Vienne et le Pays Viennois, sur les rives du Rhône, c’est la capitale de la gastronomie, du jazz et de quelques crus parmi les plus grands, sans parler des monuments divers et des vestiges romains.
En ces beaux jours de fin juin flâner le long du Rhône et regarder passer les bateaux promenades, longer les quais jusqu’au pont appelé Passerelle avec vue sur la Tour des Valois, puis virage vers l’imposante ancienne Cathédrale Saint-Maurice, effectuer un petit tour du vénérable Temple d’Auguste et de Livie, déambuler par les rues de la vieille ville, monter jusqu’à l’orée pour une vue sur les ruines du Château de la Bâtie, redescendre vers la porte du festival, monter vers le Théâtre Antique où se tient pendant 15 jours l’un des plus beaux festivals de jazz d’Europe.
Jazz à Vienne
Pour l’ouverture de « Jazz à Vienne » 2014, la 34ième édition, place aux 6000 (six mille) enfants des écoles dont chacun était pourvu d’un harmonica diatonique. Imaginez 6000 harmonicas dans cet immense et acoustiquement parfait amphithéâtre du Théâtre Antique. Le maître de cérémonie pour cette « Epopée du souffle » était l’harmoniciste Greg Zlap qui se présenta en professeur Albert Harmonicus, inventeur de la machine à remonter le temps. Vêtu de différents oripeaux selon les péripéties, il emmena les enfants dans cette aventure imaginaire au cours du temps, de 1863 dans le far-West, jusqu’à notre époque, mais pour y revenir il fallait triompher, grâce à l’harmonica, de différentes situations : train fantôme, monstre, bateau pris dans des vents terribles, les premiers pas sur la lune, etc… Et au final les enfants découvraient la voix du blues. Greg racontait donc cette histoire ponctuée d’interventions de son groupe (Eric Starczan (guitare) Damien Cornelis (clavier) Tristan Bres (basse) Toma Milteau (batterie), tout en apprenant aux enfants à jouer de l’harmonica, par des techniques très simples, comme par exemple : quand il monte son bras on aspire, quand il le baisse on souffle, et il indiquait dans quel trou souffler. L’ampleur du son dégagé était à la fois impressionnante et émouvante. Et voir tous ces petits si appliqués à bien faire – même les enseignants y allaient de leur harmonica – avait quelque chose de réjouissant et d’enthousiasmant. Il faut admirer et saluer le déroulé des opérations : amener et remmener 6000 enfants de l’âge du CP au CM2, dans le calme et la discipline, sans aucun incident, cela mérite un grand coup de chapeau.
Restons avec le jazz.
En fin d’après midi défilé sur les grandes artères de la ville de centaines de danseurs, de musiciens, de tous âges et des deux sexes, en cortèges bariolés et joyeux, avec Samba Sax et Freedoun en collaboration avec la Biennale de la danse. Grande fête façon Carnaval de Rio.
Inauguration officielle au Club Jazz Entreprise avec les Officiels et au son de quelques groupes. Puis dès 20 heures en route vers le Théâtre Antique pour les concerts-spectacles en coproduction avec le Rhino Jazz(s) Festival. Allaient se succéder des groupes festifs qui produisent une musique cousine du jazz. Samba-Sax sur un rythme d’enfer et qui joua un morceau en compagnie des saxophonistes de toutes les écoles du coin, plusieurs dizaines, voire plus, de tous âges et vêtus de rouge, de bleu, de jaune, ou de vert, selon les écoles, et massés en arc de cercle au milieu de l’amphithéâtre : encore quelque chose d’époustouflant ! Suivait Chiva Gantiva, groupe belgo-colombien pour du rock-punk-funk-latino assez déjanté, puis Jungle by Night, de jeunes Hollandais dans de l’Afro Beat revisité, et qui ont encore pas mal de progrès à faire. Avec tous ces gens-là le public tapait le rythme, voire dansait. Pour finir dans un délire musico-pyrotechnique, la Cie K, des Marcheurs de lumière pour la valse des sons, s’empara de l’immense scène. Foule en extase qui hurle, gigote, se trémousse, frappe dans ses mains et ovationne. Ensuite il ne reste plus qu’à parcourir les lieux prévus et aller au fil des rues pour entendre une multitude de groupes divers jouant leurs musiques jusqu’au cœur de la nuit.
