Archives de l’auteur : Jacques BRACHET

Notes de lectures


Jacques DUTRONC : Et moi, et moi, et moi (Ed Cherche Midi)
Dutronc le solitaire, Dutronc le taciturne, Dutronc le sauvage, Dutronc le silencieux…
C’est ce qu’au fil des années est devenu Jacques Dutronc qui vit comme Robinson Crusoé sur son île corse avec ses dizaines de chats.
Il ne fut pas toujours celui-ci car dans les années 60 il débarqua avec ses chansons iconoclastes, une mode dont il partagea la vedette avec Antoine ou encore Nino Ferrer. C’était con mais ça marchait !
Puis il y a eu sa période scato (Merde in France, Guerre et pets, en cela bien soutenu par Gainsbourg !) Et il en profita, avant de nous montrer que, s’il le voulait, il pouvait nous offrir une autre face de sa personnalité : « Il est cinq heures, Paris s’éveille », « Le petit jardin », « Gentleman Cambrioleur » et ce magnifique duo avec Françoise Hardy « Puisque vous partez en voyage » de Mireille et Jean Nohain.
Durant quelque huit années il n’arrêta pas de faire des tournées à guichets fermés… Et semant le saccage partout où il passait car c’était un électron libre. Je l’ai subi en partant en tournée avec lui… Et j’ai vite abandonné, tant il était énervant, déjanté et une interview avec lui devenait une série d’onomatopées qui faisait rire son équipe. Il était imprévu, ingérable. Souvent (et plus !) bourré.
Puis est venue sa période cinéma, qui a commencé grâce à Jean-Marie Périer et il a tellement crevé l’écran que tous les réalisateurs l’appelaient. Il a tourné avec les plus gands : Pialat, Zulawski, Lelouch, Chabrol, Melville, Mocky, Godard, Rouffio et bien d’autres.
Là, il s’est assagi, s’est installé en Corse où il vit une vie contemplative avec ses chats, le soleil et la mer.
C’est ce qu’il nous raconte dans cette bio inattendue car il n’a jamais autant écrit sur lui. L’âge de la sagesse est arrivé … L’âge surtout ! Et à 80 ans des ennuis de santé qu’il paye peut-être aujourd’hui car il ne s’est pas ménagé.
Il parle peu, sinon pas, de Françoise Hardy, la fidèle malgré toutes ses incartades, un peu plus de Thomas, son fils, qui est sa fierté et qu’il a retrouvé sur scène lors de sa dernière tournée.
Quant à ses dernières pages, elles sont consacrées à sa Corse avec amour. Cette Corse qui est son havre de paix et dont il parle avec émotion et lyrisme. Il ne peut que constater que nombre de ses proches se sont « absentés », ce qui lui a appris à aimer davantage la solitude.
De la nostalgie bien sûr mais une pirouette et l’humour revient.
Et s’il était Docteur Jekyll… ou Mister Hyde ?
JB

EMMA GREEN : Ce qui nous rend vivants (Ed Addictives – 443 pages)
Le livre est écrit par un duo d’autrices françaises dans un style simple et attrayant.
Cleo Robbins commence son internat aux urgences de l’hôpital public de Chicago et y retrouve une vieille connaissance de la fac de médecine, Carter Cruz avec lequel la relation s’est mal terminée.
Les retrouvailles inattendues se présentent particulièrement difficiles car il est un sérieux rival professionnel et son plus grand regret.
L’univers des urgences et les relations internes entre patrons et internes sont décrites avec réalisme : atmosphère de stress, conditions d’exercice pénibles, gardes prolongées…
Dans ce climat médical épuisant au rythme effrené se nouent des relations  entre patrons et internes quelquefois détonantes quelquefois respectueuses.
L’amitié, la solidarité et l’engagement professionnel sont  très présents chez les internes.
Ce contexte médical est la partie importante du roman, l’histoire de Cleo et Carter est sous-jacente.
Cleo, peu proche de son père ne se remet pas du décès de sa mère, décès accidentel ou suicide ?
Carter vit d’autres problèmes familiaux avec sa mère et son frère.
Tous deux cherchent des réponses à leurs questions.
Ce roman est dans l’air du temps, il rappelle les séries médicales télévisées. Il réunit action, situation conflictuelle, enquête, détresse, amitié et amour.
Un livre de détente et d’actualité médicale.
Éric FOTTORINO : Mon enfant, ma sœur (Ed Gallimard – 275 pages)
Éric Fottorino révèle avec douceur et poésie l’existence d’une sœur dont il a appris l’existence tard dans sa vie. Sa mère « qui a passé sa vie à ne pas la vivre » a eu un enfant, une petite fille qui lui a été arrachée à la naissance par les religieuses chargées de cacher aux yeux de la société bourgeoise bordelaise, une grossesse hors mariage.
C’est en  vers que l’auteur révèle la douleur d’une famille, une mère qui, même présente, semble  si souvent absente car en communion secrète avec son enfant disparue, une sœur en apnée qui maintenant que la vérité a enfin jailli des lèvres de la mère doit revenir au sein de la cellule familiale malgré la difficulté et surtout la crainte de ne savoir remonter le fil du temps.
Et pourquoi cette sœur que l’auteur a prénommée Harissa, car pleine de piment, pourquoi en effet cette sœur ne se transformerait-elle pas en Elisabeth ? En un seul vers Éric Fottorino révèle sa souffrance « le secret est une infection de l’âme ». Dans ce roman, l’auteur poursuit « Dix-sept ans » paru en 2018 et témoigne de la blessure d’amour jamais refermée de sa mère. Magnifique hommage à cette petite sœur et à cette mère qui a su survivre aux lois implacables de la société bourgeoise.

Lionel HOËBEKE : La cité radieuse de Marseille (Ed Hervé Chopin – 142 pages)
Nous étions juste après la guerre. En 1947 exactement. Charles-Edouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le nom de Le Corbusier, est peintre, architecte, sculpteur suisse. Il commence à être connu mais son nom restera dans les annales lorsque le Ministère de la reconstruction lui demande de créer à Marseille la Cité Radieuse. Exactement sis boulevard Michelet, dans le huitième arrondissement.
Créatif de génie, il va donc s’attaquer à ce qui est aujourd’hui considéré comme un chef d’œuvre architectural, tant cette cité est ingénieuse, conceptuelle, innovante, d’une incroyable modernité, même si au départ elle eut tout de suite ses admirateurs et ses détracteurs.
Les Marseillais la baptisèrent « La maison du fada » mais elle reste aujourd’hui, au même titre qu’un monument historique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La cité radieuse est un village à elle seule puisqu’en dehors d’appartements incroyablement beaux et confortables, elle comprend des commerces, une école, des espaces collectifs. On peut y vivre sans en sortir !
Aujourd’hui c’est encore un lieu contesté de l’extérieur mais lorsqu’on y entre, c’est une découverte qui porte bien son nom car on s’y sent bien.
Lionel Hoëbeke est un fan de la première heure de cet architecte hors norme : A 16 an, il fait des économies pour acheter son premier livre sur lui. Et il ne cessera obstinément d’entrer dans son œuvre, jusqu’à écrire ce livre qui est à la fois un hommage admiratif et une bible car il a fait de nombreuses recherches, rencontré tous les gens qui vivent, fouillé les archives de fond en comble, jusqu’à y habiter !
Avec ce très bel album, très documenté et également très imagé, on apprend tout sur ce génie que fut le Corbusier, tout sur la Cité Radieuse que l’auteur a visité de fond en comble, en l’y incorporant dans l’histoire d’un homme, d’une ville, d’une œuvre  unique.
Antoine SENANQUE : Croix de cendres (Ed.Grasset – 426 pages )
L’auteur, éminent médecin puis historien, nous emporte aux XIIIème et XIVème siècles dans la France profonde qui va balayer toute une sinistre période de guerres, de peste, de luttes intestines.
C’est à la fois un roman historique et un polar moyenâgeux où vont s’affronter clergé, armées, puissants et petites gens.
Tout part du prieur dominicain Guillaume, qui envoie deux novices, Antonin et Robert, chercher du vélin à Toulouse, la peau de veau étant chère et précieuse, car il a à raconter d’importantes choses qui intéressent l’Inquisition .
Le titre « Croix ce cendres » fait appel à la croix tracée sur le front des fidèles, qui représente les péchés. Ici ce sera l’évocation de Maitre Eckart, théologien allemand, dénoncé par les dominicains et les franciscains devant l’Inquisition pour hérésie.
Le roman en fait un super méchant qui va tramer une sombre histoire de lutte parmi la vie ecclésiastique et monastique du XIVème siècle. On y côtoie les béguines, les moniales, les conflits entre dominicains et franciscains, les épidémies de peste, la guerre de Crimée. Bref une longue et difficile période décrite avec forces détails et reconstitutions, un travail d’érudit certes qui fait revivre avec talent une grande épopée mais parfois un peu ardue à suivre.
Réservé à un certain public.

