Liberté qui recevra  Stacey Kent, reconnue aujourd’hui comme l’une des plus grandes chanteuses de jazz de sa génération et qui se produira avec son quartet au Liberté le 14 mars. Bien sûr, Charles Berling viendra dans sa maison du 25 au 28 mars pour interpréter « Calek », d’après les mémoires de Calek Perechodnik.


Du Feydeau, auteur déjà déjanté mais qui, avec, la comédienne et circassienne Karelle Prugnaud, le sera encore plus avec « On purge bébé ». Encore un Molière : « Les fourberies de Scapin » mis en scène par Muriel Mayette-Holtz, issue de la Comédie Française, qui fut directrice de la Villa Médicis et tient aujourd’hui la direction du Théâtre de Nice.
N’oublions pas l’Opéra de Toulon, dirigé par Jérôme Brunetière, qui, toujours fermé pour rénovation, viendra se joindre à la programmation des deux sites avec « La belle Hélène » d’Offenbach au Liberté du 13 AU 18 mai
Bien évidemment, la liste est loin d’être exhaustive et, entre théâtre, danse, musique, chanson cirque, marionnettes, music-hall, cabaret, les « Théma » et la « passion bleue » qui sont aujourd’hui très suivis, les expositions, le pont culturel entre ces deux espaces que nous avons la chance d’avoir dans le Var, est large, riche, varié.
Ce sera encore une belle année !

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Les équipes de Chateauvallon-Liberté

Les lumières du Sud se sont éteintes…
Jusqu’en septembre !

Lundi soir au Théâtre Daudet, on aurait pu se croire à Cannes !
En effet, Pascale Parodi et son équipe de « Lumières du Sud » organisaient le palmarès de toute la saison cinématographique de l’association. Une saison riche en découvertes et en émotions, de films venus de tous les coins du monde.
Une présélection avait été faite de douze films dont le jury, c’est-à-dire, les adhérents et le public devaient choisir pour trois sections : le scénario, la réalisation et le prix d’interprétation masculine et féminine.
Pour se remémorer les films sélectionnés, nous eûmes droit à la bande annonce de chaque film et… la discussion pouvait alors démarrer, animée par la présidente ainsi qu’Isabel et Frédéric Mouttet.
Chacun pouvait avoir son mot à dire et ne s’en priva pas !
Dès le départ, deux films étaient jugés hors compétition : le film de Delphine Seyrig « Sois belle et tais-toi » qui est un documentaire sur la situation des comédiennes dans le cinéma, Delphine Seyrig en ayant beaucoup interrogé.
Le second, « Italie, le feu, la cendre », de Céline Gailleurd et Olivier Bohler, autre documentaire sur le cinéma muet italien qui fut prolifique mais dont beaucoup de films furent détruits.

Ceux-ci ayant été enlevés de la course, un autre fit un peu polémique : « La fiancée du pirate » de Nelly Kaplan où Bernadette Laffont était d’une beauté sidérante. Avait-il lieu de le sélectionner alors qu’il a fait en son temps, en 1969 un énorme succès et a fait découvrir cette belle comédienne aujourd’hui décédée. Mais après de longs palabres, il resta en compétition et… c’est  Bernadette Laffont qui obtint le prix de la meilleure comédienne !
Autour de tous les autres films, les discutions allèrent bon train, les goûts, les idées, les regards étant très différents, chacun les défendant pour des raisons personnelles.
A noter qu’Isabel fut une acharnée pour défendre ou critiquer les films eux-mêmes, ou le scénario, ou l’image…
Mais tout se fit dans la plus belle ambiance possible, avec un zeste de passion, quelques doses d’humour, chacun défendant ses idées. Au vote à main levée, je ne suis pas sûr que certains ne votèrent pas plusieurs fois mais, bon, ce fut un jury bon enfant, moins stressé qu’un jury cannois.

And the winners are : « Good bye Julia » de Mohamed Kordofani, qui remporta à l’unanimité le prix du meilleur scénario et de la meilleure réalisation.
Pour le prix d’interprétation, hormis Bernadette Laffont pour la comédienne, c’est Olivier Gourmet qui remporta le prix d’interprétation masculine pour le film d’Antoine Russbach « Ceux qui travaillent ». Avec un prix spécial pour la jeune Tomoko Tabaka dans le film de Ninna Pàlmadottir « Le vieil homme et l’enfant – Solitude ».
Et comme à Cannes, tout se termina par une fête où chacun avait apporté de quoi boire et manger et les discussions continuèrent de plus belle, juste le temps de faire difficilement quelques photos sur la montée des marches… de Daudet, moins spectaculaires que celles de Cannes mais tellement plus conviviales !
Les Lumières se sont donc éteintes avec la clôture de la saison mais déjà, Pascale et son équipe sont en train de fomenter une nouvelle saison qui démarrera en septembre.
En attendant, tout le monde s’est déjà donné rendez-vous au Six N’Etoiles pour une soirée exceptionnelle le 24 juin : la présentation du film  « Le roman de Jim » des frères Larrieu avec, en invité d’honneur le héros du film Karim Leklov

Pascale Parodi, Isabel & Frédéric Mouttet

Et puis, ce seront les festivals d’été en attendant la rentrée.
Un grand bravo à Pascale et son équipe qui œuvrent avec passion pour le cinéma et nous offrent de grands films, de beaux invités et des soirées à a fois intelligentes et chaleureuses. On s’y retrouvera !