Pendant 15 jours c’est toute la ville et les alentours qui sont impliqués dans ce Festival. D’abord, outre le Théâtre Antique, voici les lieux officiels, où l’on peut entendre de la musique, et souvent gratuitement : Le Club de minuit au Jardin de Cybèle, le JazzMix à l’angle quai Riondet et cours Brillier, le RéZZo Focal aux jardins de Cybèle, Caravan’Jazz dans les communes avoisinantes, au Musée Gallo-Romain pour les Muzaïques, et des parades, des conférences, et aussi les bistros, les terrasses ; de quoi mourir de plaisir…
La gastronomie
Vienne est le berceau de la grande cuisine française qui prend racine dans la culture alimentaire romaine. L’implantation géographique de Vienne, la qualité de sa terre, de son climat, en font un véritable jardin. Puis les invasions des siècles passés permirent un brassage de différentes cuisines, s’y ajoutèrent l’influence italienne, l’arrivée des produits du Nouveau Monde, l’usage du beurre, des champignons : tout cela devait concourir au développement d’une grande gastronomie. Pas étonnant qu’avec un tel capital Vienne ait donné naissance à un grand cuisinier, le célèbre Fernand Point ( 1895-1955) qui fonda avec sa femme Mado le non moins célèbre restaurant « La Pyramide » (référence à l’obélisque romain vieux de 2000 ans et toujours là), aujourd’hui 2 étoiles au guide Michelin. Ce Fernand Point forma devant son piano quelques-uns des grands de la gastronomie française: Paul Bocuse, les frères Troisgros, Alain Chapel, Louis Outhier, François Bise, Raymond Thuilier, Chapel, et Patrick Henriroux qui a repris et développé La Pyramide en 1989.
Aujourd’hui Cinq Chefs ont créé l’Agora des Chefs ; Patrick Henriroux (Pyramide, 2 étoiles), Philippe Girardon (Clairefontaine, 1 étoile), Sébastien Desestret (Les Saveurs du Marché), Bruno Ray (L’estancot) et Julien Taurant (Le Brocard), tous référencés au Guide Michelin. Ils se sont donnés comme but de défendre chacun à leur façon leur patrimoine et mettre en valeur le Territoire de Vienne et ses produits, fruits, légumes, fromages, vins remarquables. Plus modeste, allez déguster sur les hauteurs le gratin d’écrevisses à l’auberge de La Source.
Pour être convaincu de leur choix il suffit de se rendre le samedi matin au marché du centre ville, réservé aux producteurs locaux depuis la fin de la Guerre, certains viennent là depuis plus de 30 ans, c’est un enchantement pour l’œil et le palais. C’est d’ailleurs là que s’approvisionnent les grands chefs. Il faut reconnaître que leur cuisine est délicate, belle dans l’assiette, savoureuse, originale, pour un plaisir de bouche sans pareil.
Les producteurs qui viennent sur ce marché ont mis en place un label « Terres Viennoises », une sorte de charte orale pour ne vendre que des produits cultivés ou élaborés sur le territoire. Une belle garantie de qualité. A côté on trouve un autre marché pour les revendeurs classiques ; puis un troisième assez particulier où l‘on vend à la cuvette : on achète ainsi une cuvette de pêches, ou une cuvette de carottes par exemple, évidemment c’est là qu’on trouve les produits les moins chers ; et enfin un quatrième, qui est le marché arabe, avec sa viande hallal et les produits orientaux.
Quant aux vins, c’est le paradis.
Certes ce n’est pas une grande surface de production mais quelle émotion devant ces collines plantées de Syrah pour le rouge le Côte-Rotie et de Viognier pour le blanc, le Condrieu, exposées au soleil sur leurs échalas typiques. Certes il existe quelques autres crus de moindre aura mais excellents, il suffit de venir dans la région pour les découvrir. Ce vignoble qui fut créé par les Allobroges, puis développé en terrasses par les Romains, est l’un des plus anciens de France. Il s’étend sur 300 hectares répartis sur 3 communes, classé AOC depuis 1937, travaillés par environ 160 viticulteurs. C’est un travail de titan car les vignes ont des pentes qui peuvent atteindre 60%, donc pas de machines, tout se fait à la main et à dos d’homme. En 2013 le vignoble a reçu le label « Vignobles et découvertes ».
A signaler que les 27 et 28 septembre ont lieu les « Vinalia », qui sont une fête du vin et de la cuisine antique ; également le marché aux vins d’Ampuis chaque 3ième week-end de janvier. Aussi le Grand pique-nique des gourmets en novembre 2014 sur le site archéologique de Saint-Romain-en-Gal. En juin il y eut 1000 participants, avec chacun son panier de victuailles du cru!