Irène FRAIN : Ecrire est un roman (Ed Seuil – 279 pages)
Irène Frain fait partie des écrivains reconnus et appréciés par de très nombreux lecteurs.
Vient de paraître « Écrire est un roman » où elle explique avec aisance, bonheur et vérité le pourquoi de l’écriture. Car oui, pour qui, pour quoi, comment écrit-on ? Elle se révèle dans sa recherche d’écriture, ses ateliers et ses lectures nombreuses et variées. Elle rappelle qu’Hérodote, le père de l’Histoire peut aussi être appelé le Père du Mensonge, au lecteur avisé de déterminer son jugement.
Agrémenté de très nombreuses citations, de reproductions d’éditions anciennes Irène Frain devient au fil de la lecture une relation puis une amie du lecteur car sa sincérité crée un lien très personnel.
Une lecture très agréable, ponctuée de très nombreuses références littéraires et historiques, ce dernier écrit d’Irène Frain est une réussite.
Alain ARNAUD : Le crime de l’Express Côtier (Ed. exæquo -184 pages)
Comme à chaque rentrée littéraire Alain Arnaud nous entraine dans une nouvelle destination, parcourue pendant la belle saison estivale.
Ici le grand Nord, à bord de l’Express Côtier qui rentre des fjords de Norvège pendant laquelle se sont retrouvés de nombreux passagers dont un petit groupe de Parisiens réunis pour des vacances amicales dans ces lieux enchanteurs. Mais à l’arrivée au port un évènement inattendu vient semer le trouble : Un passager est retrouvé assassiné dans sa cabine.
C’est autour de Daphné, jeune invitée et pivot du groupe, que va se dérouler le schéma du séjour et se dénouer le mystère. Les personnages sont décortiqués par ses soins dans un décor de rêve et de réalité, dans lesquels les éléments s’emboitent. L’occasion pour l’auteur de cerner les personnages, d’évoquer en touches poétiques les lieux parcourus et de nous maintenir dans un suspense qui nous conduira à la résolution du mystère.
Belle écriture, beaux paysages aux personnages intéressants. On est pris par le suspense qui émane de cet imbroglio

Vahina GIOCANTE… Sept ans de réflexion


« Femmes »… 22ème !
Eh oui, le festival varois a aujourd’hui 22 ans et, après loucha Dassa qui l’a créé, c’est, depuis quelques années, Luc Patentreger qui l’a repris de main de maître, mettant toujours dans les projecteurs, la femme dans tous ses états.
Du Six N’Etoiles au Liberté en passant par le Casino Joa, le Royal, le centre Tisot, le centre Nelson Mandella ou encore le Chapiteau Circoscène, la femme est sur les écrans varois, venue de tous les pays, avec de belles ambassadrices telles que Virginie Peyre, présidente de l’association « Les amis de Romy » qui œuvre contre les violences faites aux enfants, Béatrice Metayer Chargée de mission politique de santé publique à Six-Fours et partie prenante de ce festival et celui-ci  a été inauguré au Six N’Etoiles par la lumineuse comédienne Vahina Giocante.
De racines corse et andalouse, ayant vécu à Aix-en-Provence, cette belle femme blonde au regard bleu horizon est on ne peut plus méditerranéenne. Après une carrière débutée à 13 ans, cet ex danseuse a tourné avec les plus grands réalisateurs : Benoit Jacquot, Claude Chabrol, Gabriel Aghion, François Ozon, Philippe Lellouche… et bien d’autres.
Partenaire de Depardieu, Bruel, Emmanuelle Béart, Sandrine Bonnaire et aussi bien d’autres, elle a un jour décidé de tout arrêter pour aller se reposer, faire un retour sur elle-même et pour cela, elle a choisi Los Angeles où elle est restée sept ans. Sept ans de réflexion dit en riant l’invitée du festival

Soirée d’inauguration…
… Avec Luc Patentreger

Aujourd’hui elle s’en revient pleine d’usage et raison, pleine de projets, pleine d’énergie… Et toujours aussi belle !« Vahina, vous voilà redevenue méditerranéenne. Est-ce que cela vous a manqué ?
Evidemment car mon cœur est attaché à la région. Ici, je me sens chez moi. Je me sens d’ailleurs chez moi sur tout le pourtour de la Méditerranée !
Aujourd’hui j’habite à Paris, après être passée sept ans aux Etats-Unis dont je suis revenue en mai dernier mais il se trouve que mon compagnon est de Nice et l’on se débrouille toujours pour venir y passer du temps.
Votre premier amour n’a pas été le cinéma mais la danse…
C’est vrai, ça a commencé par la danse à l’Opéra de Marseille, avec les ballets Roland Petit. La danse a été mon premier amour, je me rêvais en danseuse étoile, puis mon chemin a bifurqué.
Pour l’avoir rencontré, Roland Petit n’était pas un gentil !
(Elle rit) Oui, bien sûr, mais la danse est un métier de rigueur. Il faut accepter d’être formatée pour ça, mais en même temps, c’est très constructif. C’est important d’avoir ce cadre très jeune. C’est beaucoup de travail et je suis partisane de la discipline. Sans cela on n’arrive pas à grand-chose. En tout cas, cette discipline m’a beaucoup aidée pour la suite. Elle m’a donné une structure.
La danse ne vous a pas manqué ?
Oui, beaucoup car ça m’a appris à avoir un rapport au corps. Il y a mille façons de marcher, de se mouvoir, de bouger, de se tenir. J’ai continué les pratiques de la danse, avec plus de souplesse, moins de rigidité.

« 99 francs » avec Jean Dujardin
« Secret défense »
« Bellamy » avec Gérard Depardieu

Alors, pourquoi avoir arrêté ?
Parce qu’à 13 ans, on m’a proposé un premier rôle dans un film. J’en ai parlé à la directrice qui m’a dit de faire un choix : faire la belle devant une caméra ou être présente 22 heures par semaine pour m’entraîner ! Faire un choix si jeune a été un peu compliqué mais comme j’avais l’esprit rebelle, j’ai choisi le cinéma, la liberté, sans savoir où ça allait me mener. Mais c’est pareil en danse, devenir étoile n’est pas une promesse. Je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix.
Alors, ce premier film ?
« Marie, baie des anges » de Manuel Pradal. Ce qui est drôle c’est que nous avons tourné dans les parages et il y a une scène où l’on voit en fond les deux frères… comme aujourd’hui ! Retour au bercail !
Après ce premier film ?
Tout a continué, je me suis retrouvée face à Emmanuelle Béart et Sandrine Bonnaire dans « Voleur de vie » d’Yves Angelo, ont suivi « Le libertin » de Gabriel Aghion, « Pas de scandale » de Benoît Jacquot, tout a continué avec « Un lever de rideau » de  François Ozon, « Bellamy » de Claude Chabrol… J’ai vraiment eu de la chance, sans jamais devoir frapper aux portes, même s’il y a quand même eu beaucoup de travail. Et tout s’est enchaîné jusqu’à mes 35 ans. Là j’en ai eu marre d’être toujours exposée sur les plateaux, dans les médias. J’ai voulu prendre du recul, savoir qui j’étais vraiment en dehors du cinéma.
Et alors ?
Je suis partie à Los Angeles pour me faire oublier, pour me retrouver… Plutôt pour me trouver,  me découvrir. A Los Angeles il y a quelque chose de très léger, les gens sont accueillants et n’ont pas de jugement de valeur sur vous. C’était une page blanche pour moi, même si la page blanche pouvait être dangereuse. Mais ça m’a fait du bien.