Jacques Brachet

Lumières du Sud : Nicolas PABAN
De Toulon à Toulon


« La rivière des Amoureux » est une histoire, enfin, une histoire, un document un peu fiction, une fiction un peu documentaire, en fait, un OVNI difficile à identifier justement mais qui a ces qualités d’être à la fois, surréaliste, poétique, un peu déjanté mais surtout plein d’humanité. Et il fallait tout cela pour qu’un film dans un quartier toulonnais pas vraiment glamour, devienne par la caméra magique de Nicolas Paban, Toulonnais vrai de vrai, un film qui surprend, qui fait rire, qui émeut, qui enchante.
Quelle belle idée Pascale Parodi, directrice de l’association « Lumières du Sud », d’avoir réinvité Nicolas car nous l’avons déjà rencontré et à chaque fois c’est une heureuse surprise.
Bien évidemment, comme chaque spectacle scolaire de fin d’année, nombre de participants et de leur famille avaient rempli le théâtre Daudet !

« Nicolas, Toulonnais pur jus !
Oui, j’y suis né et j’y ai toujours vécu.
Le cinéma est arrivé comment dans ta vie ?
Depuis aussi longtemps que je me souvienne… Tout petit j’étais déjà fasciné par les caméras, j’ai toujours adoré aller au cinéma. Je m’y suis mis un peu tard, à un moment de ma vie où je me suis dit que si j’avais envie de faire du cinéma… Je n’avais qu’à en faire !
J’ai commencé avec mes propres moyens et avec peu de connaissances au départ et j’ai appris peu à peu, sur le tas.
Tu as fait une école ?
Non et je n’ai jamais quitté Toulon, je n’ai pas fait d’école, j’ai fait du cinéma tout à fait en autodidacte. Film après film, j’ai appris de mes erreurs, j’ai continué à écrire, à tourner, peu à peu mes films ont été pris dans des festivals, j’ai commencé à avoir des prix et je n’ai jamais arrêté, pour mon propre plaisir.
Tu en es à combien de courts-métrages ?
C’est difficile de les compter, j’en ai fait beaucoup, plus d’une vingtaine je pense.
Alors, comment te débrouilles-tu pour trouver des techniciens, des comédiens et bien sûr, de l’argent ?
Tout dépend du film, là, en l’occurrence pour « La rivière des amoureux », c’est un lieu culturel « Le Volatil » qui m’a proposé de faire un film sur le quartier dans lequel ils sont, c’est donc une demande particulière, sinon, à chaque fois que je fais un film, je monte une équipe, que ce soit pour les techniciens ou les comédiens. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnes, tout dépend de la disponibilité des gens, du hasard de mes rencontres aussi…
Mais il n’y en a pas pléthore sur Toulon ?
Détrompes-toi ! Il y a des tas de techniciens professionnels et amateurs qui ont envie de faire des films…

Il y a beaucoup de compagnies théâtrales et de comédiens amateurs, c’est là que tu vas les chercher ?
Eh bien non, ce sont souvent des gens de mon entourage. Moi-même je faisais partie d’une compagnie de théâtre, « Toutim » qui n’existe plus mais j’avais autour de moi des gens qui étaient comédiens et c’était facile pour moi d’en trouver. D’ailleurs ce sont souvent les comédiens eux-mêmes qui m’inspirent des personnages…
Ce qui implique que tu écris les scénarios ?
Oui, la plupart du temps mais je peux aussi parfois les coécrire, Ça m’est arrivé d’écrire à deux et même une fois à trois.
Ce doit être un peu compliqué, non ?
Oui, parfois mais à deux ça marche bien. Il faut seulement bien s’entendre et avoir un peu le même univers. Notamment avec Guillaume Levil , qui est venu à « Lumières du Sud » et que tu as interviewé d’ailleurs, et avec qui j’ai écrit plusieurs scénarios.
Il est Niçois. Comment l’as-tu connu ?
Dans un festival. Les festivals sont des lieux très importants pour nous car on y fait beaucoup de rencontres. On s’est donc croisé plusieurs fois, chacun aimait ce que faisait l’autre et l’on est devenu amis. On se voit de temps en temps, on s’appelle, on fait des allers-retours par mails… On fait du ping-pong ! On écrit ensemble, il n’y a pas de règle, ça dépend du désir, de l’idée de l’un ou de l’autre, on s’adapte, chacun y apporte sa patte.
As-tu pensé à faire un long-métrage ?
Oui, bien sûr. J’ai des idées, je suis justement en train de coécrire un long-métrage mais on ne peut pas l’autofinancer, il faut beaucoup de temps pour tout : trouver de l’argent, donc, passer par le cursus normal et ça demande un sacré boulot, il faut faire des dossiers, des notes d’intention, plein d’autres choses… Alors je joue le jeu mais pendant ce temps je ne fais pas de films. Tout est très chronophage mais bon, j’aime ça, donc je dois passer par là. Pour l’instant, je suis dans une bonne dynamique, donc, je fonce.

