Archives de l’auteur : Plumes d'azur

Notes de lectures par Les Plumes d’Azur

ONO-DIT-BIOT : Plonger (Ed Plon )
C’est l’histoire d’amour entre un journaliste et une photographe, tous deux talentueux .
Il a beaucoup voyagé fait des reportages dans des pays en guerre. Ecœuré par ce qu’il a vu, il ne veut plus quitter l’Europe .
Elle au contraire est plus jeune et rêve de pays lointains. Elle se sent étouffée et incomprise dans la vieille Europe malgré le succès de ses photos. Elle a une passion pour les requins. L’enfant qu’ils ont ensemble ne la retiendra pas, elle va partir et réaliser son rêve, plonger au milieu des requins !
Après l’accident, il partira en quête de la vérité et reprendra pour son fils leur histoire, leur rencontre, leur amour naissant en Espagne, ses succès artistiques et cette envie d’ailleurs qui lui a fait abandonner enfant et mari
Un beau livre qui décortique les milieux de l’art, des musées, des expositions, des médias, les dangers du désir d’exotisme et l’incompréhension dans l’amour de l’autre.

Lola LAFON :
la petite communiste qui ne souriait jamais (Ed Actes Sud)
Lola Lafon, a à peine quarante ans, n’a pas connu Nadia Comaneci mais un mystérieux courant a fait qu’elle s’est laissée subjuguer par cette petite prodige roumaine qui a été la plus grande gymnaste aux barres parallèles, obtenant le fameux « 10 » aux J.O de 1976. A partir d’une correspondance imaginaire, de coups de fil mystérieux, elle a imaginé s’entretenir avec l’athlète frêle et gracile qui possédait des muscles et une constitution d’acier. Elle nous fait vivre sous les années noires de Céausescu, les entrainements inhumains des petites sportives sous la férule de Bella, l’entraineur sans méthode qui les a menées au sommet : les sportives roumaines en opposition aux spoutniks de la technologie soviétique. C’est au prix de cette éducation qu’elle devient une enfant idolâtrée, la plus imperméable à la douleur, à la peur, à la faim et qu’elle parvient à cet exploit mais au prix aussi de la mainmise sur son corps qui n’évolue pas comme elle le souhaite, son corps qui grandit, qui grossit et qui la perdra. Peu à peu la chute s’amorce et le personnage se perdra dans la fin tragique du règne Céausescu après des périodes troubles où elle ne sait plus à quel référent se vouer jusqu’à la déchéance de sa fuite vers l’Amérique dans des conditions très troubles.
L’auteure met en balance la rigueur et la foi en un idéal de sacrifices, fidèle à l’âme du peuple roumain à qui elle trouve des excuses et qui a été moins malheureux qu’il en a paru, N’est-on pas de nos jours aussi prisonnier, toujours fiché et surveillé par tous les moyens technologiques actuels ?
Roman puissant, très bien documenté, très bien écrit, plein d’empathie envers le tragique de cette existence de ces hommes portés au firmament et qui ne sont plus rien lorsque leur corps ne les portent plus.

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Véronique OVALDE : La grâce des brigands (Ed de l’Olivier)
Un mystérieux biographe écrit sur Maria Christina Väätonen qui quitte Lapérouse dans le grand nord canadien, à seize ans au début des années soixante-dix. Elle choisit de fuir sa famille, son milieu toxique et la maison « Rose-cul ». Elle laisse derrière elle, un père lapon, imprimeur et illettré, une mère folle et mystique, une sœur jalouse, accidentée et tourmentée.
Munie d’une bourse, elle arrive à Los Angeles, là où elle pense que tout est possible. Elle espère faire de brillantes études et rêve de devenir écrivain. Elle rencontre Joanne, sa colocataire qui veillera sur elle et devient la secrétaire d’un écrivain sur le déclin, le fameux Rafaël Claramunt, son premier amant, son Pygmalion, son tuteur dans l’édition de son premier roman « La vilaine sœur »… ou un brigand ? Le livre l’a définitivement brouillée avec toute sa famille.
Dix ans après, elle reçoit un coup de téléphone de sa mère lui demandant d’adopter Peeleete le fils de sa sœur. Cet événement va changer le cours de son destin.
Nous sommes ici dans un conte doux-amer où se côtoient la grâce et l’infortune, le rêve et la réalité. C’est une fois de plus un règlement de comptes à l’intérieur d’une famille mais avec beaucoup de fantaisie et d’extravagance.
Dans ce roman sont abordées par l’héroïne, des questions essentielles sur la littérature, l’écriture, la famille, le statut d’écrivain. Elle est déterminée à placer l’écriture au centre de son existence et devenir une femme fière et indépendante.
Un roman d’une grande énergie, souvent drôle, poétique, quelquefois noir. L’écriture est intense avec de longues phrases curieusement coupées par des virgules et des majuscules intempestives, mais c’est ce qui fait le charme et l’extravagance de Véronique Ovaldé.