Sept ans, c’est long !
(Elle rit) Sept ans de réflexion ! Ce qui m’a fait revenir en France et tourner de nouveau avec plaisir et gratitude.
Avez-vous tourné là-bas ?
Oui, dans des films indépendants, dans une autre langue, dans d’autres structures, d’autres façons de faire. Mais mon cœur est ici !
Vous n’aviez pas peur d’être oubliée ?
Non, car je n’ai jamais été rongée par l’ambition. La célébrité ne m’a jamais vraiment excitée. J’ai toujours eu envie de jouer, de m’amuser. Et si l’on m’a oubliée, ce n’est pas grave. C’est même bien car aujourd’hui je ne suis plus la même, je suis plus solide, je me connais mieux. Je suis sereine et cette parenthèse, ça a été quelque chose d’extrêmement salvateur. Je prends les choses avec recul et j’ai des projets à moi !
Parlons-en
Je n’ai pas encore envie d’en parler car c’est en phase de développement. Je vous en parlerai en temps utile ! Ce que je peux vous dire c’est que ce n’est pas seulement en tant que comédienne mais aussi scénariste, réalisatrice et possiblement productrice.
J’ai plein d’envies, il y a mille manières de raconter des histoires. Jusqu’ici j’ai toujours raconté les histoires des autres, il est temps que je raconte mes propres histoires.


Bientôt sur les écrans : « Valensole 65 »

Depuis votre retour, une série est sortie ?
Oui, « La jeune fille et la nuit » de Bill Eagles qui a d’ailleurs été tournée dans la région, et qui a eu une belle audience. Et puis, j’ai tourné dans un film « Valensole 65 », de Dominique Filhol, avec Mathias Van Khach. C’est tiré d’une histoire vraie où un couple d’agriculteurs a vu ou cru voir un engin au milieu de leurs lavandes, à Valensole le 1er juillet 65. On en a beaucoup parlé à l’époque.
Parlons un peu de ce festival « Femmes » qui vous a amenée chez nous en tant qu’invitée.
J’y ai été invitée par Virginie Peyre, qui est ambassadrice du festival. J’ai trouvé le concept extraordinaire car il y a de plus en plus de réalisatrices et qu’elles ont une façon différente de travailler. C’est pour moi un festival précurseur car on y voit les choses, les problèmes, la façon de faire de façon différente. Evidemment, au niveau des femmes, il y a encore beaucoup de travail mais on y arrive plus facilement par le dialogue. Ce genre d’événement nous offre la possibilité d’échanger et pas nécessairement en étant en colère, même si quelquefois il y a de quoi l’être. On a la chance que le cinéma soit pour les femmes un vecteur important.
Au bout de sept ans d’absence, comment trouvez-vous le cinéma français ?
Je le trouve encore vivant, diversifié, je pense qu’il a bien résisté à la pandémie. Il reste toutefois encore un peu frileux mais il n’est pas formaté. Il se tourne encore de belles œuvres. Je pense qu’en France nous sommes des chanceux et c’est de vivre aux Etats-Unis que ça m’a permis de m’en rendre compte !
Aujourd’hui je reprends le chemin de ce cinéma pour pouvoir explorer toutes mes envies avec plein d’autres bagages. »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Leïla Messaï, Virginie Peyre, Vahina Giocante, Luc et Martine Patentreger, Hicham Mrabit


Juliette CHANAUD
avec la tête, avec le coeur, avec les mots


Elle est, comme nombre de métiers du théâtre et du cinéma, une femme de l’ombre puisqu’elle est créatrice de costumes.
Véritable artiste elle-même, elle habille comédiens et comédiennes mais elle a sa manière bien à elle de le faire puisqu’elle les vêt des impressions que lui donnent les mots, les histoires, selon leur rôle, leur personnalité, selon l’histoire personnelle que lui inspire le personnage. Avec la tête, avec le cœur comme l’aurait dit un chanteur mal aimé !
Elle fut la complice de réalisateurs comme Jean-Michel Ribes, Patrick Timsit, Jean-Luc Moreau, Didier long au théâtre… Aucinéma avec Pierre Granier-Deferre, Robert Guédéguian, Mathieu Amalric, Bruno Podalydès, Charlotte de Turkheim…
Et c’est grâce à la présidente de « Lumières du sud »  Pascale Parodi, que Juliette Chanaud est venue nous parler de sa passion… Même si aujourd’hui elle est en train de passer à autre chose.
Sa passion, elle nous l’a communiquée et j’ai passé un moment magnifique avec cette artiste volubile qui a mille anecdotes à raconter, ce dont les adhérents de « Lumières du Sud » ont bien profité !

« Juliette, comment vous est venue cette passion du costume ?
J’ai d’abord travaillé dans la mode, la haute couture, le prêt-à-porter. Mais en fait, ça ne me plaisait pas du tout.
Alors, pourquoi y être allée ?
J’ai passé un bac publicitaire, passé le concours des Beaux-Arts de Paris. J’avais alors 18 ans et plutôt envie de faire la fête. Mais comme nous n’avions pas beaucoup d’argent, je faisais moi-même mes robes. Mon père qui, voyant que j’allais de moins en moins aux Beaux-Arts et de plus en plus dans des fêtes, m’a inscrit à l’école de la Chambre de haute couture parisienne. De ce fait, j’ai dû retourner à l’école et je suis entrée dans ce métier que je n’avais pas réellement choisi. Mais je pleurais tout le temps car ça ne me plaisait pas.
Et le théâtre est venu comment ?
J’ai commencé à aider de petites troupes qui avaient peu de moyens. Grâce à elles j’ai appris le métier. Je n’ai pas fait d’école du costume, même si, après ça m’a manqué. Mais j’avais alors 35 ans et j’étais déjà dans le métier.
Qu’est-ce qui vous a plu ?
Je me suis très vite rendu compte qu’en fait la mode, c’est une industrie et je n’étais pas faite pour ça. Ce que j’aimais, c’était les textes, les mots et créer autour d’eux. Je pouvais alors mettre mon savoir-faire au service de quelque chose que j’aimais. Parallèlement à mon métier de styliste, je pouvais m’exprimer grâce aux textes, aux comédiens. Je me sentais à ma place. Je commençais à avoir des contacts.
Un jour, il a fallu choisir… Et j’ai choisi !

Et vous avez rencontré Jean-Michel Ribes !
Oui, c’est lui qui m’a donné ma chance professionnellement en travaillant sur des textes. C’étaient ceux des « Brèves de comptoir » de Jean-Marie Gouriou. J’ai fait trois spectacles avec eux et créé 130 costumes pour six comédiens. J’ai trouvé ça très amusant d’habiller ces petites phrases, chacun des comédiens devant se changer en trente secondes.
Comment travailliez-vous avec lui ?
En toute liberté et avec la chance d’avoir des idées qui arrivaient malgré moi. Je créais, j’achetais, je modifiais à ma convenance et ça marchait. Puis j’ai travaillais sur un film de Jean Benguigui à qui j’avais fait des costumes pour « Brèves de comptoir ». C’était « Hôtel des Caraïbes » avec Didier Boudon.
Et le cinéma ?
Encore grâce à Jean-Michel Ribes.
J’ai un ami d’enfance qui est le frère de Charlotte de Turkheim. Elle m’a proposé de travailler sur son film mais en même temps Jean-Michel me proposait de travailler sur « Bataille », une pièce de Topor. J’ai choisi ce dernier mais un jour, je dis à Jean-Michel : « Tu sais que j’ai raté mon entrée au cinéma à cause de toi ? ». Il me répond alors : « Je ne savais pas que ça t’intéressait. Je fais un film en septembre. Fais-le ! ». Et là, c’était dingue. Le film était « Chacun pour toi » avec Jean Yanne et Dupontel, il y avait mille figurants à habiller, on a tourné en France, en Allemagne, en Tchécoslovaquie et partout j’amenais des tonnes de costumes ! Pour mes débuts au cinéma, j’étais gâtée ! Mais ça a été une chance et tout a démarré.
Et il y a eu entre autre votre rencontre avec Robert Guédéguian.
Oui, j’ai travaillé sur un film avec Ariane Ascaride et elle me racontait en riant que son mari voulait tout faire sur ses films, même trouver les costumes. Et elle m’a proposé de travailler avec lui. La première fois, ça a été épique, c’était pour « Mon père est ingénieur » : Je suis allée aux Galeries Lafayette où j’avais repéré quelques costumes. Robert me propose de venir avec moi, ce qui était rare pour un réalisateur. D’autant plus rare qu’il est arrivé avec Ariane, Darroussin et Meylan ! On aurait dit une maman qui venait habiller sa famille !
Comment travaillez-vous avec le réalisateur et les comédiens ?
D’abord, je lis le scénario, puis je rencontre le réalisateur, je lui fais des propositions, il me dit ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas et lorsque nous sommes tombés d’accord, je rencontre les comédiens avec qui, en général, ça se passe bien. J’ai eu quelques problèmes avec certains qui n’aimaient mon choix ou qui ne voulaient pas essayer le costume. Mais en général c’est sans problème.