Revenons à « La rivière des amoureux »
« Le Volatil » est un collectif auquel j’appartiens. Il s’y fait tous les ans un festival de musique, danse, théâtre. Je me suis investi et Romain Berthier, qui en est le directeur artistique, m’a proposé de faire un film avec les gens du quartier Aguillon. J’aime bien ce genre de défi. On a déposé des prospectus dans les boîtes aux lettres expliquant ce qu’on voulait faire et qu’on recherchait des participants pour aider au tournage. On a eu une trentaine de réponses, on a monté une équipe et on a réalisé le film en une semaine au début juillet. Et on a fait l’ouverture au festival « Crash et décollage » qui a lieu le dernier week-end d’août. Ça a été un long travail durant tout le mois de juillet mais la projection en plein air a été un moment magique.
Donc ce film va partir dans les festivals ?
Ça a déjà débuté par le festival itinérant « Les Nuits Med », organisé par Alix Ferrari, qui se passe entre Toulon et la Corse. Puis, il y a deux semaines, il est allé aux 42èmes rencontres de Cabestany, près de Perpignan. J’avais peur qu’en dehors de Toulon il n’intéresse pas grand monde… Et il a eu le prix du jury présidé par Bernard Menez !
Donc, ça démarre bien !
Oui, d’autant qu’un film sur un quartier de Toulon, on ne sait pas si ça va plaire ailleurs. Mais il y a un très bon retour du public, donc ça augure de belles choses.
Et maintenant… Que vas-tu faire ?
Je termine un court-métrage, une comédie noire qui s’appelle : « Autres : précisez ». Il est en cours de montage et je suis en train de chercher les financements pour un film  que j’ai coécrit et que je vais coréaliser avec Guillaume Levil. Le titre c’est « Moi » et il faut beaucoup d’argent… Enfin, l’argent qu’il faut !
Mais sans ça, il se fera quand même ! »

Une partie de l’équipe avec Nicolas et Pascale

Jacques Brachet

Loïc NICOLOFF : Un Marseillais qui tourne bien !


Il a le regard bleu Méditerranée… Normal, il est né à Marseille !
Illustrateur, scénariste, réalisateur, bientôt écrivain, Loïc Nicoloff est né dans le cinéma tout petit. Exactement à 6 ans, lorsqu’il découvre le film « L’empire contre-attaque » avec son grand-père.
De ce jour le cinéma lui est resté chevillé au cœur et au corps et aujourd’hui il en a fait son métier.
Belle idée qu’a eue Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud », de l’inviter pour deux jours au Six N’Etoiles pour une carte blanche, choisissant pour le public, trois films totalement différents et venus de pays différents : La France, l’Argentine, le Japon.
Installé à Aix-en-Provence où il enseigne l’écriture de scénario, ça ne l’empêche pas de tourner des films, d’écrire des BD et un roman qui ne saurait tarder de voir le jour.
Le sourire avenant et le rire sonore, il nous raconte tout sur sa vie liée au cinéma.