Gilles PARIS : L’été des lucioles (Ed Héloïse d’Ormesson)
Victor est en vacances à la résidence du Grand Hôtel de Cap Martin, avec sa sœur, sa maman et sa »deuxième maman », l’amie de sa mère. Des vacances qui vont être pimentées par la rencontre de jumeaux, Tom et Nathan qui lui font visiter de magnifiques villas dans lesquelles ils arrivent à s’introduire, on ne sait trop comment. Ces deux garçons sont auréolés d’un mystère et, à part son copain Gaspard et sa sœur Alicia, personne ne les connaît, personne ne les voit. Il ne sait pas à quel point ces deux enfants vont changer sa vie et lui faire découvrir un tas de choses, d’événements de sa propre histoire et de celle de sa famille.
Hormis ses deux mamans, il aura des discussions d’adultes avec une vieille pensionnaire de l’hôtel qui sait des choses, tout comme la concierge de cet hôtel.
Peu à peu, par ces rencontres, il construit son puzzle jusqu’à l’arrivée inopinée de son père.
C’est un joli roman plein de surprises, de poésie, de mystère que Gilles Pris nous offre là et l’on s’attache à ce petit garçon bien adulte pour son âge mais d’une granse sensibilité, qui vit entre la réalité et le rêve et l’excitation d’une aventure peu banale qui va transformer sa vie.
C’esr Victor qui raconte son histoire avec à la fois la naïveté d’un enfant et la marurité d’un adulte. Une écriture tout en tendresse et en délicatesse qui nous prend très vite sous le charme de cette histoire originale et de cet enfant attachant.

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Fabienne JACOB : l’Averse (Ed Gallimard)
Cette auteure a obtenu le prix des lecteurs du Var qui lui a été décerné à la fête du livre de Toulon en novembre 2013
« J »ai tout fait pour paraître français et j’ai failli réussir ». Cette phrase, à elle seule, résume le sujet de ce drame romanesque.
A l’hôpital Tahar est en train de mourir. A son chevet que des Français: sa femme, son fils de vingt ans muet de naissance, son frère d’armes et son beau-père, chrétien, qui récite ses prières entrecoupées d’une préoccupation : « A-t-il planté ou non ses patates ? Binjte ou Charlotte ? la date n’est pas la même…..
Fils de harkis assassinés par le FLN, protégé par son ami, fils de colon et sur les conseils du colonel, à quinze ans il a fallu choisir. Et il a choisi la France sans renier l’Algérie.
Souvenirs et blessures refont surface. Visions de son enfance dans ce djebel éblouissant le soir, l’amitié sans bornes de la petite Souad qu’il a trahie hontesusement en choisissant l’autre camp, son instit’ qui lui a tant appris sur la France. Puis Marseille, les foyers Sonacotra, les belles françaises, les pluies d’été. Il apprend à devenir français sans remord.
La narration passe sans cesse d’une voix à une autre. Les souvenirs de Tahar s’accompagnent des souvenirs et des pensées des quatre personnes présentes. Une seule voix parviendra à dénouer ce qu’il gardait pour lui, la plus inattendue et qui tombe comme « une averse »: celle de son fils.
Dans un très bel exercice de style, poétique et sensuel, l’auteure sait créer un rythme de và et vient entre le moment présent et le passé. Sans porter de jugement, elle aborde avec beaucoup de sensibilité les problèmes d’immigration et de racisme, sous une apparente intégration. Ce n’est pas un énième livre sur la guerre d’Algérie. Il ne faut pas le réduire au simple portrait d’un homme tiraillé entre deux cultures. C’est un homme, un pays, un choix, un exil, une autre vie : » La nostalgie habite le sœur de ceux qui ont vécu, aimé ou trahi ce pays » .