Et Charlotte alors ?
Elle ne m’en a pas voulu et j’ai travaillé avec elle sur « Qui c’est les plus forts ? » avec Audrey Lamy.
Vos projets aujourd’hui ?
Tourner la page !
C’est-à-dire ?
J’ai décidé d’arrêter. J’ai 65 ans et j’ai envie de faire autre chose et peut-être de m’accorder un troisième métier. J’ai plein d’envie dont, depuis longtemps, créer des rideaux ! (elle rit) Et puis, j’ai des petits-enfants dont j’ai envie de m’occuper, d’autant que j’ai perdu mes parents cette année. Par contre, ce qui est étonnant, c’est que du jour où j’ai pris cette décision, j’ai commencé à oublier le nom des gens avec qui j’ai travaillé !
Là, je termine deux pièces de théâtre : « Berlin, Berlin » de Patrick Haudecoeur et « Une idée de génie » de Sébastien Castro, deux gros succès. Après, je me dis que tout peut s’arrêter et que j’ai envie de profiter de la vie. J’ai une maison à Palma de Majorque où j’ai une vue éblouissante et j’ai envie de la retrouver. Je suis d’un naturel optimiste, je suis facile à vivre et je suis heureuse. »
Ce sera le mot de la fin… En attendant de découvrir ses rideaux !

Propos recueillis par Jacques Brachet

Serge REGGIANI aurait 100 ans

Avec ses enfants

Si je vous parle aujourd’hui de Serge Reggiani, c’est qu’il aurait eu cent ans cette année et que ma carrière de journaliste a commencé (très mal !) avec lui
je viens tout juste d’entrer à Var-Matin, au milieu des années 60, alors que les «yéyés» sont en pleine explosion et que ma seule envie est de les rencontrer.
Et voilà que ma rédactrice en chef me demande, pour ma première grande interview, d’aller rencontrer… serge Reggiani qui passe à l’opéra de Toulon avec Jacques Martin et de faire un papier sur les deux artistes.
Martin, passe encore mais Reggiani, ce «vieux» comédien (qui n’a alors pas encore 50 ans !) je connais son nom, quelques titres de ses films mais le chanteur me parle peu
Contre mauvaise fortune bon cœur, de toutes manières je n’ai pas le choix. Je prends donc rendez-vous avec lui, bosse sa bio et me pointe à l’opéra où le monsieur m’attend et m’accueille chaleureusement, ce qui me rassure un peu.

A l’Opéra de Toulon
Encore à Toulon, quelques temps après

Il m’invite à m’asseoir, je sors mon petit magnéto de poche dont je me sers pour la première fois et je pose ma première question à laquelle il commence à répondre. Mais très vite, il s’arrête de parler et me dit : «Votre magnéto ne tourne pas».
Panique. Quand on m’appelle «jako la bricole» c’est par ironie car je ne sais pas planter un clou ! Alors la mécanique, n’imaginez même pas !
Après plusieurs essais infructueux, de plus en plus paniqué, Reggiani voyant ça, me dit : «attendez, je m’y connais un peu donnez-moi l’appareil». Et la sentence tombe très vite : «Vous n’avez pas mis de pile !».
Je rougis de confusion mais notre Reggiani, toujours d’une gentillesse extrême (il a très vite compris qu’il a affaire à un néophyte, dans tout le sens du terme !) me dit alors : «Ce n’est pas grave, c’est pour un journal, prenez des notes…»
Et re-panique car je n’ai ni papier ni stylo. Je sens le fiasco et surtout j’appréhende la colère de l’artiste… qui me propose alors son stylo et son bloc-notes !
De plus en plus confus, je reprends en tremblant l’interview mais j’écris vite, mes questions le rassurent car il voit que j’ai bossé, que je sais ce qu’il a fait et qu’en fait mes questions sont pertinentes.
Comme il doit se préparer pour aller chanter, que Jacques Martin a presque terminé et que je lui dis que je dois à son tour l’interviewer, il me dit en souriant : «Gardez mon stylo et mon bloc, vous les déposerez dans la loge en partant»

A Aix-en-Provence durant son exposition
Après le spectacle

Je pousse un grand ouf de soulagement, m’excuse et le remercie chaleureusement. Il me dit en riant : «Il y a un début à tout et vous saurez ce qu’il faut faire la prochaine fois. Bon courage».
On ne pouvait pas être plus gentil.
Mais là ne s’arrête pas l’histoire.
Je vais donc à la rencontre de Jacques Martin et là, tout se passe bien, je suis équipé. Même si le monsieur n’est pas aussi simple et gentil que le premier. Mais bon, j’ai mon interview et je peux passer dans la fosse d’orchestre pour aller faire quelques photos de Serge Reggiani.
J’ai un appareil photo… qui marche… et qui flashe malheureusement.
Au premier flash, l’artiste s’arrête de chanter, pointe son doigt vers moi (heureusement, je suis dans le noir !) et s’écrie : «J’ai dit pas de flash… Sortez !».
Je ne demande pas mon reste… Courage, fuyons !
Revenu dans les loges, je me dis que je vais attendre la fin du tour de chant pour m’excuser, arguant que je n’étais pas dans la fosse quand il a demandé de ne pas flasher. Aujourd’hui, on n’a plus de flash mais à l’époque…
Je rencontre le directeur de l’opéra, qui est un ami de mon père, à qui je raconte mon histoire. Il rit de bon cœur et me suggère : «Je serais toi, je partirais sans le revoir. Il ne t’a sûrement pas reconnu »

Je crois qu’il a raison. Je vais déposer bloc et stylo dans sa loge… Et je m’enfuie comme un voleur.
C’aurait pu être la fin de «ma carrière» si je n’étais pas tombé sur un type épatant comme Serge Reggiani qui, ce jour-là, m’a donné une belle leçon. De ce jour j’ai toujours été précautionneux, vérifiant le magnéto, ayant toujours un bloc et plusieurs stylos (on ne sait jamais !) dans ma sacoche.
Deux, trois ans plus tard, j’ai de nouveau rencontré Serge Reggiani pour l’avant-première du film «Comptes à rebours» qu’il était venu présenter à Toulon avec le réalisateur Roger Pigaut. Je lui rappelai notre première rencontre dont d’ailleurs il ne se souvenait pas mais cela l’a fait rire.
Je devais le retrouver une  fois encore à la fin de sa vie. Invité d’honneur au Festival de la Chanson Française à Aix-en-Provence. Il était déjà très affaibli et venait présenter son livre, une exposition de ses œuvres car il avait découvert la peinture sur le tard et donner un récital. Qu’il donna d’assis car il avait du mal à se mouvoir. C’était à la fois pathétique et émouvant. Émouvant surtout car  il était entouré de ses enfants Karine et Simon qui vinrent le rejoindre pour chanter avec lui.
Mais le repas donné en son honneur fut joyeux et brillant car il nous raconta plein d’anecdotes.
Voilà comment je débutais dans ce métier qui aurait ne pas avoir de suite… Et que je poursuis depuis plus de 50 ans !