« D’abord, je  suis né à la maternité de la Belle de Mai… devenue la Maison du Cinéma… C’était prémonitoire, non ? nous dit-il en riant !
Alors cette révélation cinématographique à 6 ans ?
Ça a été le choc visuel, après avoir vu un ou deux Walt Disney avant… Je me rappelle de la grande salle sur la Canebière, en plus, le film finit mal, ça a remué plein de choses en moi et j’ai été tout de suite accro. Tous les lundis, journée du tarif réduit, ma mère m’y amenait. J’ai vraiment bouffé du cinéma et c’est ça qui a tout déclenché.
Tu te disais déjà que tu serais réalisateur, comédien ?
Comédien jamais, réalisateur oui, mais alors je ne pensais pas en faire et je suis tombé un jour dans une librairie à Saint-Tropez sur un hors-série de « Starfix » consacré aux effets spéciaux. D’un coup j’ai eu la vision qu’on fabriquait un film et que c’était de l’illusion. Et j’ai eu envie de faire des effets spéciaux, de raconter des histoires mais c’était un rêve, comme on rêve d’aller sur la lune. J’ai fait un diplôme d’informatique et de comptabilité mais j’ai eu la chance d’aller au premier festival des scénaristes de la Ciotat en 98. Je me suis présenté, on devait écrire un scénario de court-métrage en 24 heures et j’ai gagné ! Le prix m’a été remis par Jean-Claude Iso et c’est ça qui m’a permis d’entrer dans le milieu du cinéma.
Et alors ?
Alors j’ai commencé à rencontrer des producteurs, des réalisateurs, j’ai bossé six ans, j’ai fait tous les métiers du cinéma sur le tas… La seule chose que je n’ai pas faite est… maquilleuse ! J’ai même fait costumier ! Je me suis retrouvé en 2004 sur une énorme série télé et c’est là que je me suis dit que je voulais être réalisateur.

C’était quoi cette série ?
Elle s’appelait « Bin’o Bin ». C’était tourné à Marseille pour Canal Algérie. J’étais premier assistant, ce qui était loin de ce que je res mais ce qui m’a permis de me dire que je voulais être réalisateur et à l’origine de projets. J’ai alors fait beaucoup de courts-métrages, quinze autoproduits et cinq produits dont mon dernier « Rocambolesque » en 2016 avec Amaury de Crayencourt et Nicolas Marié. Budget de 135.000 euros, cinq jours de tournage, des effets spéciaux, des cascades, des animaux exotiques… Le pied absolu ! On a fait 70 festivals, on a eu dix prix… surtout à l’étranger. Depuis, je me consacre à mon long-métrage, on part en financement avec un producteur.
Tout ça à Marseille ?
Non, j’ai fait une parenthèse de dix ans à Paris car il faut avoir les réseaux et ils sont à Paris. Donc j’y suis parti en 2008, j’ai créé mes réseaux, j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme, qui était d’Aix-en-Provence et je suis redescendu en 2018. Je fais toujours des allers-retours mais depuis le Covid, on fait beaucoup de réunions en zoom.
J’ai vu que tu avais été sur la série « Nos chers voisins »…
Non, j’ai fait la BD de « Nos chers voisins ». Il y a eu quatre tomes que j’ai écrits en tant que scénariste. Et je bosse aussi sur la série « Vestiaires » depuis six ans
comment s’est fait cette BD de « Nos chers voisins » ? ?
C’était une commande très particulière : je devais m’inspirer de la série sans la copier, inventant de nouveaux gags tenant sur une planche, avec un dessinateur, les gags devant être validés par la production, les agents les comédiens. C’était quelquefois compliqué à cause de l’égo de certains comédiens. Et puis il y a eu « Léo Loden » que j’ai co-écrit avec Aleston, le créateur, à partir du tome 16. Depuis cinq ans j’écris seul les scénarios. Nous sommes sur le tome 30 qui se passe pendant la peste à Marseille en 1720.
Alors, avec ça, la réalisation ?
Je voulais réaliser un film sur Jacques Offenbach dont j’adore la musique. C’est un scénario qui se passe sur un an de sa vie, lorsqu’il crée « La belle Hélène » en 1864 mais c’est un film très, très cher qu’on n’est pas arrivé à financer. C’est un film historique, donc en costumes et en France c’est le genre de film qui ne marche pas du tout. En France, la culture histoire-musique, ça ne marche pas. Du coup j’écris un roman d’après le scénario qui me permettra peut-être de revenir sur le film… si le livre marche !