Romain PUERTOLAS :
L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA
(Ed le Dilettante)

Un fakir au nom imprononçable débarque à Paris, e fait emmener en taxi à IKEa où il veut acheter un lit à clous modèle Kisifrotsipik. Il n’a en poche que son billet de retour et un faux billet de cent euros. En spécialiste des effets spéciaux et de l’arnaque, il ne paie pas le taxi (le chauffeur, gitan, met un contrat sur sa tête et le poursuit pendant tout le roman), et se fait enfermer dans le magasin pour y passer la nuit. Surpris par la ronde des vigiles, il s’enferme dans un casier métallique qui est expédié au Royaume-Uni par camion. Libéré de son armoire par des clandestins soudanais, la police des frontières refoulera tout ce monde vers l’Espagne. Notre fakir va ainsi visiter les aéroports de Londres, Barcelone, Rome, Tripoli dans des conditions rocambolesques.
Ecrit à la manière des comédies de caractères, d’une grande cocasserie, dans un style simple, sans recherche, avec des chapitres courts, c’est une satyre du monde moderne avec en arrière- plan une réflexion sur le sort des hommes prêts à tout pour fuir la misère.
Fable distrayante et de lecture facile.

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Hélène GRIMAUD : Retour à Salem (Ed Albin Michel)
A la fois roman autobiographique, conte fantastique, journal et manifeste écologique, le dernier livre d’Hélène Grimaud dérange et séduit à la fois.
Alors qu’elle répète à Hambourg le deuxième concerto pour piano de Brahms, la pianiste se retrouve presque par hasard, dans l’étrange boutique d’un antiquaire. Elle y fait l’acquisition d’un miroir mais surtout d’un manuscrit en allemand, curieux compromis de notes-confidences, eaux fortes et partitions de musique. Intriguée Hélène Grimaud confie ce document à un ami traducteur qui lui révèle que cette acquisition n’est autre qu’une série de lettres, fragments de récits et notes d’un certain Karl Würth, pseudonyme de Johannes Brahms. Les illustrations et croquis sont de Max Klinger, ami du compositeur. Ce livre la plonge dans une extrême perplexité car il correspond point par point à son étude de la vie et l’œuvre de Brahms. La révélation est stupéfiante.
Alternent alors dans le récit d’Hélène Grimaud la reconstitution des pages traduites du texte de Brahms et les considérations de l’auteure sur ce qu’elle découvre, ses sentiments envers le grand compositeur, son empathie naturelle avec l’Homme et avec cette région, la Dithmarse et l’île de Rügen sur la Baltique, modèle d’une nature propice aux épanchements romantiques. Nous retrouvons les accents d’un Yann Artus Bertrand quand elle parle de biodiversité, de survie de l’espèce et d’urgence écologique. L’homme pervertit son paradis terrestre, efface par milliers les espèces naturelles, la musique de l’univers est à l’agonie, le silence écrase les suppliques de quelques trop rares scientifiques alarmistes. Si le détour par les Indiens Arawaks ou les sorcières de Salem ne nous parait pas justifié nous comprenons son engagement atypique et le retour au loup, à Salem et cet appel à reprendre le combat contre « ce monde où la rentabilité est loi ».
En résumé un livre original, touchant bien qu’excessif parfois, rédigé d’une écriture fine, intelligente et cultivée qui nous donne subitement envie d’écouter le deuxième concerto de Brahms.
A ce titre là, c’est une réussite !

Valentine GOBY : Kinderzimmer (Ed Actes Sud)
Arrêtée en 1944 alors qu’elle est enceinte de quelques jours, l’héroïne de ce roman est expédiée à Ravensbruck comme prisonnière politique. Elle est toute jeune mais parvient à cacher son état au contrôle médical, son bébé naîtra dans ce camp qui comporte une chambre pour les nourrissons. Enlevés à leur mère dès la naissance, on essaie à grand peine de les maintenir en vie malgré la faim, le froid, le dénuement. Deux jeunes femmes dirigent cette chambre, après leur travail les mères viennent nourrir leur bébé ou celui d’une autre quand une mère meurt d’épuisement ou n’a pas de lait .
On connaît depuis longtemps les horreurs des camps. Nombreux sont les ouvrages qui en ont parlé, celui-ci a la particularité de nous faire découvrir cette ahurissante contradiction du système, d’un côté les chambres à gaz, de l’autre l’existence de cette »kinderzimmer » où la mère et l’enfant ont une chance de survie On ne peut que constater l’indiscutable talent de l’auteure pour faire revivre l’innommable, la faim, les appels interminables dans la nuit et le froid, les mauvais traitements, les fouilles, le travail obligatoire et le spectre toujours présent de la chambre à gaz. La justesse de ses jugements, la précision de ses descriptions, comme des sentiments qu’elle prête aux détenues, ajoutent à la qualité de l’écriture .
Conçu à partir d’une histoire vraie, ce roman est écrit dans un style neutre et impersonnel qui permet de décrire les conditions de vie extrêmement douloureuses et pénibles de ces femmes et enfants sans trop choquer et horrifier le lecteur.