Visite de deux domaines, un grand, celui d’Yves Cuilleron, avec son Condrieu Vertige et sa côte-Rôtie Madrinière, entre autres, des chais somptueux et un accueil digne de Bacchus. Il est parmi les vignerons qui ont relancé les vins de Seyssuel. Puis un domaine de moindre surface avec un autre passionné Martin Daubrée et sa famille au Domaine de Corps de Loup, pour des Côte-Rôties de la Côte Blonde et de la Côte brune, et des Condrieu fils de la lumière céleste.
Après le raisin… la poire Williams
Ne pas oublier l’autre fleuron du territoire : la poire, le Triomphe de Vienne. Et avec cette poire on peut faire l’un des meilleurs alcools de fruit. L’eau de vie de poires Williams serait née près de Vienne à Villette-de-Vienne et alentours dans les années 1930 par distillation de la poire Williams venue d’Angleterre, appelée aussi « Bon-Chrétien » au moyen-âge, et « Bartlett » aux Etats-Unis, sous l’impulsion du cuisinier Fernand Point qui provoqua son ami l’arboriculteur Joannès Colombier, également bouilleur de cru, à se lancer dans la distillation de la Williams au lieu de faire du marc. Après un démarrage difficile ce fut un succès. Aujourd’hui cette distillerie Colombier est menée, avec autant de passion et de savoir faire, par Stéphane et Sophie Jay.
Visite à Vienne
Vienne, qui profite d’un patrimoine riche de 2500 ans d’histoire, possède de nombreux musées et édifices : outre le Théâtre Antique où se déroule tant de spectacles avec une jauge de 7500 places, on peut visiter le Temple d’Auguste et de Livie, lequel grâce au poète Prosper Mérimée a retrouvé son harmonie originelle au XIX° siècle, Le Jardin archéologique de Cybèle, la Cathédrale Saint Maurice, l’Eglise et Cloître Saint André le Bas, le Musée archéologique Saint Pierre, le château de Septème, le Musée de la Draperie, et le Musée et Site de Saint Romain en Gal, de l’autre côté du Rhône, dirigé par l’archéologue M. Behel, homme affable et de grande culture. Ce musée se compose à la fois d’un bâtiment d’architecture moderne et originale et d’un champ de plusieurs hectares qui renferme une partie de la ville antique. Il abrite parmi ses fabuleuses collections quelques céramiques qui sont certainement les plus rares et les plus impressionnantes, après celles du Bardo en Tunisie.
L’art d’aujourd’hui n’est pas oublié puisque en 2013 s’est ouvert un Centre d’Art contemporain : la Halle des Bouchers ; c’est là que jadis les bouchers venaient découper leur viande. Une salle voûtée, en deux parties, peinte en blanc, avec un sol noir offre l’endroit idéal pour y exposer les œuvres d’aujourd’hui. Pour cette saison quelques artistes présentent des œuvres originales, partant d’une démarche originale, dont le nom générique se trouve être « Les Sons du Silence », démarche qu’il faut prendre le temps de connaître pour apprécier pleinement le résultat. Ces artistes utilisent des media divers : photo, vidéo, installation, dessin. Ce sont Elisabteth S.Clark, Charlotte Moth, Julien Tibéri, Sébastien Rémy, Maxime Rossi, Emilie Pitoiset et Damir Ocko.
Il y a tant de choses, tant de choses à voir, à boire, à faire et à manger, en ce beau pays viennois. On trouve tous les renseignements dans « Secrets de Vienne » et à l’Office de tourisme, où le meilleur accueil vous est réservé, par une équipe joyeuse et compétente sous la houlette de leur sympathique et efficace directeur, Olivier Sanejouand.
Serge Baudot
Bibliographie sommaire :
-Secrets de Vienne 1 : Cent ans de gastronomie à Vienne : Charlotte Mounard – EMCE Lyon 2012 (Tout ce que vous voulez savoir sur cette gastronomie) -Vienna : Bouchard,Helly, Martin – Casterman (L’histoire romaine de Vienne) -Histoires d’affiches à Jazz à Vienne : Bruno Théry, Jean-Paul Boutellier – Editions lyonnaises d’Art et d’Histoire. (Les troublantes affiches de Jazz à Vienne et un peu de son histoire).
-Secrets de Vienne 2 : 2000 ans de viticulture (EMCC) : Tout ce qu’il faut savoir, et même plus, sur les vins de cette région, avant et après les avoir dégustés.
Renseignements :
Office du tourisme de Vienne et du Pays Viennois
Cours Brillier, CS 700 – 38000 Vienne Cedex – Tel : 04 74 53 80 30
www.vienne-tourisme.com –