Pourquoi Offenbach ?
Lorsque j’avais 11 ans, on m’a amené voir « La vie parisienne » au parc Borelli et j’ai été ébloui. Il y avait tout ce que j’aimais : c’était rigolo, il y avait de beaux décors, de beaux costumes, de belles musiques…
Et où en es-tu avec le fantastique, qui est un genre que tu adores ?
En fait aujourd’hui je me consacre au film que j’aimerais tourner, qui est à la lisière du fantastique. Mais le fantastique est compliqué à vendre en France. Je préfère faire un film un peu plus « faisable », avec un budget raisonnable. En France, il y a quelques films fantastique qui se font, peu sont bons, peu fonctionnent. A part « Le règne animal » et « Vermine » peu s’en sont sortis. Aux Etats-Unis, il y a des moyens énormes que nous n’avons pas, le savoir-faire et le public. Notre public a une méfiance sur le fantastique Français.
Alors, parlons des trois films que tu as choisis pour cette « Carte blanche » ?
Déjà, on fait la liste au Père Noël puis il y les contingences qui font qu’on peut avoir un film ou pas.
Ce qui m’intéresse c’est que j’aime les bons films, quel que soit leur genre.
J’aime partir dans un univers, qu’on me propose un voyage. Là, ce sont trois films très différents dans la forme, dans l’expression, les thèmes mais qui m’ont à chaque fois surpris, transporté et qui proposent une vision humaine, humaniste sur trois aspecta différents.
« Ceux qui travaillent » d’Antoine Russbach est un film très simple, très linéaire. La trajectoire d’un personnage joué par Olivier Gourmet qui m’a bluffé.
« Dans ses yeux » de Juan-José Campanella a été un choc pour moi. Une thématique sur la passion déclinée, qui peut rendre heureux ou malheureux. C’est une narration d’une pureté incroyable.
« Past lives – nos vies d’avant  de Céline Song c’est une belle surprise. C’est une narration à la manière de « Quand Harry rencontre Sally » une histoire où l’on ne sait jamais où ça va, qui sort des codes. C’est un film qui m’a fasciné »

Après cette parenthèse, qui est sa première carte blanche, Loïc repart sur son roman et sur son film.
C’est une rencontre passionnante avec un homme passionné, qui aime parler de son métier, de ses métiers devrais-je dire et dont j’attends son roman su Offenbach avec curiosité… On en reparlera, on a promis de se revoir.

Propos recueillis par Jacques Brachet

Au Six N’Etoiles avec Pascale Parodi

Lucas B MASSON… La passion cinéma


A le voir arriver vers moi, souriant, silhouette filiforme, il ressemble à un étudiant. Étudiant de… 33 ans qu’il est loin de faire !
Lucas a un métier peu ordinaire puisqu’il est créateur de bandes annonces de cinéma et c’est une passion qu’il a depuis sa plus tendre enfance et dont il a fait son métier. Aujourd’hui il est un des rares à pratiquer ce métier, ce qui fait qu’en plus de son talent, il est très recherché et a à son actif nombre de bandes annonces comme « 120 battements par minute » de Robin Campillo, « How to have sex » de Molly Manning Walker, « Neuf mois ferme » d’Albert Dupontel, « Chien de casse » de Jean-Baptiste Durand et bien d’autres, la liste est longue.
Il a également réalisé pas mal de courts métrages dont certains ont été primés.
Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud », aime nous faire découvrir ces hommes et femmes de l’ombre qui font le cinéma car hormis comédiens et réalisateurs, tous les corps du métier grâce à qui le cinéma existe, sont assez méconnus et sont pourtant indispensables à la réalisation d’un film.
Lucas Masson est l’un d’eux et c’est un vrai plaisir que de le rencontrer.

« Le cinéma est arrivé comment dans ta vie ?
Très tôt, cette passion m’a été transmise par mon père. Il n’était pas du tout dans le cinéma mais c’était un passionné. J’ai donc regardé dès quatre ans des films avec lui… notamment des films fantastiques et des films d’horreur ! Pour certains je n’avais pas le droit de les voir car ma mère veillait au grain ! En fait, on m’autorisait à voir seulement les bandes annonces. Du coup, très jeune j’ai voulu faire du cinéma et bien l’envie de faire des bandes annonces certainement grâce à ça.
Et tu n’avais pas envie de réaliser des films ?
Bien sûr, d’ailleurs j’en faisais avec le caméscope de mon père et je prenais ma petite sœur pour actrice mais j’ai toujours gardé cette passion pour la bande annonce. Ça m’a toujours beaucoup inspiré c’était pour moi très vecteur d’inspiration. Je suis heureux d’en faire et je réalise aussi des courts métrages. Malheureusement (ou heureusement) j’ai été extrêmement accaparé par mon métier et j’avoue que réaliser me manque mais c’était difficile de coupler les deux. C’est pour cela que cette année, j’ai décidé de ralentir la « BA » pour me remettre à la réalisation de mes propres projets.
Quelles études as-tu faites ?
Oui, j’ai fait des études techniques, après mon bac, j’ai fait un BTS des techniques de cinéma et d’audiovisuel durant deux ans puis une licence histoire d’avoir un bac + 3. Mais très tôt j’ai travaillé sur des tournages en tant qu’assistant réalisateur, assistant chef opérateur, J’ai beaucoup appris sur le terrain et parallèlement je faisais beaucoup de montage en autodidacte.