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Jean-Claude PIROTTE : Brouillard (Ed Cherche Midi)
Jean Claude PIROTTE « se penche sur son passé » ; c’est l’originalité de ce roman largement autobiographique. L’auteur/personnage de ce récit, affecté par un cancer invasif (« un bon état pour écrire la nostalgie ») s’inspire des carnets qu’il tenait il y a un demi-siècle. Un bilan triste et sévère mais terriblement vivant où l’auteur se « livre à sa propre endoscopie mentale» en « dépit de tout effort de normalité »;
Sans réelle chronologie, J.C.PIROTTE se raconte à partir de quelques pages datées de 1956 à 1963. Il écrit, dit il, parce qu’il sait « qu’il n’ira pas loin » avec le désir « de reconstruire les vestiges du passé » Son village, ses amis, ses parents. C’était un enfant « rétif et silencieux » Par épisodes, nous apprenons aussi que son mariage avec Hannah n’a existé que « pour réparer la faute d’un ascendant » De cette union est née « une fillette »mais l’auteur ne se sent attaché ni à l’une, ni à l’autre ! Il vit dans des conditions précaires, se déplace souvent « entre Meuse et Hollande »fréquente une autre femme Roberte, soutient ses amis voleurs de tableaux. « Les péripéties du passé reviennent en foule » Il en convient : « peut être que seule la mémoire est en mesure de le sauver du marasme »
Les confidences sont sincères, le ton juste et amical, l’écriture si belle ! Pas de révolte, juste un bilan nostalgique d’une vie encore exigeante. Les métastases envahissent le corps mais la chimiothérapie et le cathéter veillent ; l’auteur se demande « est ce encore bien moi qui suis à la barre ? » Aucune désespérance pourtant dans ce regard du grand poète.
Derrière le « Brouillard » c’est encore la vie ! Un exemple à suivre !

Didier van Cauwelaert : Dictionnaire de l’impossible
Comprendre enfin ce qui nous dépasse (Ed Plon)
Didier van Cauwelaert nous avait habitué à des relations paranormales, des manifestations extraordinaires au cours de ses précédents romans. Dans ce très sérieux ouvrage »Dictionnaire « signifie bien qu’il s’agit de quelque chose de très sérieux, de l’importance de l’inexplicable que l’auteur veut nous expliquer et s’est attaché à nous démontrer en s’appuyant sur des faits connus, étudiés par des savants et vérifiés par des expériences. Il reste néanmoins ardu pour le lecteur de se laisser convaincre et l’on sent parfois un peu de jeu et d’humour dans les propos de l’auteur qui chercherait peut-être à nous piéger. On veut bien reconnaitre ce que la science a démontré mais il reste toujours une part de doute et de mystification, à moins que nous préférions cela à l’échec d’admettre l’inadmissible. De plus la rigueur et la minutie des explications dignes de la sincérité de l’auteur sont louables mais quand même un peu indigestes. A lire à petite dose.

pirotte 10/10/2007. Didier Van Cauwelaert aux 20 ans du Festival du livre de Mouans-Sartoux 2007.

Anna ENQUIST : Les Endormeurs (Ed Actes Sud)
Né d’un projet d’étude en milieu hospitalier : « Un écrivain dans le service » commandé en 2010 par l’Université Libre d’Amsterdam, le dernier roman d’Anna ENQUIST s’éloigne rapidement de l’enquête pré requise pour nous plonger dans un drame familial dont les deux personnages principaux sont un médecin, Drik psychothérapeute et sa sœur Suzan, anesthésiste.
Le roman commence au décès de Hanna, la femme de Drik. Celui-ci vient tout juste de reprendre son activité professionnelle soutenu par Suzan, son mari Peter- également psychanalyste et ami de Drik- et leur fille Rose. L’auteur s’emploie à démontrer combien les dispositifs et les pratiques des services de psychothérapie et d’anesthésiologie sont différents même si tous deux ont pour objectif de soigner la douleur. L’analyste convoque l’inconscient du patient pour libérer sa souffrance tandis que le rôle de l’anesthésiste est d’endormir l’être sensible. Nous vivons le quotidien des équipes hospitalières : responsabilité assumée, éthique, déférence, respect du patient, le climat professionnel est rassurant.
L’arrivée à l’hôpital d’un autre personnage, Allard Schuurman, étudiant en médecine va bousculer l’ordre établi. Hésitant sur son parcours, l’interne va passer du service de Drik à celui de Suzan et rapidement devenir son amant tout en restant, à titre personnel, en analyse chez le frère de celle ci. Ce qui ne pourrait être alors qu’une banale histoire de sexe se complique à la découverte de cette relation. Le trouble est semé dans le noyau familial en renvoyant chacun des protagonistes, y compris Peter, le mari et Rose, la fille de Suzan à leurs problématiques relationnelles. A la fois patient, collègue et amant, l’intrus devra disparaître.
En résumé, ce ne sera finalement pas l’histoire romancée qui retiendra notre attention mais bien cette incursion dans un CHU avec le récit méthodique des interventions et les détails techniques afférents. Rédigé au présent, à la manière d’instantanés d’une précision rigoureuse, où les dialogues font vivre les relations entre les personnages, ce texte pourrait vivre sans l’intrigue qui sert de prétexte narratif…..mais l’aurions nous lu ?