Jacques Brachet

Notes de lectures


Christos MARKOGIANNAKIS : Omero, le fils caché (Ed Plon – 443 pages)
Christos Markogiannakis est un écrivain grec installé à Paris, spécialiste de romans policiers.
Il y a dix ans, il rencontre à Paris un certain Omero Lengirini. Ils deviennent amis puis un jour Omero disparaît. Et voilà que Christos est convoqué chez un notaire qui lui remet  une grande boîte de la part d’Omero qui vient de disparaître, cette fois définitivement.
Parmi des objets, un manuscrit : l’histoire de la vie de Romero qui n’est autre que le fils caché de Maria Callas et d’Aristote Onassis. Il lui confie ce texte en lui disant d’en faire ce qu’il veut… Mais lorsqu’on est écrivain, de polars qui plus est, Christos va découvrir une histoire extraordinaire digne d’un thriller.
Enfant joyeux mais solitaire, éloigné de tout, Omerol vivra avec un couple qu’il croit être ses parents, avec, au-dessus de lui, un parrain fantôme qui le comble de cadeaux. A la mort de celle qu’il croit sa mère, il apprend qui sont ses vrais parents avec un acte de naissance stipulant qu’il était… mort à la naissance, ce qu’Onassis avait toujours fait croire à Maria Callas.
A partir de là, il va démarrer une vraie quête d’identité, remonter à la source de sa vraie famille, essayer de rencontrer les gens qui font partie de cette famille et qui n’en savent rien ou alors, qui ont occulté et dénié cette naissance.
Ce sera une quête obsessionnelle de 40 ans, durant lesquels il va suivre les pas de tous ceux qui ont gravité autour de ses parents, ceux qui  sont toujours vivants mais qui, durant ce long chemin de croix, vont disparaître à leur tour. Il a failli rencontrer sa mère biologique, il n’a vu que qu’une fois son père biologique qu’il croyait alors être son parrain et qui l’a viré avec pertes et fracas.
Beaucoup de peine, de haine, de regrets qui, malgré l’argent que son père lui a quand même laissé et lui a permis de faire le tour du monde, a été pour lui une recherche d’identité permanente et l’a empêché de vivre.
Christos n’a eu qu’à traduire cette histoire qu’Omero écrivait en français, en italien, en grec, comme un apatride qu’il a été toute sa vie.
Une grande histoire écrite comme un thriller avec tout au long des rebondissements, des découvertes de secrets bien cachés. Un livre à la fois très palpitant et très émouvant que l’auteur a voulu faire partager aux lecteurs.
Et il a bien fait.
NB. Cette année est l’année du centenaire de la Callas.

Camille PATRICE :  la maison squelette   ( Ed Leo Scheer – 259 pages)
Premier livre de Camille Patrice, roman autobiographique dans lequel chacun peut se retrouver car l’auteure nous emmène dans un voyage intime : à 30 ans, à la mort de son père qu’elle appelle « le grand singe » elle se remémore ses souvenirs, de l’enfance à l’âge adulte, à partir des maisons dans lesquelles elle a vécu (pas moins de 12 voire 13).
C’est à travers cette introspection qu’elle s’est construite et finit par accepter la mort de ce père.
Cette recherche dans le passé est une sorte d’auto psychanalyse thérapeutique. Après un effort pour entrer dans le livre, on se laisse porter par ce texte bien raconté, littéraire, original, dans lequel sont décrits très finement des souvenirs personnels. Son parcours de vie intime est jalonné de portraits, de situations relationnelles décrites avec sincérité ou se mêlent sentiments divers (colère, joies, jalousie, rage…) et descriptions de maisons dans leur environnement particulier.
Roman d’abord déroutant car elle parle d’elle à la 3ème personne et surnomme les membres de sa famille tels « bébé sourire, bébé sœur, tante teigne, maman poupée » et attribue un qualificatif évocateur à chacune de ses maisons : « appartements des rois du silence, la cabane, la maison sale…. ».
Thème original, rythmé par la vie chaotique d’une jeune femme à la recherche d’elle- même.
Charmaine Wilkerson : Les parts oubliées ( Ed.Buchet-Chastel – 505 pages)
Le « gâteau noir » est le fil rouge de ce tentaculaire roman antillais et, surtout, celui confectionné traditionnellement aux Antilles pour le mariage d’une fille, gardé au congélateur et ressorti lors de divers anniversaires.
Ici, c’est le fil conducteur d’une longue traversée familiale sur plusieurs générations.
Benny et Beneth frère et sœur qui s’étaient un peu perdus de vue, se retrouvent dans la maison familiale après le décès de leur mère. Ils ne se sont plus vus depuis des années et vont écouter ensemble l’étrange message vocal qu’elle leur a laissé.
Va s’ensuivre un étrange puzzle avec des histoires dans l’histoire, des générations, des allers et retours dans le temps. Peu à peu des pans d’ombre s’éclaircissent et permettent aux enfants de comprendre qui ils sont, ce qu’ils sont.
Des personnages fabuleux, hors du commun, parsèment ce récit plein de problèmes, d’obstacles, mais dans un parcours plein d’amour, de rencontres, de départs.
On plonge avec plaisir dans les méandres de ce récit à tiroirs bien écrit et très vivant.

Lilia HASSAINE : Panorama (Ed. Gallimard – 235 pages)
Il s’agit ici d’un roman policier qui s’ouvre sur la piste d’une enquête banale, menée par une ex-policière qui reprend du service, partie à la recherche d’un couple et de leur fils de huit ans, disparus subitement.  Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où l’on vit à l’ère de la transparence depuis la Revenge Week de 2029, révolution à partir de laquelle, pour se libérer du MAL, les Français doivent vivre dans des quartiers transparents, composés de maisons aux parois de verre, exposés aux regards de tous.
Comment dans ce cas trois personnes peuvent-elles disparaitre ?
C’est ce que nous suivons au travers de l’imagination de cette voisine, autrice du roman, richement documenté mais d’une lucidité terrifiante qui assure et apporte des situations hors du commun
Fort bien écrit et plein de suspense mais auquel on se laisse prendre… Ou pas…
Jonathan SIKSOU : Vivre en ville (Ed du Cerf – 208 pages)
Jonathan Siksou est journaliste et écrivain, il a reçu le prix Transfuge du meilleur essai en 2021.
Dans un monde où il est de bon ton de dénigrer la ville et d’aller s’installer à la campagne, son dernier livre redonne le sourire au pauvre citadin souvent obligé d’habiter en ville.
La ville la mieux étudiée dans ce livre est Paris, bien qu’il en cite de nombreuses autres de tous les pays du globe. C’est certain, les grandes villes ont leur lot d’inconvénients, mais il faut savoir regarder avec humour la transformation, la bétonisation de nos villes, l’excroissance indécente des centres commerciaux, les embouteillages à toute heure du jour, la foule anonyme toujours pressée dans le métro…
Alors l’auteur va nous emmener dans les musées, les jardins publics, chez les petits commerçants de quartiers comme les boucheries et les boulangeries où la boulangère fait l’admiration de l’auteur en arrivant à faire tenir dans une boîte, des éclairs, des tartes, des choux à la crème sans perdre de place, c’est du talent !
Même si Jonathan Siksou a eu la chance de parcourir le monde dans sa jeunesse, dans les plus grands palaces et de vivre aujourd’hui dans un très grand appartement parisien, il amènera régulièrement le lecteur à sourire et même à rire, car oui on peut vivre en ville et s’y plaire.