Comment entre-t-on dans ce métier ? Tu avais des relations ?
Je n’avais aucune connaissance, pas de piston ! Il faut, je crois, avoir beaucoup de détermination alors que je suis quelqu’un de relativement réservé. Mais il faut mettre ça de côté et foncer. Ça s’est fait un peu comme ça : je suis parti en vacances aux Etats-Unis à 19 ans mais je suis allé frapper au culot à la porte d’une grosse société de bandes annonces qui faisait celles de Steven Spielberg, JJ Abrams et le directeur de l’époque, Benedict Coulter qui était américain et avait vécu en France, a aimé mon culot car j’ai eu beaucoup de mal avec le vigile et avec sa secrétaire. Lorsque tu arrives à provoquer la rencontre, je pense que c’est plus facile qu’en France où c’est beaucoup plus cloisonné, il y a chez eux ce truc de « méritocratie » où l’on t’écoute.
Tu as donc travaillé avec eux ?
Non parce que j’habitais en France, je n’étais là que pour les vacances. Mais j’ai été « mentoré » par Bénédict Coulter qui m’a recommandé à une boîte française, « Sonia tout court » et durant trois ans j’y ai travaillé comme chef de projet. Je gérais la création de A à Z. Mais j’avais peu de flexibilité sur les choix des films. Du coup je me suis lancé en free lance depuis dix ans.
Ça n’était-il pas risqué?
Oui bien sûr, théoriquement mais j’ai eu cette chance que je n’ai jamais eu besoin de demander du travail, il est toujours venu à moi. Je refuse beaucoup plus de travail que ce que j’accepte. La chance a fait que le bouche à oreille a très vite fonctionné, j’ai eu de plus en plus de demandes. Aujourd’hui 50% des propositions !
Qui te choisit ?
C’est le distributeur à qui incombe la responsabilité du marketing du film et sa promotion et toute la communication du film.

Comment travailles-tu ?
Il faut connaître le film par cœur, le voir absolument et le regarder plusieurs fois. La première fois, je le regarde en spectateur pour recevoir les émotions puis je dissèque le film plan par plan, dialogue par dialogue, j’y reviens souvent dessus pour bien le connaître. Après ça, je travaille en toute liberté et le client vient me voir en toute connaissance de cause, aime avoir des propositions de ma part. J’ai besoin d’avoir cet échange en amont pour qu’il adhère à ma proposition. Le produit fini je le présente et, c’est rare, mais ça peut ne pas plaire et l’on voit les modifications à faire. Il y a des échanges pour que tout le monde soit content.
T’arrive-t-il de travailler sur des films Américains ?
Ça peut se faire lorsque le distributeur français n’aime pas la bande annonce américaine, lorsqu’elle ne s’adapte pas au marché français par exemple Chacun a sa version marketing par rapport à la culture.
Alors, tes courts métrages ?
Le dernier, « Baby sitting » remonte à une dizaine d’années mais il a été présentés dans beaucoup de festivals et a reçu une quinzaine de prix. J’ai décidé d’y revenir cette année. J’ai plusieurs projets dont un sur lequel je travaille en ce moment, qui se tournera entre la France, en Nouvelle Aquitaine et le Portugal, avec justement une grande actrice portugaise. J’ai encore trois autres projets, après il faudra que j’aille sur un long métrage. Du coup je vais ralentir  la bande annonce mais je n’arrêterai pas car c’est un métier qui me donne beaucoup de bonheur.
Ne vas-tu pas regretter de rater des films ?
Il y aura certainement des regrets comme j’en ai déjà eu. J’ai dû refuser des films parce que je ne pouvais pas tout faire mais ça ne m’empêche pas de dormir. Ça ne s’est pas fait parce que ça ne devait pas se faire.
Et en ce moment ?
Je travaille sur des bandes annonces pour le festival de Cannes qui approche à grands pas. Mais je ne peux pas en parler.
On peut parler de ces films que tu vas tourner ?
Celui que je vais tourner c’est court métrage… d’épouvante ! Ça se passe dans un hôtel de province en France. Ça met en scène une femme franco-portugaise émigrée d’une soixantaine d’années, jouée par Rita Blanco, grande actrice portugaise… On va lui faire passer une nuit cauchemardesque dans cet hôtel.
Tu reviens à tes premières amours !
Que veux-tu, on ne se refait pas !!! »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Six-Fours – Six N’Etoiles
Alexandra LAMY : La première salle à son nom !

Nous avions deux hommes : Claude Lelouch et Clovis Cornillac. Le troisième homme… est une femme : Alexandra Lamy !
Venue, avec le réalisateur Edouard Bourgeon présenter en avant-première leur film « La promesse verte », La direction du Six N’Etoiles, Noémie Dumas en tête, a décidé qu’une femme serait la marraine de la troisième salle. Et tout cela s’est fait dans la joie, la bonne humeur et un brin de folie.
Nous avions pu voir le film le matin en projection où Alexandra est d’une force dramatique intense et l’on retrouvait, après une rencontre presse en toute intimité la comédienne, accompagnée de son réalisateur, une femme pétillante, lumineuse et pleine d’humour heureuse qu’on lui ait offert sa première salle de cinéma.
C’est accompagnée de nombre d’élus, d’invités et de Jean-Sébastien Vialatte, maire de Six-Fours que le champagne coula. Le maire dit sa joie qu’elle ait accepté d’être l’une des marraines de ce cinéma, son plaisir aussi de voir le succès non démenti de ces quatre salles, succès qui invite à penser à une… cinquième salle ! L’idée d’installer ce cinéma en cœur de ville et à proximité des spectateurs, fait que son succès va grandissant.