Marc LAMBRON : Tu n’as pas tellement changé (Ed Grasset)
Face à la disparition prématurée de son frère cadet, Marc Lambron livre une réflexion intime qu’il a écrite quelques mois après son décès du sida mais qu’il a publiée vingt ans plus tard. C’est un texte limpide et bouleversant sur l’insupportable effacement de l’être aimé, incinéré le jour même où il devait fêter ses trente- quatre ans. C’est une analyse très fine de la relation de l’auteur avec son jeune frère, de la relation de celui-ci avec sa belle-soeur, de sa réaction devant leur premier enfant, de la montée de la maladie, des problèmes d’embauche puis de travail, de la nécessite de garder le secret vis à vis d’éventuels employeurs et même de relations ou d’amis
Aucun jugement de sa part sur les choix de vie de son frère et très peu d’évocation de sa vie sentimentale, c’est à peine si le compagnon apparait en filigrane. Il concentre tout sur son rapport filial et sa compassion afin d’être présent et lui faire sentir la place qu’il tient dans sa vie.
Livre d’une très grande sensibilité, aucun misérabilisme c’est presqu’un murmure que l’évocation de ces derniers instants. Très beau livre, très touchant et d’une très belle écriture.

enquist lambron

Kéthévane DAVRICHEWI : QUATRE MURS (Sabine Wespieser)
Ils sont quatre frères et sœurs dans la maison de leur enfance . La maison est trop grande pour leur mère maintenant veuve, cette maison témoin de leurs jeux, de leurs disputes, de leurs premiers émois amoureux doit être vendue . Tous semblent soulagés, plus de séjours forcés avec conjoints et enfants, mais c’est la fin d’une époque et de l’enfance .
Les rancunes tenaces, les non-dits et le souvenir du terrible accident qui a rendu la plus jeune infirme, persiste , tout est sujet à friction .
Deux ans plus tard ils ne se parlent plus beaucoup , mais ils se retrouvent dans la maison de l’aîné , chacun y voit l’occasion de régler ses comptes et d’en finir avec sa propre culpabilité
Roman à quatre voix où chacun donne sa version des faits et essaie de comprendre comment le malaise s’est instaurer entre eux et comment le dissiper .
Belle étude des caractères et du passage à l’age adulte pour la fratrie . L’auteur nous dit notre désir d’indépendance mais aussi le besoin d’être aimé par ceux avec lesquels nous avons grandi . Le sujet n’est pas nouveau mais il est bien traité tout en restant accessible .
Beau roman .

Ian McEWAN : Opération Sweet Tooth (Gallimard)
Serena Frome, jeune diplômée de Cambridge est une dévoreuse de romans, critique dans une revue universitaire, elle porte aux nues Soljenitsine avec une naïveté toute juvénile. Sa liaison avec un professeur d’histoire quinquagénaire, agent des services secrets de Sa Majesté, lui permet de travailler pour le MI5 où après avoir classé de nombreux dossiers, on lui confie la mission de recruter et de subventionner de jeunes romanciers capables de faire la promotion des idées du gouvernement britannique en pleine période Thatcher. Merveilleuse occasion pour McEwan d’inviter le lecteur à lire ou relire les meilleurs auteurs de sa génération, clin d’œil à Gaddis, Ballard ou Fowles.
Serena recrute Tom Haley, jeune professeur auteur de quelques nouvelles à qui elle offre la possibilité d’écrire un roman. Jeune, sympathique, séduisant, elle tombe éperdument amoureuse de celui à qui elle ne peut révéler la vérité sur sa participation à l’Opération Sweet Tooth. Le lecteur appréciera le talent de McEwan de mêler les nouvelles de Tom Haley au roman, de créer comme dans tout roman d’espionnage des retournements de situation, des trahisons, des vengeances, un talent qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.
Remarquable analyse de la Grande-Bretagne des années soixante-dix, ce livre enthousiasmera les amateurs de roman d’espionnage, d’histoire et d’amour.

davrichewy ianmcewan