THOMAS REVERDY : Le grand secours (Ed Flammarion – 318 pages)
Comment expliquer l’explosion de colère d’une jeunesse qui, toujours en relation avec les réseaux sociaux, s’enflamme dès la réception d’une vidéo représentant un policier dans une bagarre?
Bondy, une banlieue au nord de Paris, à proximité d’un gigantesque carrefour où se croisent autoroutes et nationales.
C’est dans un lycée, qui accueille tous les jours des centaines d’élèves et de professeurs, que Thomas Reverdy retrace méthodiquement, heure après heure, une émeute sans précédent. Tout devrait se passer comme tous les jours, c’est à dire sans heurt, malheureusement une cascade de vidéos va dégénérer.
Le jeune Momo, timide poète amoureux va se transformer en délinquant, les professeurs réunis dans la salle des profs vont réagir à ce qu’ils pressentent être une émeute monumentale au fil des heures, or c’est l’heure de sortie des cours. Faut-il ouvrir les portes du lycée en grand pour libérer les lycéens enfermés dans les locaux ou au contraire les refermer bien vite et se cloisonner en attendant la libération par les forces de l’ordre ? L’auteur étudie scrupuleusement heure après heure un scénario qui pourrait un jour se présenter dans les lycées.
Le cas de Bondy est volontaire pour dénoncer le mal-être des élèves autant que des professeurs vivant dans une des banlieues les plus défavorisées de Paris.
Un livre écrit pour déranger mais aussi pour prévenir une explosion sociale qui viendrait de la jeunesse. Un danger palpable certains jours, que les autorités redoutent et le lecteur espère que tout est déjà programmé au ministère de l’intérieur pour retourner au calme une masse de jeunes prêts à tout saccage, pillage, jusqu’au meurtre si tout n’est pas maitrisé à temps.
Cri d’alarme et appel au secours de Thomas Reverdy… Qui l’entendra ?
Marie LACIRE : Atlantique (Ed Plon – 170pages)
C’est le portrait d’une femme  Anne, qui a écrit son premier roman, dont l’éditeur la presse d’en faire un second assez vite, mais l’angoisse devant la page blanche la saisit  et cela dure  …
Son compagnon, Phil, lui propose alors d’aller dans le Médoc, non loin de l’Atlantique, passer quelques jours dans la maison de son enfance.
Le jardin n’est pas entretenu, la maison n’a pas été habitée depuis trente ans, les meubles sont d’un autre âge, la vaisselle en trop grand nombre encombre les pièces et le village est tout petit.
Lui, est heureux et ne veut rien ranger et surtout ne rien jeter
Elle, c’est le contraire. Elle voudrait ranger et trier. Elle veut créer son propre présent. Le couple souffre et va ainsi passer trois étés..
Le ton est vif, peu de dialogues, mais des chapitres courts et même très courts, ce qui est original et augmente l’intérêt du lecteur.
Se présente  alors, dans ce village si petit, un deuxième écrivain. Il est célèbre et a déjà écrit  une vingtaine de livres.
Va-t-il lui faire douter de son talent ? Elle pense que lui, a choisi sa vie et qu’elle, subit la sienne. 
Mais est –on vraiment libre de ses choix ?
La fin du livre nous éclairera.



Pasino d’Hyères
Marc JOLIVET : un spectacle pour l’Ukraine


Le mois dernier au bord de l’eau à l’Almanarre, le comédien et humoriste Marc Jolivet nous promettait une belle soirée au Pasino d’Hyères, soirée en faveur de l’association « Doc for Ukraine ».
« Attends – toi à de belles surprises »  m’avait-il dit.

L’Harmonie Hyèroise

Et les surprises furent de taille en ce dimanche 29 octobre car son spectacle fut un feu d’artifice de bonne humeur, de rires et d’immense émotion.
Ca démarra très fort avec «  la chevauchée de la Walkyrie » de Wagner, interprétée par l’Harmonie Hyéroise dirigée par Alain Chiva.
Bien entendu, notre Marc, Monsieur Loyal de la soirée, monté sur ressorts, nous raconta ses histoires, avec sa faconde, son énergie, son humour quelquefois décapant, nous dit qu’il aimait Hyères tout autant qu’Aix-en-Provence où il partage sa vie avec son épouse, l’écrivaine Julie Guinard, ce qui en fait, nous dit-il des « Hyèraixois ».
Les bénéfices de cette soirée étaient totalement reversés à l’association « Doc for Ukraine », tous les artistes présents étant venus prêter leurs concours bénévolement.
Parmi eux, deux Ukrainiennes, deux Natalia, prêtèrent leur talent, l’une violoniste, Natalia Voronova, l’autre chanteuse d’opéra, Natalia Chasovska, chacune interprétant entre autres des musiques et des chants ukrainiens.

Natalia Chasovska
Natalia Voronova

Participèrent également deux trompettistes déjantés issus du quintet « Les trompettes de Lyon », Peter Ballester et Ludovic Roux, qui interprétèrent à leur manière très décalée mais avec virtuosité quelques musiques jazzy, et auxquels Marc vint s’immiscer en jouant horriblement faux ! Décidément, il vaut mieux qu’il reste dans l’humour !
Puis vint aussi Alban Michon, explorateur polaire, ami de Marc, qui nous raconta une drôle de rencontre avec un ours blanc (photos à l’appui) et voilà que l’ours en question arriva sur scène ! En dessous s’était faufilé  Fabrice Drouelle, journaliste radio connu pour son émission « Affaires sensibles » que nous avions rencontré à l’Almanarre et qui, plus tard, dit avec Marc un très beau poème de Victor Hugo.
Un grand moment également avec la venue d’un xylophoniste fou, François Lefebvre qui s’éclata sur son instrument avec une incroyable dextérité, accompagné par l’orchestre d’Alain Chiva. Du grand art !

Alain Chiva
Peter Ballester & Ludovic Roux
Fabrice Drouelle & Marc Jolivet
François Lefebvre

Et puis, la Chorale « Les Magnanarelles » se levèrent pour chanter « L’hymne à la joie » de Beethoven, qui est aussi l’hymne de l’Europe. Et là, un grand moment d’émotion se  propagea dans la salle. Mais ce n’en était pas fini avec l’émotion qui alors submergea la salle qui se leva d’un seul homme pour écouter avec ferveur l’hymne de l’Ukraine chanté par Natalia Chassovka et dit en français par Alain Chiva.
Soirée mémorable où l’on passa du rire aux larmes et qui se termina à nouveau par l’Hymne à la joie que toute la salle reprit.
« Le combat continue », lança Marc entouré de ses amis sous les applaudissements nourris des spectateurs qui eurent du mal à quitter la salle mais qui retrouvèrent Marc et Alban dans le hall pour la dédicace de leur livre et Isabelle Beurdeley, magnifique plasticienne qui, à partir d’instruments de musique, crée des luminaires. Et ce soir-là, la vente de ses œuvres revenait à l’association.
Ce fut une soirée de rires et de pleurs mêlés, pleine de générosité et d’amour comme on aimerait en voir plus souvent… Si tous les gars du monde…

Alban Michon…
… Et son ours !
Un ours nommé Fabrice !
Les Magnanarelles face au public

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Marseille – Théâtre Toursky
Richard MARTIN nous aquittés mais l’aventure continue


Il nous a quittés le 16 octobre, suite à une longue maladie.
Richard Martin était un homme on ne peut plus chaleureux, sympathique et passionné. Une grande gueule au cœur tendre.
Comédien et directeur du théâtre Toursky c’était un homme volubile, plein d’humanité dont la passion pour la culture, le théâtre et les gens était sans bornes. Il a passé sa vie à se battre pour eux et entre autres pour ce théâtre qu’il a créé voici plus de cinquante ans, il n’a jamais baissé les bras, il a su élever la voix malgré les coups bas, les baisses de subventions quand ce n’était pas leur suppression pures et simples pour des excuses fallacieuses.
Bref, Richard a toujours été un battant jusqu’à faire des grèves de la faim pour sauver ce superbe espace de culture et de convivialité qui possède trois salles de spectacles et des tas de petits lieux intimes où l’on peut se rencontrer, discuter, boire un coup ou manger. Un vrai lieu de vie qui était à son image.
Son histoire est une véritable épopée qu’il m’a un jour racontée avec humour, tendresse, amour et émotion… Et surtout une volubilité qu’on avait du mal à endiguer !
«C’est vrai – me disait-il dans un de ces petits coins de prédilection en toute intimité – que c’est une longue histoire qui commence à Nice où je suis né, qui continue à Paris pour aboutir à Marseille que je n’ai plus quittée, qui est devenue ma ville, mon pays.
Au départ, mon destin était d’être peintre. A 15 ans je voulais peindre mais au vu des résultats, j’ai très vite compris qu’il fallait prendre un autre chemin. Étant un homme très excessif, j’ai tout laissé tomber et j’ai donc décidé de faire du théâtre. Et comme j’étais un jeune con, (Heureusement la pierre s’est taillée depuis !) je décidai qu’il n’y avait qu’à Paris qu’on pouvait faire le saltimbanque.