Le film
Quant à Alexandra, qu’on a souvent vue dans des comédies pétillantes, elle porte là sur ses épaules un drame à la fois humain, écologique et politique : la déforestation des forêts d’Indonésie afin d’exploiter l’huile de palme.
Martin (Félix Moati), étudiant qui fait une thèse sur ce sujet, y part pour enregistrer des preuves… Ce qui ne plait pas à beaucoup de gens qui en font fortune. Un complot est monté contre lui, on cache de la drogue dans son sac, il est arrêté et suite à un procès bidon, le voici condamné à mort.
Sa mère, Carole (Alexandra Lamy), qui vit à Paris, va monter au créneau et tout faire pour qu’il sorte de ce cauchemar. La route sera longue car elle va avoir à se battre contre les exploitants d’huile de palme, la police indonésienne, les milices, et les gouvernements, dont la France, qui profitent tous de cette industrie.
Mais ce que femme veut…


Félix Moati, qui a une déjà belle carrière débutée par « LOL » en 2009 y est son fils, beau, émouvant, ne sachant comment il va finir. Quant à Alexandra Lamy, elle est prodigieuse dans ce rôle de femme blessée qui va devenir une lionne pour défendre son « petit ».
Le film est violent, comme ce qui se passe dans ce pays et Edouard Bergeon signe là un film d’une force et d’une intensité inouïes,  qui dénonce ce qui se passe vraiment, non seulement en Indonésie mais partout dans le monde, pour le profit, soutenu hélas par nombre de pays qui y trouvent leur compte au passage. Un drame humain, un drame écologique qui met le doigt sur ce que va devenir l’univers si l’on n’y prend garde.
Un film coup de poing, tout à la fois fiction, docu et thriller mené de main de maître par de superbes comédiens.


La rencontre
C’est encore autour de ces petits bonbons multicolores et ces petites fraises (contiennent-ils de l’huile de palme ??) que nous retrouvons donc ce duo magnifique et volubile.
« D’où est parti ce scénario, Edouard ?
D’une manif d’agriculteurs. Dans mon film « Au nom de la terre », je racontai mon père, l’histoire que j’ai vécu à la ferme car je suis fils et petit-fils d’agriculteurs, très ancré dans ma terre et j’ai déjà produit quelques docs comme « Les fils de la terre », « Ferme à vendre », « Du miel et des hommes » et mon premier film de fiction « Au nom de la terre ». Je suis en train de terminer un doc intitulé « « Les femmes de la terre » qui fera l’objet d’une soirée sur France 2 le 27 février. Le sujet étant le combat des femmes qui sont passées de statut d’invisibilité à, aujourd’hui, actrices de la transition écologique.
Et le sujet du film donc ?
Des gens comme mon père avaient été encouragés à faire dans la culture du colza pour le transformer en diesel. Aujourd’hui on importe de l’huile de palme de Malaisie ou d’Indonésie qu’on retrouve un peu partout. Et pour cela, on tue le poumon de la vie, on déforeste, on brûle des villages. Le film est dans l’actualité et je pense qu’il y est pour un bon moment. Je pars donc de cette histoire qui résonne en moi. Etant journaliste et grand reporter, je suis allé au Brésil, en Argentine et j’avais déjà vu cette déforestation. A partir de là, très vite, je tombe sur un scénario dont l’héroïne est une femme.
Et cette femme…
(Rire d’Alexandra) Elle est là !