Mon père avait fini par dire oui alors que j’avais 18 ans et que la majorité était à 21. Il pensait qu’en étant d’accord, je reviendrais vite au bercail ! Mais j’ai résisté, physiquement et moralement, j’ai commencé par être cascadeur. Le train, les voitures, les chevaux, les ailes d’un moulin, les sauts du haut d’une tour, j’ai été raseteur… J’ai tout fait, j’étais fou. Puis j’ai rencontré Robert Lamoureux, Robert Murzeau, alors de grands comédiens. Murzeau était un vrai humaniste qui m’a beaucoup aidé.
J’ai très vite travaillé dans le théâtre de boulevard. Sans être célèbre je gagnais bien ma vie, surtout que je n’avais pas fait de conservatoire. Mais j’ai très vite compris que c’était une situation de facilité car ce n’était pas le théâtre «sensible» que j’avais envie de faire.
Je l’ai donc quitté pour passer sur la rive gauche où j’ai découvert ce théâtre, même s’il était loin d’être aussi populaire et s’il fallait ramer pour travailler. J’ai même couché sous les ponts !
C’était à quelle époque ?
On n’était pas loin de mai 68 et bien évidemment j’y ai participé. On a occupé l’Odéon où comme les autres, j’ai fait de la résistance «poétique», où j’ai découvert la fraternité… Mais aussi bon nombre de comédiens qui prônaient des convictions qui n’étaient pas les leurs… et qu’ils ont vite abandonnées dès les événements passés !
Mais j’ai compris qu’il fallait que je me batte pour que le théâtre soit pour tout le monde et non pas, comme je le voyais, simplement pour «des privilégiés». Mots que j’ai d’ailleurs retrouvés à Marseille plus tard.

Marseille, justement… Le Toursky
Un jour, dans le quartier de la Belle de Mai, je découvre une sorte de hangar désaffecté et j’ai tout de suite vu ce que je pouvais en faire. Je suis allé voir Gaston Defferre alors maire de Marseille, qui a accepté de me le confier. Il y avait du travail et j’investissais tout ce que je gagnais comme comédien dans ce lieu que j’avais fait insonoriser avec 5000 boîtes d’œufs !
Le jour de l’inauguration un grand poète est mort  Alexandre Toursky. Le soir même j’apposais son nom sur le théâtre.
Savais-tu alors ce que tu voulais en faire ?
Oui. Je voulais travailler avec tous les pays de Méditerranée, proposer du vrai théâtre, de la vraie poésie, de la vraie chanson française. Un copain m’a alors présenté Léo Ferré. De ce jour on ne s’est plus quitté, il a été en quelque sorte le parrain du théâtre où il est venu souvent et où nous avons créé «L’opéra des rats». Sont alors venus Nougaro, Moustaki, Barbara et quelques autres.
Mon objectif aussi était de faire un haut lieu de la culture dans le quartier le plus misérable de Marseille et lui redonner une virginité.
Ça ne s’est pas fait sans mal mais ça va faire 50 ans l’an prochain que ça existe et que ça perdure. C’est devenu un lieu populaire, une belle aventure humaine, théâtrale, citoyenne, un lieu ouvert à tous à qui on propose des spectacles, de la danse, du théâtre, de la musique, des expos, des ateliers, des conférences, des rencontre et même un festival russe qui fête ses 25 ans et est devenu le plus important d’Europe. Nous travaillons avec tous les pays de Méditerranée et le Toursky rayonne partout à travers cette aventure. Nous réunissons quelque 70.000 spectateurs par an.

Mais ça n’a pas été un long fleuve tranquille…
Jamais, même aujourd’hui où je viens encore de faire une grève de la faim pour que la ville me redonne notre subvention. Tout le temps tout est remis en question parce que je gêne certainement quelques personnes. Mais c’est un lieu de culture et de fraternité qui a vu passer tous les artistes du monde. Mon travail est de rester un donneur d’alarme»

Ce jour-là nus nous sommes quittés en nous claquant trois bises. Surpris je lui demande pourquoi, moi qui, Ardéchois en ai l’habitude… Réponse claire : « Liberté, égalité, fraternité » !
De la fraternité, il y en a eu beaucoup ce jour-là… Et plein d’autres jours !
Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier

Voyage à Venise avec Macha MERIL


Mélusine Marvel est une star française qui a ses coups de cœur, ses coups de gueule, ses caprices mais qui sait que, vieillissante, il va falloir qu’elle se batte avec la profession, avec la caméra pour rester ce qu’elle est. Elle est au tournant de sa carrière et de sa vie et elle sait que ce rôle de Desdémone dans ce film italien, adaptation d’Othello, sera sa gloire ou sa perte.
On va donc la suivre dans les dédales de sa carrière, de ses doutes,  de ses joies, de ses crises de nerfs, la boisson, le sexe, auxquels elle se raccroche pour pouvoir dire qu’elle existe encore.
Très beau portrait de femme par une femme qui connait tous ces sentiments dans ce métier qui ne fait pas de cadeau.
Le roman s’intitule « La grille du palazzetto » (Ed l’Archipel
L’auteure est Macha Méril, lumineuse comédienne, auteure pleine de finesse et d’humour, même si dans ce roman, elle se consacre plus à l’état d’âme d’une comédienne qui sent que sa jeunesse fout le camp.
En plus de ce portrait, elle nous fait entrer dans les coulisses d’un tournage, ce qu’elle connaît bien, et nous guide dans une Venise belle et mystérieuse qu’elle a l’air de connaître aussi.

Avec Macha, c’est une histoire d’amitié qui ne date pas d’hier, puisque voici des décennies qu’on se rencontre, qu’on se parle, qu’on s’écrit, qu’on se téléphone et tout est prétexte à ce qu’on se retrouve. Du coup, ce roman est une aubaine.
Macha, tu nous parles de choses que tu connais par cœur : , les comédiens, le tournage d’un vu de l’intérieur et Venise… vu de l’extérieur !
(Elle rit) Il n’y avait personne que moi pour parler de tout cela : le métier d’actrice, mais aussi l’ambiance d’un tournage et de tous les métiers que le spectateur ne voit jamais : les techniciens, producteurs, agents et autres métiers de l’ombre. Mais aussi l’inquiétude d’un tournage, le questionnement de chacun, l’adrénaline, l’ambiance d’un tournage. Tout le monde est plus ou moins inquiet, il y a des affinités, des problèmes et la fin d’un tournage qui est toujours traumatique : On se quitte après être restés ensemble, que va-t-on faire après…
Et surtout cet état de star que Mélusine vit quotidiennement !
Oui, Mélusine est à un virage. Elle est une star mais une star vieillissante et elle a peur de ce qui va se passer, comment elle va passer à l’écran et pour combien de temps encore.
Ce sont des choses que tu as connues en fréquentant ces actrices.
Oui et d’abord, pourquoi devient-on star ? Comment le vit-on ? Beaucoup de stars ont mal tourné comme Marylin Monroe, Romy Schneider, Natalie Wood et même des hommes comme Patrick Dewaere. Beaucoup ont sombré dans l’alcool, la drogue car être star est un poids sur les épaules et si l’on ne vit que par et pour ça, ça peut finir mal.
Ça aurait pu t’arriver ?
Comme à tout artiste mais il se trouve que j’ai tout fait pour être l’antistar. Je suis née avec la Nouvelle Vague où déjà tout changeait et je n’ai jamais voulu m’enfermer dans ce style de vie. J’ai toujours voulu être libre de mes choix et, quittant un plateau, j’ai toujours eu une vie à côté, je me suis intéressé à la culture, à la lecture, à la cuisine, au jardin, j’ai écrit des livres, j’ai fait du théâtre et tout cela, même si ça ne m’a pas toujours enrichie, a fait que j’ai eu une autre vie que celle d’actrice. Et plus ça va, plus j’ai envie de ne faire que des choses que j’aime. Grâce à Michel Legrand, je suis à l’abri du besoin, même si je n’ai pas de gros besoins et je peux choisir ce que j’ai envie de faire et de tourner ! Je me suis toujours surprotégée et j’ai tout fait pour brouiller les cartes ; je peux dire non quand je le veux. Je n’ai pas à enquiller des films si ça ne m’intéresse pas.

Être star, c’est quoi au fait ?
Ce peut être quelque chose de magique au départ. Pourquoi une actrice est choisie plus qu’une autre ? Pas seulement parce qu’elle est belle car toutes ont un défaut particulier mais qui justement peut être photogénique. Mais il ne faut pas que ça et toutes les stars l’ont compris.  Après, elles sont souvent brut de décoffrage et il faut qu’elles continuent à être ce qu’elles sont et elles vivent dans la peur de ne pas être autre chose que ce qu’elles sont devenues et surtout de le rester. C’est pour cela que souvent, elles sombrent dans l’alcool, la drogue. Regardez Martine Carol, qui m’a inspirée pour Mélusine, elle était droguée, nymphomane, alcoolique. J’ai rencontré Louis Grospierre qui la suivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et pour lui c’était l’enfer. La notoriété abîme les gens et certains ne tiennent pas le coup quand ils la perdent.
C’est toujours pareil aujourd’hui ?
Beaucoup moins car être star est aussi garder de mystère et aujourd’hui les artistes veulent être des femmes comme les autres, amener leurs enfants à l’école, étaler leur vie privée sur les réseaux sociaux. A part Catherine Deneuve ou Isabelle Adjani, qui tiennent le coup, qui se préservent
Il y a aussi dans ce roman de très belles descriptions de Venise que tu connais bien…

Oui, je suis souvent allée à la Biennale et surtout, j’ai un ami qui vit à Venise, qui me reçoit chez lui… Et à qui je fais la cuisine, chose que j’aime faire, tu le sais. Bien sûr on connaît la place Saint-Marc mais ce n’est pas que cela,  et les balades en bateau, Venise. D’ailleurs, les habitants quittent souvent la ville et n’en connaissent pas tout.
Quand on vit dans une ville on ne la connait pas en fait. Moi, je suis partie visiter les ruelles, les petites places mon ami m’a amenée dans des lieux mal famés où vit la pègre, les boîtes plus ou moins louches et j’ai trouvé tout cela très amusant !
Alors aujourd’hui, que devient Macha ?
Je suis toujours très occupée. En ce moment je suis sur les routes pour présenter et signer mon roman dans les salons du livre. Je serai d’ailleurs à Marseille les 24 et 25 novembre.
Je vais reprendre au théâtre Montparnasse « Une étoile » d’Isabel le Nouvel, Je viens de tourner pour France 3 le pilote d’une série « Enquête parallèle » avec Florence Pernel, où je joue sa mère, une mère un peu barrée… J’adore Florence qui est une femme adorable de gentillesse et qui a beaucoup de talent. Si le pilote marche, il y aura une suite… Et puis, j’ai un autre projet qui me tient à cœur : monter une conversation entre Catherine II  et Voltaire, d’après leurs échanges épistolaires, Catherine qui s’est insurgée lorsqu’on a guillotiné Marie-Antoinette. On le créera au festival de Grignan en juillet prochain. Et je me vois bien en Catherine… C’est mon sang bleu qui parle !

Et il y a l’œuvre de Michel Legrand !
C’est ce qui me donne le plus de travail car depuis quatre ans j’ai créé dans son manoir un festival consacré aux compositeurs de musiques de film qui ont de plus en plus de problèmes pour imposer leur musique, les droits d’auteurs coûtant paraît-il de plus en plus chers, beaucoup de producteurs veulent s’en passer.
Du coup, ce festival est un concours avec un jury et un président. J’ai eu Jacques Perrin, Claude Lelouch, Jean-Jacques Annaud pour les trois premiers. On a rendu hommage à de grands compositeurs comme Nicola Piovani, Gabriel Yared. C’est un travail énorme, il faut trouver de l’argent, des artistes, des musiciens. C’est une grosse organisation qui me prend beaucoup de temps.
A propos de Michel, la Poste va créer le 24 février 2024 un timbre pour ce qui aurait dû être ses 92 ans. Il y a plusieurs projets très excitants et il va falloir choisir.
Prochain roman ?
Laisse-moi respirer ! Mais écrire est toujours pour moi un jeu littéraire, un challenge. J’y ai pris goût et je vais continuer. »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Octobre rose au bord de l’eau


Après la journée des Pointus Roses organisée avec l’aide de l’association Lou Capian et les Rameurs du Brusc, après le « Défi d’elles » où, au Embiez, le raid mixte et solidaire a pu réunir des dons reversés aux associations caritatives, samedi une journée au Gaou réunissait des sportives parisiennes et six-fournaises, pour une marche rose autour de l’ile et une épreuve cycliste. Le tout parrainé par la journaliste Myriam Seurat auprès de laquelle se greffaient deux invités d’honneur : la journaliste Valérie Trierweiler et le champion de natation Camille Lacourt dont l’épouse a eu un cancer du sein.

Fidèles au poste, les associations CapSein, La P’tite parenthèse et Sport Adapté Santé 83 étaient présentes pour soutenir tous ces marcheurs et ces cyclistes dans une ambiance de kermesse rose, tout le monde étant venu avec tee shirt, pullover, chemise, foulard roses, même le Maire, qui soutient ce mois national, Jean-Sébastien Vialatte qui, lui aussi, est fidèle à cette manifestation organisée par le Dr Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé, Béatrice Métayer, chargée de mission politique de santé publique et une poignée de bénévoles. 
On avait frôlé la catastrophe avec une averse tôt le matin mais le mistral souffla sur les nuages et le soleil fut de la fête.

Un arbre fut planté sur l’île qui, l’on s’en souvient, a été victime d’un incendie cet été et pour démarrer la fête de l’après-midi, c’est une troupe de toutes jeunes « hip hopeuses », de la SNJ Hip Hop School dirigée par Magali Ben Salma, qui nous offrirent une belle démonstration qui emballa le public et l’on put apercevoir quelques danseurs maladroit se joindre à la troupe avec le maire in person et quelques élus !
Ce fut une joyeuse journée où chacun put oublier ses soucis et voir la vie en rose.

Jacques Brachet

Notes de Musique

EYM TRIO – Bangalore – Melmax Music – 8 titres
Ce trio, originaire de Lyon s’est formé en 2011 par la rencontre de trois musiciens Elie Dufour au piano, Marc Michel à la batterie et Yann Phayphet à la contrebasse.Pour ce nouveau disque ils ont invité la chanteuse/flûtiste indienne Varijashree Venugopal qu’ils avaient rencontrée à Bangalore (Inde du Sud, d’où le titre). Les musique de l’Inde (elle sont nombreuses) ont toujours intéressé les musiciens occidentaux : Coltrane, les Beatles. Le sitariste Ravi Shankar (Inde du Nord) a connu un immense succès en Occident et a influencé nombre de Musiciens. Eym Trio reprend cette lignée. Une rencontre réussie et fructueuse entre le jazz et la musique carnatique.Varijashree Venugopal est née en 1991. Dès les premières années de sa vie elle était capable de reconnaître jusqu’à 200 ragas, elle donna son premier concert à l’âge de 7 ans. Elle s’est delà frottée à la musique occidentale, notamment avec le compositeur et bassiste américain Michael League.Sa voix, chaude, module à la façon d’une flûte sehanai, comme par exemple sur « Jagadoddarana » ou encore « I’m travelling Alone », et là le trio fait des incursions très jazz. Elle scatte d’une façon qui rappelle la chanteuse coréenne Youn Sun Nah comme sur « No Madness ».Un disque qui répond au Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin. EYM Trio a réussi une œuvre originale qui crée un univers assez envoûtant.

SOPHIE DARLY – Slow Down Fast – Bros Records / L’autre Distribution – 8 titres
La chanteuse franco-suisse nous offre un troisième album avec un curieux titre en oxymore : Ralentir vite. Ce n’est pas un titre pour faire bizarre, c’est au contraire une profession de foi parfaitement réalisée. La musique prend son temps, les paroles respirent en chantant l’amour, bien sûr, les rêves, les choses de la vie. Elle possède une voix lisse, soul, qui prend du grain dans le grave. Elle chante avec conviction et avec des sautes harmoniques assez subtiles. Elle est parfaitement entourée par des arrangements à la frontière du jazz. Il faut dire qu’on trouve sur certains morceaux Pierrick Pédron au sax alto, Julien Alour à la trompette, et une rythmique de choix avec Arnaud Gransac (p), Daniel Mizrahi (g, clav), Antoine Reininger (b), et Matthieu Penot (dm).« In the Silence of the Night » est assez emblématique de l’esprit du CD. On trouve des effluves de blues dans « Love with a Twist ». « Monster B » sonne très chanson années 50 avec un arrangement bien d’aujourd’hui. On retrouve dans ce disque l’atmosphère country/pop/jazz des seventies : Bob Dylan, Joan Baez, etc. avec les reflets du jour. Sophie Darly, un maillon fort dans la chanson d’aujourd’hui

Serge Baudot