Comment y êtes-vous arrivée ?
Ce que j’ai aimé dans ce film est qu’au départ, Carole est madame tout le monde et qu’elle va devenir une héroïne. De plus, le scénario était très documenté et ça, c’est très agréable. C’est un sujet très important que le journaliste qu’est Edouard a réussi à en faire un film de fiction, très riche, très juste car tout est vrai.
J’aime aussi ce personnage pour tout un tas de raisons, entre autres parce qu’elle est l’œil du spectateur.
Le spectateur est comme elle, tout de suite en train de découvrir ce qui se passe là-bas. Pour moi comme nombre d’entre nous, l’huile de palme s’arrête à Nutella. Et en fait, on se rend compte qu’elle est partout.
Le personnage aurait aussi pu être un père à la recherche de son fils…
Alexandra :
Le fait est qu’elle soit une maman, ça veut dire aussi un sentiment d’impuissance. Comment se retrouver face à un lobbying industriel énorme devant lequel elle ne peut se battre qu’avec ses moyens ? C’est une mère avant tout, c’est viscéral et c’est d’autant plus fort car avec un homme il y aurait eu plus de violence. Elle est à la fois naïve, impuissante et cassée par tout ce qui se passe.
Le fils, Martin, a aussi un grand rôle…
Edouard : Il représente la jeunesse militante qui a beaucoup plus conscience de l’écologie aujourd’hui, qui se bat jusqu’au sacrifice.
Y aurait-il un peu de vous, Edouard ?
Bien sûr, ça me raconte un peu quelque part, pour aller témoigner jusqu’au bout du monde. Mais j’avais envie de raconter une femme au quotidien qui va devenir malgré elle une héroïne, prête à déplacer des montagnes pour aller sauver son fils. Je reste toujours à la hauteur de Carole, écrasée sous le poids de la République, dans un monde de diplomatie, du lobbying. Elle se pose plein de questions : Qui est en face  d’elle ? Quel pouvoir a vraiment chacun ? La mène-t-on en bateau ? Peut-elle faire confiance ?
Alexandra : Au milieu de tout ça, elle est bien obligée de faire confiance car elle doit sauver son fils à n’importe quel prix. Une mère est prête à tout, même à l’humiliation totale et à prendre tous les risques. Mais si elle arrive à le sauver elle sait qu’il continuera le combat car on ne peut pas faire taire la jeunesse.

Edouard, n’avez-vous pas eu des problèmes pour tourner en Indonésie et même en France ?
D’abord nous avons tourné en Thaïlande et on a la chance de vivre en démocratie où l’on a encore la liberté d’expression. Nous avons aussi tourné au Quai d’Orsay où nous avons rencontré des gens qui nous ont aidés.
Alexandra : Nous sommes des artistes et l’art permet de pouvoir débattre autour d’une projection. C’est important car on peut en parler avec le public, on a un vrai échange. L’art permet ça, il permet de gagner du temps, de voir mieux les choses et les comprendre et c’est mieux qu’une leçon qu’on pourrait nous donner. Ça permet une réflexion. Dans les pays où il n’y a pas de culture, c’est catastrophique. Nous sommes tous des « consom’acteurs » ! Si tout le monde prend conscience de ça, on est capable d’aller très loin et de faire changer les choses.
Edouard, le choix des comédiens qui entourent Alexandra est parfait : Félix Moati, Julia Chen, Sofian Khammen, David Chin, Antoine Bertrand, Philippe Torreton…
Alexandra est une actrice populaire, dans le bon sens du terme. Il fallait autour d’elle un casting cohérent, tout en nuances car les personnages sont assez ambivalents car pour la plupart, on ne sait jamais quel jeu ils jouent. Avec eux, ça a été une belle aventure, même si les conditions de chaleur et d’humidité ont été quelquefois difficiles à supporter. En février, il fait très chaud en Thaïlande !
Alexandra, vous avez joué presque sans maquillage. Pour une actrice est-ce difficile ?
Pas du tout car c’est le rôle qui veut ça. Que ce soit dans les forêts ou même à Paris ou aux Sables d’Olonne, ce n’est pas sa priorité d’être bien maquillée, bien coiffée. C’est même très loin de sa priorité car elle vit un drame. J’ai joué un rôle où le personnage avait un cancer et là, on était dans un autre monde. Avec la chimio, la femme essaie d’avoir un visage présentable, par des perruques et des maquillages et c’est compréhensible. Mais là, elle n’a qu’une idée en tête, c’est sauver son fils et lorsqu’elle se lève le matin, elle ne pense pas à son physique. Elle pense à son fils.
Vous avez eu une année chargée : quatre films et une série, comédienne, productrice, réalisatrice
Oui, j’ai fait « Alibi.com 2 », « La chambre des merveilles », « Zoch et Tenu », je termine « Louise Violet » qui se passe en 1889 et je joue une ancienne communarde qui part au fin fond de la France pour enseigner… Nous sommes encore dans le monde rural. J’ai aussi un peu produit « La promesse verte ». Et j’ai tourné une série « Killer Coaster » avec ma fille, Chloé Jouannet et ma sœur, Audrey Lamy. Et j’ai d’autres projets !
Et vous Edouard ?
Je continue dans le cinéma agricole et je voudrais réaliser un grand récit assez positif, une grande fresque sur la vie à la campagne mais pas comme on l’idéalise ou on la fantasme, mais dans la réalité.
Mais je ne lâche pas le documentaire ».


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon